Apolline Traoré, réalisatrice : « J’ai mal vécu le FESPACO passé»

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Apolline Traoré est une réalisatrice burkinabè. Elle a tourné plusieurs séries et long métrage. Elle a grandi aux Etats-Unis.  Passionné de cinéma depuis l’enfance, elle décide alors de rentrer au pays pour faire des films sur son continent, l’Afrique et parle aussi d’elle-même. « C’est en quelque sorte mon histoire que je raconte à travers le film « Moi, zaphira ».  Mon père ne voulait pas que je fasse ce métier», confie-t-elle. Elle a été la seule à représenter le Burkina au FESPACO 2013 où son actrice principale a eu le prix de la meilleure interprétation. Elle se représente cette année encore au FESPACO avec une série télé dénommée « Eh les hommes, eh les femmes ! ». Dans une interview accordée à Burkina24, la jeune réalisatrice parle, entre autres, de la série, de sa première expérience au FESPACO et du métier de réalisatrice tel que vécu par une femme.

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Burkina24: Vous revenez au FESPACO cette année encore avec une série dénommée «Eh les hommes, eh les femmes!». De quoi s’agit-il dans la série?

Apolline Traoré (A.T): C’est une petite série que j’ai faite de 100 épisodes. 50 qui concernent les hommes et 50 autres qui concernent les femmes. C’est vraiment de petits modules de 5 à 6 minutes chacun.

J’ai voulu parler des petites conneries que les hommes font aux femmes et vice versa, donc je n’ai pas attaqué un seul sexe. Les coups bas, les mensonges que chaque être humain subit quand il est dans une relation.

 Certaines personnes me diront peut-être que je donne des idées aux hommes de faire certaines choses aux femmes ou aux femmes de le faire aux hommes,  mais de toutes les manières, ce que j’ai montré, il n’y a rien d’inventé dedans.

J’ai collecté les expériences des uns et des autres. C’est juste ce que j’ai mis sur l’écran. Chacun va se reconnaître.  Même moi j’ai mon histoire aussi.

B24 : Le film porte à peu près le même titre que le recueil de nouvelles de l’écrivain Isaïe Bitton Coulibaly. Vous vous en êtes inspiré ?

A.T: Non, je ne me suis pas inspiré de ce roman. Quand j’ai fait la série au début, c’était justement « Ah les hommes, ah les femmes !». C’est pour ne pas avoir de confusion que j’ai titré le film «Eh les hommes, eh les femmes !».

On m’avait parlé de ce roman, mais je ne l’ai pas encore lu. C’est l’expression que l’Africain utilise quand on est dépassé par les faits, la femme va dire : « Eh ! Les hommes ». C’est cette expression qui m’a amené à titrer la série ainsi.

B24 : Rencontrez-vous des difficultés en tant que femme dans ce métier ?

A.T: Je ne pense pas que c’est parce que je suis femme. Je pense que c’est un métier difficile pour tout le monde. Je n’aime pas trop dire que c’est difficile parce que je suis femme.

Je pense que dans tous les métiers, de toutes les manières, c’est difficile. Ce n’est pas seulement dans le cinéma, même vous en tant que journaliste.

Cela a été difficile les premiers moments pour les femmes d’intégrer  mais c’est l’univers qui est ainsi et petit à petit, les choses changent.

Mais je ne veux pas me mettre à l’idée que c’est parce que je suis femme que j’ai eu ces difficultés. En tant que femme, j’ai aussi eu la chance pour certaines choses. Parfois, les difficultés auxquelles je fais face, c’est entre nous cinéastes.

B24 : Il paraîtrait que les femmes réalisatrices ne paient pas bien leurs comédiens ?

A.T: Je ne peux pas dire que ce n’est pas vrai, mais en tout cas, je paie ce que je peux payer. Si les gens disent ça, je pense que c’est pas vrai.

Mais je peux comprendre qu’ils le disent aussi. Si vous prenez nos réalisations en tant que femmes, aucune d’entre nous n’a eu encore un grand budget comparé à ce que les hommes ont eu.

B24: Justement à combien peut-on estimer le budget de votre série au FESPACO ?

A.T: Nous l’avons fait avec près de 12 millions de F CFA et avec l’aide de personne. Je l’ai prise dans ma poche et j’ai payé ce que je pouvais.

 Si vous regardez, les autres productions, beaucoup ont de gros budgets. Evidemment, ils paient mieux. Mais vous avez également les pires payeurs. Moi je dirai que ce sont les hommes.

 Je ne veux pas rentrer dans ce débat mais je ne pense pas que ce soit un problème d’homme ou de femme. C’est plutôt un problème d’individu.

Mais moi à mon niveau, je ne crois pas que je sois ainsi. Quelles que soient mes difficultés,  je dévoile toujours mon budget aux gens.  Ceux qui ne veulent pas,  c’est leur droit. Et la prochaine fois que j’ai mieux;  j’appelle les mêmes personnes.  Cela a toujours été ainsi.

B24: La série a-t-elle des chances de remporter un prix au FESPACO ?

A.T: C’est malheureusement ces idées là que nous avons. Moi je ne vais pas au FESPACO  pour avoir un prix. Je pense que le FESPACO est une grande vitrine de publicité et si j’y vais, c’est vraiment pour la promotion du film.

J’ai eu des expériences assez bizarres pendant le FESPACO. Je vous assure que  j’aurais voulu vraiment rester à l’écart pour ce FESPACO. C’est mon nom et le film l’important, ce n’est pas moi-même.

B24 : Qu’est-ce que c’était ?

A.T: J’ai mal vécu le FESPACO, il y a deux ans. Je l’ai mal vécu du côté où on nous dit qu’il faut être fort, quand on est dans un métier. Mais je l’ai toujours été. Je suis restée quand même discrète depuis que je travaille.

Mais pendant le FESPACO, pour « Moi, Zaphira », j’ai trouvé ça un peu lourd. Je n’ai pas trouvé de soutien national, je ne l’ai pas trouvé aussi du côté de mes pairs, tout simplement parce qu’il y a eu tellement de mauvaises langues.

 J’étais la seule Burkinabè en compétition devant des cinéastes incroyables. Je suis allé là-bas pour la promotion de mon film et j’étais fière de représenter mon pays.

Mais le seul fait que je sois la personne qui est en train de représenter le pays, je pense qu’on aime ou qu’on n’aime pas mon film, le soutien est important.

Par contre;  on a vu les communautés malienne et sénégalaise qui sont venues en délégation pour soutenir leur projet. Moi je suis dans mon pays, ça parle mal,  ça parle ci…

B24 : De quoi parlait-on  exactement ?

A.T :  Par exemple, je vous le dis, de la part de certains journalistes même, ça disait des choses énormes. Des journalistes qui n’ont pas vu le film qui disaient qu’on m’a sélectionnée à défaut, qui disaient que c’était un film en noir et blanc.

Je respecte les critiques d’une personne qui a regardé mon film. Qu’elle sorte et me dise : « Ecoute Apolline, j’ai détesté le film ».

Je te respecte mieux que quelqu’un qui ne l’a pas vu et qui raconte quelque chose. Je pense que nous vivons dans un monde où on a besoin de critique mais que ce soit des critiques fondées.

 Mais à la fin,  mon actrice a eu un prix. Cela veut dire que le travail que j’ai fait a été reconnu et je suis même contente de ne pas avoir un prix.

 J’ai travaillé pendant deux trois mois sur cette jeune fille qui n’avait pas beaucoup d’expérience. C’était ma plus grosse gloire. Mais je trouve un peu dommage que nous n’ayons pas cette idée d’équipe.

B24 : Qu’est-ce que vous auriez aimé que vos pairs fassent ?

A.T : Mais qu’ils m’encouragent! Je suis allée au FESPACO, j’avais la trouille parce que j’étais avec de grands cinéastes qui avaient trois fois plus que mon âge, qui sont dans ce métier depuis des années et je me retrouve là toute seule.

J’aurai souhaité qu’on m’encourage pour le simple fait que je sois là, que le film soit bon ou pas.  En cinéma, c’est comme les couleurs, on aime ou on n’aime pas.

Je me considère comme une jeune réalisatrice et que j’ai cet encouragement des gens, des personnes, c’est ça que j’aurai aimé. J’ai eu après des encouragements, des félicitations quand le film a marché à l’extérieur. C’est ça qui est dommage.

L’actrice a eu un autre prix à l’extérieur.  Après tout ce que ce que les gens ont pu dire ici, j’ai même eu le prix de la meilleure lumière.

Quand vous faites quelque chose et que vous êtes fier de votre pays, vous voulez la reconnaissance d’abord chez vous. Mais si je dois avoir la reconnaissance à l’extérieur pour qu’on me félicite, c’est dommage.

B24 : Vous faites plus de série. Est-ce parce que ça rapporte plus?

A.T : Oui, moi je pense que ça paie. Cest le long métrage qui ne paie pas. Le long métrage, c’est surtout ta création, il faut participer à des festivals internationaux pour qu’on sache de quoi tu es capable.

Deuxièmement, il ne faut pas toujours compter sur la télé. Evidemment, ils n’ont pas beaucoup d’argent pour acheter. Ils les acceptent avec des sponsors mais c’est difficile de trouver des sponsors.

Mais aujourd’hui, il est assez facile,  je trouve de vendre, les séries dans d’autres télés, TV5, A+. Si la série est bien faite, il n’y a pas de raison de ne pas la vendre.

Moi en tout cas, je n’ai vraiment pas eu de problème pour vendre mes séries et je dirai que ce sont mes séries qui me permettent d’avoir ma production et mes salaires.

B24 : Qu’aimeriez-vous voir changer  au niveau du FESPACO ?

A.T: Je crois qu’on a tendance à trop demander au FESPACO. J’ai l’expérience de plein de festivals dans le monde et ils n’ont pas cette masse que le FESPACO gère.

Quand vous avez une masse comme ça, il y  aura toujours des failles. Aujourd’hui, je pense que le plus gros changement qu’il fallait a été effectué, c’est le numérique.

Les petits défauts, on espère que cela  s’améliorera mais on ne devrait pas pointer du doigt à chaque fois. Je suis allée dans des festivals beaucoup plus renommés que le FESPACO mais, c’est la galère.

On a qu’à juste les soutenir et essayer d’améliorer les choses, l’organisation viendra petit à petit.

Entretien réalisé par Reveline SOME

Burkina24

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9 commentaires

  1. Courage Appoline. J'ai tout le temps suivi tes r?alisations et je les adore. Le burkina ? besoin de braves femmes comme toi. Courage grande dame

  2. C’est tr?s dommage. Il n’y a que le favoritisme qui domine . Faut ?tre proche de la premi?re dame nanani nanana, ?tre docile a leur putain de syst?me politique de con, sinon seul le bon Dieu pourra te faire avancer. Dommage et dommage!

  3. le plus important dans la vie c’est la reconnaissance venant de soi m?me et port?e sur ce que nous faisons!lorsque cette reconnaissance est sinc?re et objective alors vous trouverez toujours que les autres viennent avec un retard!

  4. Tu as raison ma soeur mais sache que tu n’?tais pas du clan compaore, vous voyez au moins les d?corations qui sont purement politiques, toute les d?corations effectu?es au temps de blaise sont ? 90 % fausse ,les int?ress?s ne m?ritaient pas. La patrie ou la mort nous vaincrons!

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