Professeur Laurent BADO : Les vertus politiques de l’engagement de cet intellectuel africain

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Idrissa Diarra rend  hommage ici au Pr Laurent Bado, qui, pour lui, représente quelques vertus politiques qui mériteraient d’être soulignées. 

Le présent article, quasiment bouclé depuis avril 2014, avait été rangé, pour certaines raisons (…) A la faveur de la vie politique nationale, nos concitoyens ont vécu chacun à sa façon, des chocs (Accidents divers, crash d’avion, Martyrs de l’insurrection populaire, pertes diverses), éveillant un regain d’intérêt pour certaines valeurs et qualités défendues par le professeur.

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Comme le vin, le sujet s’est bonifié avec le temps, – notamment avec cette date anniversaire de la disparition de l’illustre Norbert Zongo, qui a déjà partagé un plateau de débat, qualifiable aujourd’hui d’historique, avec Laurent Bado sur la RTB -, d’où la présente tribune.

« Le Burkina Faso est à la croisée des chemins ! » Beaucoup reconnaîtront l’appropriation publique retentissante de cette pensée, par le professeur Laurent Bado ! C’est ce que Me Guy Hervé Kam fait dans une interview publiée dans l’édition du jeudi 27 mars 2014 du journal Le Pays n°5572, p. 4.

A côté de cette anticipation faite très tôt, le professeur fait d’autres contributions qualitatives à la vie et aux débats publics. Cependant par moments, comme tout homme public, il n’échappe pas par moments à certaines critiques.

  1. Brèches pour les critiques à l’endroit du professeur

Le professeur revendique lui-même et assume ouvertement, l’usage courant d’un langage choquant – pour, selon lui, éveiller les consciences sans détour. Ainsi, il lui est arrivé par moments, de caractériser ses concitoyens d’électeurs « moutons ». Des qualificatifs, pour décrire en termes de participation, ses concitoyens, majoritairement dans la posture d’une culture politique de type paroissial (parochial culture) ou de sujétion (subject culture), fortement marquée par l’attentisme, le suivisme, la résignation, voire l’ignorance, à la différence de la culture de participation – participant culture- (Almond et Powell)(1)

Avec le recul et le temps passé, marqués par l’exploit historique du peuple burkinabè dans l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre, il est probable que nombre de paradigmes d’auteurs – y compris le professeur -, trouvent selon les rigueurs de la science, l’utile besoin d’être retouchés, revisités, relativisés, etc.

  1. Un fondateur de parti qui prend sa retraite, ouvrant ainsi, la voie au leadership d’un jeune dauphin

Leader d’opinion et de surcroît, « figure emblématique » de son parti politique, Laurent Bado sort de l’ordinaire, en choisissant de se mettre en retrait de la direction du parti qu’il crée, pour la « confier » à un jeune et mieux, pour promouvoir d’autres militants.  Ainsi, Bado montre en partie une voie à suivre pour répondre à une question énigmatique, objet de réflexions du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD). Il s’agit de la question épineuse de la démocratie interne des partis, de la succession aux postes de responsabilité, de la place et de l’avenir des pères-fondateurs ou pères spirituels dans leurs partis politiques.

Ce qui est frappant dans ce passage de témoin – ou retraite -, c’est le constat d’une part, de l’absence de parenté entre le professeur et son dauphin Barry et d’autre part, de l’effectivité des prérogatives assumées par ce dernier (Investiture comme candidat en 2015, etc.). L’on remarquera aussi que le successeur du professeur, consolide depuis lors son expérience, marquée récemment par cette participation historique au « Collège de désignation » du Président de la transition.

Platon disait dans une pensée séduisante, jugée par beaucoup comme idéaliste: pour que la société soit bien gouvernée, il faut que le philosophe soit roi ou que le roi devienne philosophe. Et ce penseur de se justifier : le philosophe recherche la vertu et l’intérêt général. Concernant son intérêt propre, il trouve la réalisation ultime de son « accomplissement » personnel  (pour emprunter le terme d’Abraham Maslow), dans ce qu’il y a de moral, de mental. Cette prééminence de la vertu morale chez le « philosophe-Roi » ou chez le « Roi-philosophe » le libère ainsi des considérations matérialistes et égoïstes.

Si cette pensée platonicienne est appropriée, la gestion de plusieurs partis politiques pourrait se trouver assainie et attrayante pour les militants et sympathisant avec une répartition équilibrée des rôles effectivement assumés. Ils sont en effet nombreux, les leaders politiques qui assument de fait, outre la charge de Président, celle du trésorier, du responsable des affaires extérieures, du responsable de la communication, du responsable à l’organisation, etc., évinçant les titulaires réels de ces postes, – un fonctionnement totalement aux antipodes de ce que l’on appelle la saine division du travail, enseignée depuis Moïse! Une gestion autocratique, qu’il est difficile évidemment de changer subitement, une fois parvenu à la tête de l’Etat.

  1. Une idéologie politique originale : le « Grégarisme africain » fondé sur les valeurs africaines

Est-il logique, d’ouvrir une boutique de commerces, sans savoir a priori, quels types de produits vendre (progiciels informatiques, quincaillerie, textile, légumes ou le tout à la fois) ? C’est là tout le sens de l’idéologie d’un parti politique.

L’idéologie est en effet, à l’image de la culture pour une Nation, l’identité, le fondement, le socle fédérateur des militants et sympathisants du parti.

Hormis l’idéologie, comment reconnaître la ligne directrice des partis politiques ? Comment classer convenablement en termes d’actions, cette myriade de partis politiques chez nous ? Comment orienter le citoyen dans ses choix politiques ?

Pourtant, certains hommes politiques n’ont cure de l’idéologie ! Les raisons évoquées urbi et orbi, c’est que les citoyens ne votent pas sur la base de programme. Ces derniers seraient-ils du simple « bétail électoral » à leurs avis ? Quelle peut être la qualité d’une démocratie faisant peu fi du citoyen, en dehors des élections ?

Sans ce ciment fort qu’est l’idéologie, la scène politique devient en permanence, le théâtre d’une certaine volatilité marquée entre autres, par le nomadisme, entachant ainsi la crédibilité des acteurs politiques, sur fond d’incompréhension des citoyens.

Pour le professeur Bado, la politique, « c’est les idées ! ». Cette conception idéologique de la politique se traduit dans la doctrine du  « grégarisme africain », qui fait le constat d’échec des concepts politiques économiques importés en Afrique que sont le capitalisme privé et le socialisme. Cette doctrine défend la nécessité de puiser dans les ressources et les valeurs culturelles africaines et de proposer comme alternative, « l’actionnariat populaire ». Par cette invention, Laurent Bado répond à une préoccupation chère à l’illustre historien Joseph Ki-Zerbo – via le concept de « développement endogène » – exprimé dans l’interview intitulé, « A quand l’Afrique ? ».

  1. Démissions et renonciations à certains postes de responsabilité : indicateur de la prééminence de l’intérêt général

Les démissions constituent une soupape de la démocratie. Elles sont un indicateur pertinent de l’attachement des citoyens à l’intérêt général prioritairement par rapport à leurs intérêts personnels. Elle traduit aussi l’humilité et le rejet d’individus indispensables quelconque dans la gestion de la vie publique. Un mythe de l’indispensable, totalement abject entretenu avant  le 30 octobre, tentait de persuader les citoyens de la survenue d’hécatombe au Burkina, si Blaise Compaoré quittait le pouvoir. Aujourd’hui, l’histoire nous montre que chaque peuple, en particulier le burkinabè, sait sécréter ses dirigeants, sans qu’il en résulte un séisme toujours. Cela devrait servir d’exemple pour mettre fin à la culture de l’indispensable chez chaque citoyen, aussi bien dans le public, que dans le privé (…)

Laurent BADO, illustre à merveille ce fait. Il ne fait en effet, aucun mystère de ses multiples démissions et renonciations à des postes le long de sa carrière, une traduction éloquente de l’audace pour la rupture (…).

Et comme pour démocratiser une « charité bien ordonnée commencée par lui-même », Laurent Bado ne manque pas d’exiger haut et fort, la démission pure et simple de Blaise Compaoré, – dans son discours à la place de la Révolution – lors de l’ultime marche monstrueuse et historique du peuple burkinabè, le 28 octobre 2014.

  1. La participation du professeur Bado à la formation de plusieurs générations de cadres

Laurent BADO a participé à la formation de plusieurs générations d’étudiants ou d’agents de l’administration publique et privée : des milliers ! (faculté de Droit et Ecole nationale d’administration et de magistrature, etc.), parmi lesquels comptent aujourd’hui d’éminents juristes de référence (magistrats, avocats, constitutionnalistes). La profession d’enseignant mérite à ce titre, un hommage appuyé.

Aussi, les interviews, les débats médiatiques, la plume, via la presse (2) et les publications scientifiques, servent au professeur pour éclairer l’opinion, sur des problématiques brûlantes comme l’identité culturelle africaine, l’église chrétienne, etc.

  1. Professeur de Droit et de Science politique, Bado est-il aussi un philosophe ?

Toute chose a une fin sauf Dieu, disent les Ecritures saintes. Le professeur, en tant que chrétien, loin de faire mystère autour de la mort, affirme préparer la sienne. Il rappelle ainsi certains philosophes comme Epicure. Pour ce penseur, quand la vie est, c’est que la mort n’est pas. Et quand la mort est, c’est que la vie n’est pas ! Dans ce cas, est-ce censé d’avoir peur de la mort?

  1. Faire la politique est une option de vie parmi tant d’autres et non une fin en soi

La vertu de cette conception dans la vie publique avec la dimension temporelle, interpelle les hommes politiques à considérer l’engagement politique dans une carrière à planifier, comportant ses objectifs d’intérêt public, un début, un essor, une retraite, voire une fin. C’est à cette seule condition que l’acteur politique peut évaluer ses contributions dans l’intérêt de la société et en temps opportun, procéder au passage du témoin à la jeunesse pour assurer la relève. C’est par cette voie aussi qu’un bilan politique jugé trop négatif, sinon catastrophique, impose le devoir moral de renoncer ou à la vie publique politique, ou à changer radicalement ses choix politiques. C’est à ce devoir de repentir sincère, de retraite politique ou de réelle réorientation que certains leaders de partis de l’ex-majorité ou de l’ex-Front dit « républicain », – jadis défenseurs ardents de l’alternative modification de l’article 37 pour un bail interminable à Kosyam – sont astreints.

  1. Devoir de retraite pour certains leaders politiques après un constat d’échec, pour l’intérêt public et la noblesse de vie politique !

A l’école, l’élève qui redouble à répétition et n’atteint jamais des résultats significatifs est renvoyé ! Dans la vie professionnelle, les travailleurs nuisibles à l’entreprise pour laquelle ils sont employés subissent le même sort ! Pourquoi, afin d’éviter de mettre en péril encore la vie de milliers de concitoyens – y compris celle des membres de famille de certains politiques peu soucieux de l’intérêt général -, n’en ferait-on pas autant dans la politique pour assainir et ennoblir ce milieu ?

Pour finir, certaines lignes directrices du professeur Laurent Bado, prônant quelques fois la fermeté sur des questions données, méritent d’être capitalisées comme bonnes pratiques démocratiques à valoriser dans cette période de la transition au Burkina.

Ouagadougou, le 13 décembre 2014.

DI Moz

[email protected]


  • Schwartzenberg Roger-Gérard, 1998, Sociologie politique, 5ème édition, Monchrestien, Paris, p.116.

  • Référence à l’article intitulé « Homosexualité en Afrique, la lecture du  professeur Laurent Bado», paru dans Le Pays, n°5572 ci-dessus cité, p. 25.
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