Opinion – « Et si la Cour de Justice de la CEDEAO avait tout ou presque tout faux ? »

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Ceci est une contribution sur le verdict rendu par la Cour de justice de la CEDEAO sur le code électoral.

Le 13 juillet 2015, la Cour de Justice de la CEDEAO rendit sa décision dans l’affaire CDP et al. c. Burkina Faso. Se jugeant compétente pour trancher de l’affaire, la Cour aboutit à la conclusion que « le Code électoral du Burkina Faso, tel que modifié par la loi n° 005-2015/CNT du 7 avril 2015, est une violation du droit de libre participation aux élections, tel que consacré dans de nombreux instruments internationaux », notamment les articles 1er g), 1er i) et 2.3 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.

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Exceptée l’analyse du professeur Akandji-Kombé (Le juge de la CEDEAO et la révolution démocratique Burkinabé : Brèves remarques préoccupées sur une décision inquiétante) qui critiqua l’impérialisme et le manque de retenue de la Cour de Justice de la CEDEAO sur les questions de transition démocratique, la majorité des commentateurs s’intéressa plus à la portée de la décision pour la politique burkinabè qu’à la validité de son raisonnement en droit. C’est le cas des commentaires des professeurs Séni Ouédraogo (www.lefaso.net/spip.php?article65863) et Abdoulaye Soma (omegabf.net/index.php/societe/item/1790-decision-de-la-cedeao-le-pr-abdoulaye-soma-donne-des-pistes-de-sortie-de-crise), des différents leaders d’opinion et du professeur Luc Marius Ibriga (burkina24.com/2015/07/13/luc-marius-ibriga-la-decision-de-la-cour-vient-resoudre-un-probleme-important/).

L’objet de cet écrit est de plutôt réexaminer les principaux arguments invoqués par la Cour au soutien de sa décision pour en éprouver la qualité du raisonnement juridique. Le jugement de la Cour se tient essentiellement sur trois pieds, qui constituent autant de points clés de son raisonnement. De prime abord, la Cour considère qu’elle a compétence pour connaître de la requête des demandeurs en raison d’une base de compétence exceptionnelle, appliquée sous de très strictes conditions par les tribunaux internationaux. Celle-ci l’autoriserait à connaître des violations futures non encore réalisées lorsque ces dernières sont « imminentes » (§§ 15-18) (I).

Ensuite, la Cour déclare qu’en tant que juridiction internationale, elle n’a pas compétence pour examiner la loi litigieuse et qu’en pratique elle résisterait à la tentation de l’interpréter d’une manière où d’une autre (§§ 24-27). Pourtant, elle décidera que la loi litigieuse a un champ d’application trop élargi qui s’étendrait même aux citoyens ordinaires qui auraient soutenu le projet de modification de l’article 37 de la Constitution (§ 30) (II). Ayant opéré une telle interprétation, la Cour conclut que le Burkina Faso « a violé » ses obligations internationales relatives au droit à la participation aux élections (§ 38). Elle avait pourtant réaffirmé à plusieurs reprises que la violation n’avait pas encore été consommée (§ 15) (III).

La décision du 13 juillet 2015 est remplie de contradictions et de zones d’ambigüités qui sont manifestes dans les réactions des parties après son prononcé. Alors que les requérants furent accueillis en triomphe à Ouagadougou, le gouvernement burkinabé retint que son droit d’exclure une certaine catégorie de personnes des prochaines compétitions électorales fut reconnu. Nous examinerons à tour de rôle le trépied qui forme l’assise du raisonnement de la Cour. L’objectif de cet écrit est de confronter la décision de la Cour aux règles de droit international applicables en la matière. Visant le plus grand nombre, nous nous appliquerons à la simplicité et à la clarté.

  1. L’exceptionnelle base de compétence de la Cour de Justice de la CEDEAO pour les violations futures

L’incompétence de la Cour au sujet de la requête introduite par le CDP et les autres personnes physiques et morales était la pierre angulaire du mémoire en défense du Burkina Faso dans cette affaire (voir Mémoire en défense par devant la Cour de Justice de la CEDEAO du Burkina Faso – paras 17-23)). En effet, selon l’article 3 paragraphe 4 du Protocole additionnel A/SP.1/01 du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de Justice, « toute personne victime de violation des droits de l’homme » peut saisir la Cour pour en connaître. La qualité de « victime » suppose littéralement que l’atteinte aux droits de l’homme soit réalisée avant que la Cour ne puisse exercer sa compétence à son égard. En effet, la Cour n’a pas pour

« rôle d’examiner les législations des États in abstracto, mais plutôt d’assurer la protection des droits des individus lorsque ceux-ci sont victimes de violations de ces droits qui leur sont reconnus, et ce par l’examen de cas concrets présentés devant elles. » (Hadidjatou Mani Koraou c. État du Niger § 60)

La Cour ne s’éloigna pas de cette interprétation classique de la notion de victime devant les juridictions de protection des droits de l’homme dans la présente affaire. Tout au contraire, elle réaffirma que

« la Cour a toujours considéré qu’elle ne devait, en principe, sanctionner que des violations des droits de l’homme effectives, réelles, avérées, et non des violations possibles, éventuelles ou potentielles » (§ 15).

C’est donc sur la base d’une hypothèse exceptionnelle qui déroge aux règles ordinaires régissant la compétence ratione personae de la Cour qu’elle fonda sa compétence à l’égard de la requête du CDP et des autres demandeurs : celle de son pouvoir « de valablement se préoccuper de violations non encore réalisées, mais très imminentes. » En l’absence de toute fondement dans le Protocole instituant la Cour, dans son Règlement ou dans tout autre instrument qui lui conférerait une telle compétence, la Cour utilise deux types d’arguments : (a) la nécessité et (b) le précédent constitué par sa propre décision dans l’affaire Hissène Habré c. État du Sénégal, utilisé à titre confirmatoire. La Cour explique que

« [s]i elle devait attendre que des dossiers de candidatures soient éventuellement rejetés pour agir, si elle devait attendre l’épuisement des effets d’une transgression pour dire le droit, sa juridiction dans un contexte d’urgence n’aurait aucun sens, les victimes présumées de telles violations se retrouvant alors inexorablement lésées dans la compétition électorale ».

Autrement dit, c’est sur la base de l’adage populaire selon lequel « nécessité fait loi » que la Cour trancha le problème posé par le fait que la violation alléguée par le CDP et ses alliés n’avait point encore été mis en œuvre. Sa jurisprudence Hadidjatou Mani Koraou c. État du Niger exige pourtant une violation concrète des droits de l’homme. À en croire la Cour, les requérants pourraient être privés d’un recours effectif et utile, en raison du possible délai entre le rejet d’une éventuelle candidature par le Conseil constitutionnel et le scrutin présidentiel lui-même. Élargir le concept de « victime » selon l’article 3 § 4 du Protocole additionnel A/SP.1/01 du 19 janvier 2005 aux victimes potentielles serait pour la Cour le palliatif permettant de prévenir la possible violation des droits des requérants.

L’argument est évidemment faible en droit puisqu’il ne repose sur aucune base juridique. En effet, comme la Cour le souligna dans l’affaire précitée Hadidjatou Mani Koraou c. État du Niger, sa juridiction n’est pas celle des mécanismes de prévention des violations des droits de l’homme qui opèrent par « le contrôle de situation par pays, et les rapports périodiques ». Pour conférer une aura de juridicité à sa décision d’affirmer sa compétence à l’égard de la requête du CDP et al., la Cour renvoie à ses propres propos dans l’affaire Hissène Habré. En effet, dans cette affaire, elle affirmait sur la base de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (les affaires Dudgeon et Soering c. Royaume-Uni) que « le risque d’une violation future confère à un requérant la qualité de victime », suffise qu’existent « des « indices raisonnables et convaincants de probabilité de réalisation d’actions » susceptibles de violer les droits de la personne » (§ 53).

Il est vrai que les juridictions de protection des droits de l’homme ont étendu leur compétence, à des cas de violation potentielle des droits de l’homme pour des « circonstances tout à fait exceptionnelles ». Selon la jurisprudence Noël Narvii Tauira et 18 autres c. France que la Cour cite, en en omettant cependant certains passages significatifs :

« [D]es termes “victime” et “violation” (…) découlent la constatation que, dans le système de protection des droits de l’homme imaginé par les auteurs de la Convention, l’exercice du droit de recours individuel ne saurait avoir pour objet de prévenir une violation de la Convention : en principe, les organes chargés, aux termes de l’article 19, d’assurer le respect des engagements résultant pour les États de la Convention, ne peuvent examiner et, le cas échéant, constater une violation qu’a posteriori, lorsque celle-ci a déjà eu lieu. (…) Ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le risque d’une violation future peut néanmoins conférer à un requérant la qualité de victime d’une violation de la Convention » (italiques ajoutés).

En application de ce critère, la Cour européenne des droits de l’homme ne reconnut sa compétence pour les violations futures que lorsque celles-ci étaient déjà « individualisées ». Par exemple, dans l’affaire Senator Lines Gmbh c. Quinze États membres de l’Union européenne, 2004), la Cour précise à ce sujet qu’

« il faut qu’il (le requérant) produise des indices raisonnables et convaincants de la probabilité de réalisation d’une violation en ce qui le concerne personnellement » (italiques ajoutés).

Il est certes possible qu’une loi, sans indexer nommément un individu, identifie une classe de personnes à laquelle il appartiendrait nécessairement les requérants. L’exemple en jurisprudence européenne est celui d’une loi criminalisant les actes homosexuels à l’égard d’un individu qui serait homosexuel (Dudgeon c. Grande-Bretagne). Néanmoins, aucun paragraphe de la décision du 13 juillet 2015 n’établit à l’égard du CDP et de ses alliés dans l’affaire l’existence d’« indices raisonnables et convaincants de la probabilité de réalisation d’une violation en ce qui le(s) concerne personnellement ». Le dispositif du jugement de la Cour en témoigne en ce qu’il déclare, dans l’abstrait, que la loi électorale est « une violation du droit de libre participation aux élections » sans identifier les requérants qui auraient été personnellement victimes d’une telle violation. Par ailleurs, il est difficile d’alléguer que l’article 135 de la nouvelle loi électorale établit une catégorie juridique qui s’appliquerait nécessairement aux requérants. En effet, aucune certitude n’existe (a) que tous les requérants ou leurs candidats seront nécessairement des candidats à l’élection présidentielle, et encore moins (b) qu’eux tous tomberont sous le coup d’avoir « soutenu » le projet de modification de l’article 37 de la Constitution. Il est de commune notoriété que Djibril Bassolet déclare n’avoir pas « soutenu » le projet de modification constitutionnel.

La Cour interaméricaine des droits de l’homme eut également affaire aux requêtes de victimes potentielles des droits de l’homme. Pour en trancher, elle opposa deux types de lois. Elle distingua, d’une part, entre les lois d’application immédiates – où la situation juridique de la personne concernée est affectée par la seule émission de la loi (l’exemple type étant les lois opérant une discrimination raciale) et, d’autre part, les lois, qu’on pourrait qualifier de lois-autorisations, celles qui ne feraient qu’autoriser les autorités étatiques à adopter certaines mesures pour leur exécution. Dans ces derniers cas, la violation ne serait pas constituée par la simple adoption de la loi, mais plutôt par les actes la mettant en œuvre dans des cas concrets (Avis consultatif OC-14-94 relatif à la Responsabilité internationale pour l’adoption, la promulgation et l’exécution de lois en violation de la Convention, paras. 42, 43 et 45).

Dans le cas de la loi modifiant le code électoral burkinabè, l’inéligibilité des requérants ne résulte pas de son texte. Aucun des deux critères ci-dessus élaborés sur la base de la jurisprudence des Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme n’était donc satisfait pour justifier la compétence de la Cour. Nous l’avons déjà noté, la situation juridique des requérants n’était guère individualisée. La violation ne s’était point encore personnalisée en les indexant nommément ou en désignant une catégorie juridique à laquelle ils appartiendraient nécessairement. En effet, la loi visée n’est pas d’ « application immédiate », en ce sens qu’elle requiert une mesure particulière d’application, ici un prononcé judiciaire, après une évaluation (a) des circonstances ayant entouré le projet de modification de l’article 37 de la Constitution et (b) des actes concrets posés par le potentiel candidat à l’élection présidentielle au « soutien » d’une telle modification. Il reste encore une décision judiciaire du Conseil constitutionnel pour décider qui peut être considéré(e) comme ayant « soutenu »            un projet de révision constitutionnelle ayant abouti à une insurrection populaire.

Cette double distinction (individualisation de la violation/non-individualisation de la violation ; lois d’application immédiate/lois d’application médiate) n’est pas des plus évidentes. Elle requiert une lecture attentive et interrogative des décisions des Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme sur le droit d’agir en justice des « victimes futures ou potentielles ». C’est toutefois l’office de la Cour de connaître le droit et de décliner sa compétence quand les conditions requises pour son exercice ne sont pas remplies. En choisissant d’affirmer sa compétence, la Cour se fit juge non des « violations » des droits de l’homme, mais des « futures violations des droits de l’homme » ; non de « violations concrètes » des droits de l’homme, mais de leurs « violations in abstracto ». Elle s’érigea ainsi protectrice de « victimes hypothétiques et éventuelles » de ces droits, s’octroyant au passage un rôle de prévention de violations et non de leur sanction. C’est donc une base nouvelle de compétence que la Cour vient d’élaborer. Elle ne se tient qu’en vertu de la perception par la Cour d’une interprétation des nécessités de sa juridiction d’urgence. En effet, l’article 59 du Règlement de procédure de la Cour prévoit la possibilité d’adopter une procédure accélérée lorsque l’urgence de l’affaire le requiert. C’est cette juridiction d’urgence qui, selon la Cour (§ 16), perdrait « tout sens » si la Cour devait attendre « que des dossiers de candidatures soient éventuellement rejetés pour agir » ou « l’épuisement des effets d’une transgression pour dire le droit ». L’article 59 du Règlement attache deux conséquences à l’usage de la procédure accélérée devant la Cour : la possibilité pour la Cour de rendre sa décision dans un délai minimum (article 59 § 1) et celle pour la Cour de refuser toute autre procédure écrite après l’acte introductif d’instance (article 59 § 3) si elle le juge nécessaire, en se bornant tout simplement à entendre les deux parties (article 59 § 4). En revanche, aucune disposition de l’article 59 du Règlement relatif à la procédure d’urgence n’autorise la Cour à étendre sa compétence à des violations futures qui ne se seraient pas personnalisées dans le chef de potentielles victimes.

En réalité, même la nécessité d’étendre la compétence de la Cour dans des situations d’urgence est douteuse. Les situations d’urgence peuvent être jugulées, comme elles le sont devant quasiment tous les tribunaux internationaux et assimilés – à l’exception notable du mécanisme de règlement des différends internationaux dans le cadre de l’OMC – par l’indication de mesures conservatoires. Du reste, l’article 20 du Protocole portant création de la Cour de Justice de la CEDEAO et les articles 79 et suivants du Règlement de procédure de la Cour prévoient la possibilité de mesures conservatoires pour protéger les « victimes » de « violations personnalisées » des droits de l’homme dans l’attente du jugement de la Cour. Saisi au lendemain d’une décision du Conseil constitutionnel déclarant un candidat donné inéligible, le juge de la CEDEAO siègerait en urgence. Il pourrait ainsi bifurquer la procédure et ne point requérir les observations écrites des parties. Il pourrait même se dispenser d’observations orales formelles, si cela est indispensable afin de sauvegarder les droits et intérêts des parties avant sa décision finale dans l’affaire. L’affaire Lagrand (Allemagne c. États-Unis) est très illustrative à cet égard. Saisie par l’Allemagne le 2 mars 1999, au sujet des frères Lagrand, condamnés à mort aux États-Unis et dont l’exécution était prévue le 3 mars 1999, la Cour internationale de Justice rendit son ordonnance indiquant des mesures conservatoires le lendemain – 3 mars 1999, ayant au préalable suspendu toute affaire courante, et n’ayant organisé qu’une rencontre informelle avec les parties pour s’informer des contours de l’affaire.

C’est la preuve que l’urgence ne prive pas la compétence d’un tribunal international de tout son sens. On pourrait s’interroger si, dans pareilles circonstances, la Cour de la CEDEAO est compétente pour enjoindre à l’État Burkinabè la suspension de l’organisation des élections dans l’attente de son jugement sur une éventuelle requête de candidats déclarés inéligibles. L’article 20 du Protocole établissant la Cour stipule que celle-ci peut « ordonner toutes mesures ou toutes instructions provisoires qu’elle estime nécessaires ou opportunes. » Le champ des mesures conservatoires que la Cour peut ordonner n’est donc limité par aucune autre considération, excepté celle de leur nécessité pour sauvegarder les droits des parties devant la Cour avant son prononcé final. Il appartiendrait en ce moment au Burkina Faso de décider d’obéir ou non à ses obligations internationales, y inclus les mesures conservatoires qui seraient éventuellement indiquées. On sait qu’elles sont obligatoires en droit international général depuis la précitée affaire Lagrand.

En s’écartant de la jurisprudence ordinaire des tribunaux internationaux relative aux violations futures des droits de l’homme, en négligeant l’utilité processuelle de la possibilité d’indications de mesures conservatoires, la Cour ouvrit la porte à son imagination, aux hypothèses et aux présomptions pour juger de la validité de la loi modifiant le code électoral burkinabé. Elle ponctua cet exercice par des affirmations contradictoires.

  1. Sur un pont aux ânes mal négocié : la Cour de Justice de la CEDEAO et les rapports entre le droit international et les droits internes

Michel Virally écrivit en 1964 un article intitulé « Sur un pont aux ânes : sur les rapports entre le droit international et les droits internes ». Le peu que l’on peut dire à ce sujet c’est que la Cour de Justice de la CEDEAO emprunta mal ce pont. La Cour commence par une assertion générale des rapports entre le droit international et les droits internes. Elle affirme « son » principe fondamental consistant en « son refus de s’instituer juge de la légalité interne des États », ce qui entraînerait à son avis deux conséquences pour la procédure en cours. Premièrement, selon la Cour,

« il faut écarter du débat judiciaire toute référence au droit national, qu’il s’agisse de la Constitution du Burkina, ou de normes infra-constitutionnelles quelles qu’elles soient (…) La Cour doit considérer de telles références comme inappropriées dans son propre prétoire. Juridiction internationale, elle n’a vocation à sanctionner que le respect des textes internationaux. »

Deuxième conséquence, la Cour suppute qu’

« il ne saurait être question, dans la présente affaire, de s’épancher sur le sens qu’il faut donner au nouvel article 135 du Code électoral du Burkina Faso. La tentation peut exister, devant la relative ambiguïté du texte incriminé, de se livrer à l’exégèse de celui-ci, ou de lui conférer un certain sens, d’orienter son interprétation dans une direction donnée ».

Aucune des deux conséquences ci-dessus mentionnées n’est pourtant liée au jeu des rapports entre le droit international et les droits internes ou à l’office de la Cour de Justice de la CEDEAO en tant que juridiction internationale. S’agissant des rapports entre le droit international et les droits internes, la Cour permanente de Justice internationale dans l’affaire de Certains intérêts allemands en Haute Silésie polonaise affirmait dès 1928 que, au regard du droit international et de la Cour qui en est l’organe, les législations nationales ne sont que de simples faits. Deux conséquences s’attachent à cette affirmation générale. D’une part, un État ne peut pas se dérober à ses obligations internationales en invoquant son droit interne. Il n’y aurait point de droit international si par des lois étatiques – et partant unilatérales, les États pouvaient définir ou exclure l’existence, le contenu ou la portée de leurs obligations en droit international. Par exemple, le Burkina Faso ne saurait éviter de se conformer à ses obligations internationales en invoquant le texte de la loi modifiant le code électoral (Voir dans ce sens, l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États de 1969). D’autre part, il fut considéré que le fait qu’un acte soit conforme à la législation nationale n’exclut pas pour autant la responsabilité internationale de l’État en droit international (Article 3 de l’ensemble d’articles de la Commission du droit international sur la responsabilité internationale des États l’indique). Par exemple, le fait qu’un candidat soit déclaré inéligible conformément à la nouvelle loi électorale ne signifierait pas que la responsabilité internationale du Burkina Faso ne peut pas être engagée si cet acte, conforme au droit interne, venait à violer le droit international. À l’évidence, ces deux conséquences n’ont trait ni à la compétence des tribunaux internationaux de chercher à cerner le sens des dispositions nationales ni à leur capacité à s’y référer d’une manière quelconque dans l’exercice de leur fonction. Les tribunaux internationaux interprètent les législations internes, comme de simples faits lorsque pareille interprétation leur est indispensable pour trancher de la responsabilité internationale des États défendeurs. Ils peuvent ainsi établir la date où la loi est adoptée, ses qualités particulières, notamment son sens et son impact sur les droits et obligations dont ils sont les gardiens, comme c’était le cas de la loi modifiant le code électoral. Ceci n’a rien à voir avec s’ériger en juge de la légalité interne des États puisque le tribunal ne se demande pas si la loi a été adoptée conformément aux règles de droit interne de l’État concerné.

La requête soumise à la Cour par le CDP et les autres demandeurs exigeait moins de la Cour de Justice de la CEDEAO d’élaborer une théorie générale erronée du rôle du juge international, que de déterminer, dans le cas concret, les éléments du dossier à examiner afin de rendre une décision prise en pleine connaissance de toutes les données de l’affaire. La nouvelle loi modifiant le code électoral burkinabé était au centre de la requête des demandeurs. À moins de se fourvoyer plus ou moins volontairement, la détermination judiciaire de son champ d’application et de ses effets concrets sur la capacité des demandeurs de se présenter à l’élection présidentielle était cruciale pour savoir si le Burkina Faso a respecté ses obligations internationales. Face à un tel dilemme, la Cour choisit de se fourvoyer, ou plutôt d’être incohérente. Ne nous attardons pas sur le fait que les « références au droit interne » ne manquent pas dans la décision du 13 juillet 2015, malgré les propos ci-dessus cités (voir par exemple, le § 22 de la décision). Mettons l’emphase sur le fait que, même en déclarant ne pas interpréter l’article 135 de la nouvelle loi électorale, la Cour le fit. Au paragraphe 5, la Cour avait déjà remarqué dans son résumé des faits qu’

« en pratique, l’adoption d’une telle modification de la loi a eu pour conséquence, semble-t-il, d’exclure de la compétition électorale les partisans du pouvoir déchu, les dispositions précitées ayant été interprétées comme les visant ».

À partir du paragraphe 26 où elle s’interdit de chercher le véritable sens de l’article 135, la Cour considère qu’avec l’adoption de la nouvelle loi,

« l’exclusion d’un certain nombre de formations politiques et de citoyens de la compétition électorale qui se prépare relève d’une discrimination difficilement justifiable en droit. »

Pourtant, il suffit de lire le texte de la loi pour constater que les partis politiques n’y sont pas visés. Mais, pour utiliser une expression désormais galvaudée, « allons seulement ». La Cour considère (para. 28) que les critères d’exclusion sont ambigus, ce qui est également une interprétation. Elle poursuit que la loi a pour effet « d’interdire de candidature toute organisation ou personne ayant été politiquement proche du régime défait, mais n’ayant commis aucune infraction particulière ». Il y a également ici une interprétation de la portée de la loi. L’article 135 querellé n’établit pas un critère de « proximité » avec l’ancien régime, mais condamne précisément le « soutien » à la modification de l’article 37 de la Constitution. Toujours au même paragraphe, la Cour rajoute que ladite loi instituerait « une sorte de délit d’opinion » ; encore une qualification juridique de la portée de cette loi. Au paragraphe 29, la Cour déclare, sans ambages, que la loi visée serait utilisée « comme un moyen de discrimination de minorités politiques. » Au paragraphe 30, elle suggère également que l’article 135 de la nouvelle loi électorale, au lieu de se limiter à exclure de la participation aux élections des « régimes, des États, éventuellement leurs dirigeants », couvrirait de son emprise les « citoyens ordinaires ». Il est douteux qu’un seul Burkinabè, citoyen ordinaire, se soit senti visé par l’article 135 de la nouvelle loi électorale.

Il y a là un tour d’habileté argumentative plein de subtilités. En déclarant ne pas interpréter l’article 135, la Cour détourne l’attention du sens raisonnable que le Conseil national de transition a voulu donner à cette disposition. Elle évite de prendre en compte le contexte de son adoption, ainsi que les différentes déclarations qui ont précédé et celles qui ont suivi l’adoption du projet de loi et qui permettent d’en cerner plus ou moins le contenu. Se défaisant de toute restriction imposée par la technique juridique à la démarche interprétative, la Cour évite même de lire le texte de l’article 135. Libre et laissée à son propre subjectivisme, la Cour interpréta, malgré ses dénégations, l’article 135 de la nouvelle loi électorale comme une disposition destinée à écarter les proches de l’ancien régime, ses partisans, voire même les citoyens ordinaires. Même les requérants n’interprétaient pas ainsi cette disposition !!! En effet, la Requête aux fins de soumettre l’affaire CDP et autres contre l’État du Burkina Faso à une procédure accélérée (p. 6) déclarait que

« ladite modification, (…) n’a d’autre objectif que de priver les requérants [qui sont tous des hommes politiques et non des « citoyens ordinaires »] de leur droit légitime de participer aux prochaines échéances électorales prévues pour le 11 octobre 2015 » (italiques ajoutés).

Selon cette interprétation manifestement absurde qu’adopte la Cour de Justice de la CEDEAO, l’article 135 de la nouvelle loi toucherait ainsi la ménagère qui, discutant avec ses compagnes au marché, avait trouvé que le « beau Blaise » avait le droit de demeurer président pendant encore une dizaine d’années. Ne serait pas épargné le paysan burkinabé qui avait considéré qu’on ne changeait pas de chef tant qu’il n’était mort ; le directeur général qui avait chanté les louanges de celui à qui il devait son poste ; les chanteurs réunis dans la cuvette du 4 août pour « chauffer la salle » pour les aises des exciseurs de l’article 37 de la Constitution. L’article 135 de la nouvelle loi électorale vaudrait également pour les « intellectuels diplômés » qui, dans le confort d’une technique juridique approximative ou d’approches philosophiques dévoyées, fermaient les yeux sur leur rôle citoyen ; ils soutenaient que l’article 37 de la Constitution pouvait être modifié. L’article 135 n’oublierait pas non plus de saisir de son baiser prétendument « infâme » le buveur de « tchapalo » qui, après quelques calebasses bien tassées, ne jurait que par Blaise, « l’homme de paix ».

Sous l’angle des certitudes, l’article 135 ne résiste à aucun regard critique s’il est lu de cette manière, même pas à celui du néophyte en droit. En effet, avec semblable interprétation de l’article 135 de la nouvelle loi électorale comme hypothèse de travail, celui-ci ne peut dans aucune hypothèse satisfaire aux tests de nécessité et de proportionnalité requis par les obligations internationales relatives aux droits de l’homme. La Cour ne se donna du reste pas la peine d’effectuer cette analyse, d’où « la gênante impression d’avoir affaire à des juges qui se prennent pour des oracles de la démocratie, [d]es juges qui de surcroît, n’estiment pas avoir besoin de justifier en droit leurs appréciations » que le professeur Akandji-Kombé (p. 6) ressentit. Toujours sous l’angle des certitudes, la généreuse interprétation par la Cour du champ d’application de l’article 135 n’était pas non plus celle des insurgés des 30 et 31 octobre et encore moins celle du Conseil National de la Transition. Face à une telle interprétation, toutes les explications du Burkina Faso étaient vouées à l’échec. En effet, dans son Mémoire en défense (§ 44), le Burkina Faso affirmait qu’« il n’est pas nécessaire de revenir sur le caractère à la fois justifié et légitime de cette limitation [de candidatures introduite par l’article 135] ».

Au final, sur le pont aux ânes des rapports entre le droit international et les droits internes, la Cour de Justice réalisa une embardée qui se traduisit par une décision dont la voix grelottante et fluette soutient que « le Code électoral du Burkina Faso, tel que modifié par la loi n° 005-2015/CNT du 07 avril 2015, est une violation du droit de libre participation aux élections ».

  • L’affirmation hésitante de la violation par le Burkina Faso du droit de libre participation aux élections

 

Si la Cour affirme dans le dispositif de sa décision que le Code électoral viole le droit de libre participation, plusieurs de ses propos contredisent également cette affirmation. Pour nous en tenir seulement à trois exemples, au paragraphe 15 de sa décision, la Cour affirme qu’

« au moment où elle est saisie, aucune violation n’est encore commise, aucun cas de rejet effectif de candidature ne lui a été rapporté, aucune candidature individuelle n’a été écartée en vertu des nouvelles dispositions, bref, il n’existe aucun préjudice réel. »

Ceci est bien clair. Au paragraphe 22, la Cour se contredit. Elle affirme que la question qui lui est soumise vise pour l’essentiel, à « savoir, si la modification de la loi électorale burkinabé, compte tenu de l’application en est faite, méconnaît le droit de certains partis politiques et citoyens à concourir au suffrage, à participer aux élections. » Au paragraphe 28, la Cour s’enfonce davantage : la loi modifiant le code électoral aurait fait l’objet d’une « application expéditive et massive ». Il faut pourtant se décider : soit la loi a été appliquée, et les victimes sont au moins individuellement identifiées ou identifiables ; soit elle ne l’a pas été et la violation est future, potentielle, mais certainement pas encore réalisée.

Par ailleurs, une distinction existe entre la capacité de victimes futures ou potentielles d’ester devant la Cour de Justice de la CEDEAO (question de compétence au sens large, y inclus la recevabilité) et les conditions de la responsabilité internationale (question de fond). Nous avons déjà vu que dans des « circonstances tout à fait exceptionnelles », les juridictions internationales pouvaient connaître de violations futures, non encore réalisées, des droits de l’homme. C’est une question de compétence. Le fait que le juge soit compétent à cet égard ne signifie pas que l’État a effectivement violé ses obligations internationales. La question de savoir si des obligations internationales ont été violées est une question de responsabilité internationale qui est déterminée par l’article 1 des articles de la Commission du droit international sur la responsabilité internationale des États. Celui-ci stipule que « [t]out fait internationalement illicite de l’État engage sa responsabilité internationale. » Pour identifier la notion de « fait internationalement illicite », la jurisprudence internationale distingue entre les actes préparatoires de violations du droit international et lesdites violations elles-mêmes (Voir l’affaire Gabcykovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) devant la Cour internationale de Justice au sujet des actes préparatoires effectués pour changer le cours d’un fleuve en violation de traités). En droite ligne avec cette jurisprudence, la simple adoption la loi nouvelle modifiant le code électoral constituerait un acte préparatoire qui, s’il venait à être mis en œuvre et à exclure des « citoyens ordinaires » de la compétition électorale présidentielle, selon l’interprétation qu’en a effectuée la Cour, créerait un fait internationalement illicite. En revanche, la simple adoption de l’article 135 n’engage pas encore la responsabilité internationale de l’État pour violation du droit à la libre participation aux élections.

Il aurait été plus judicieux pour la Cour de relire son jugement pour en gommer les hésitations entre la violation réalisée et la violation future des droits de l’homme. Le dispositif de son jugement, au lieu d’être formulé comme dans le passage ci-dessus cité, serait bien plus modeste :

« Au fond, dit que le Code électoral du Burkina Faso, tel que modifié par la loi n° 005-2015/CNT du 07 avril 2015, s’il était appliqué comme tel, serait une violation du droit de libre participation aux élections des requérants [x, y, et z]; Recommande en conséquence à l’État du Burkina de lever tous les obstacles à une participation aux élections consécutifs à cette modification. »

Une telle formulation du dispositif reflèterait suffisamment le droit de la Cour (§ 15) de « se préoccuper de violations non encore réalisées » des droits de l’homme, sans pour autant excéder sa compétence à ne sanctionner que les violations concrètes, individualisées ou personnalisées, des droits de l’homme. L’insurrection des 30 et 31 octobre a été célébrée pour sa légitimité et comme sonnant l’aube d’un renouveau démocratique en Afrique. Elle pourra désormais se glorifier d’avoir été le théâtre où un tribunal international condamna un État pour « violation » des droits de l’homme, tout en déclarant qu’il n’avait pas encore violé ces droits.

Conclusion

Le lecteur qui nous aura suivis jusqu’à ce stade de nos lignes ne sera guère surpris par notre conclusion générale :

(a) le juge de la CEDEAO était incompétent pour connaître de l’affaire CDP et al. c. État du Burkina Faso ; (b) le juge de la CEDEAO n’a pas véritablement examiné l’élément le plus pertinent de la cause, à savoir la loi querellée.

Après la publication de la décision, plusieurs exégètes soutinrent qu’il fallait désormais interpréter le terme « leurs dirigeants [des États] », utilisé au paragraphe 30 de la décision de la Cour, pour identifier les personnes qui pouvaient être exclues de la présidentielle du 11 octobre sans engager la responsabilité internationale du Burkina Faso. À la vérité, ce passage est un obiter dictum, une phrase dite en passant, utilisée pour rejeter l’argument du Burkina Faso selon lequel l’article 135 de la nouvelle loi vise à mettre en œuvre l’article 25 alinéa 4 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance. Cette mention ancillaire ne saurait trancher définitivement de cette question, d’autant plus que les termes que la Cour utilise ne sont pas ceux de la Charte précitée. La Charte africaine sanctionne d’inéligibilité « les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement », indépendamment du fait qu’ils soient « dirigeants » ou non d’État. Il est par exemple évident qu’un citoyen lamda, qui n’est point dirigeant d’État selon l’entendement de la Cour de Justice de la CEDEAO, n’échappe pas à la sanction de l’article 25 de la Charte, s’il venait à effectuer un coup d’État. La Cour n’a donc pas identifié positivement à qui pouvait s’appliquer la sanction de la loi modifiant le code électoral. Elle a plutôt déterminé négativement une catégorie de personnes à qui cette loi ne devait pas être appliquée, à savoir les « citoyens ordinaires ». Pour la Cour, on ne saurait reprocher à ces derniers un « délit d’opinion ». Débarrassée donc de toutes les apparences et d’un usage douteux des termes « violations » et « ordonne » que mentionne le dispositif de la décision du 13 juillet 2015, celle-ci indique aux autorités Burkinabé deux écueils des plus évidents à éviter pour que la mise en œuvre de l’article 135 ne se heurte à la censure de la Cour de Justice de la CEDEAO : elle ne doit pas s’appliquer aux « citoyens ordinaires » et ne doit pas être une sanction déguisée du « délit d’opinion ». Quitte à nous répéter, même le CDP et ses alliés devant la Cour ne soutenaient pas que l’article 135 de loi modifiant le code électoral s’applique aux « citoyens ordinaires » ou qu’il en était fait une « application expéditive et massive », comme le soutient la Cour (§ 28). Sur ce, la Cour cumula les erreurs. Elle se refusa de s’approcher de plus près du texte de l’article 135 de la nouvelle loi électorale, de son sens et de sa portée raisonnable. Elle refusa également de demander au Burkina Faso sa propre interprétation du texte de sa loi – qu’elle aurait pu verser au dossier et utiliser comme base de son raisonnement (voir un cas emblématique dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande/Australie c. France). En se défaisant de tous ces garde-fous imposés par la saine technique juridique, la Cour condamna le Burkina Faso pour une hypothèse d’école qu’aucun des acteurs de la transition burkinabé n’a jamais alléguée. Dès lors, il faut faire preuve d’une candeur à toute épreuve pour croire que la Cour a parfaitement compris le sens de l’insurrection populaire burkinabè. Dès les lignes introductives de son jugement, elle qualifie l’insurrection populaire « de violentes manifestations » suivies « de tentatives de coups d’État ». S’agissant des 31 martyrs, morts par balles pour avoir manifesté pacifiquement contre la volonté du président Blaise Compaoré de s’éterniser au pouvoir, la Cour de Justice fait dans l’euphémisme. Il ne se serait agi que de « quelques morts ». À tout le moins, on pourrait s’attendre à plus d’empathie d’une juridiction dont le mandat couvre la protection des droits de l’homme, y inclus le droit de manifester pacifiquement et le droit à la vie.

Tout bien considéré, la décision de la Cour du 13 juillet 2015 rappelle, si besoin en est, que les institutions, tout comme les enfants – et dans une certaine mesure le monstre de Frankenstein et les écrits – ont une vocation naturelle à la liberté et à l’indépendance. Dans une mesure plus ou moins grande, ils s’affranchiront tôt ou tard de leurs géniteurs. La Cour de Justice de la CEDEAO a fait preuve de liberté et d’indépendance à l’égard du droit et de la technique juridique dans son raisonnement. Il appartiendra aux États membres de la CEDEAO d’examiner avec la plus grande diligence sa nouvelle jurisprudence à l’égard des violations futures des droits de l’homme et de lui rappeler, à l’instar de parents bienveillants, les contours réels de sa compétence pour violation des droits de l’homme. Il est à souhaiter que le Conseil constitutionnel fasse également preuve de liberté et d’indépendance quand des contestations lui seront soumises. Ici, il s’agira de faire preuve d’imperméabilité à l’égard des pressions multiformes auxquelles il n’échappera point, surtout celles échafaudées sur la base d’arguments plus ou moins erronés. Le Conseil constitutionnel s’attachera ainsi mieux au droit et rendra à l’article 135 de la nouvelle loi électorale, la justice, le sens et la portée qui sont les siens, en toute harmonie avec les obligations internationales du Burkina Faso.

Mamadou Hébié


Mamadou Hébié est Lecturer dans le Programme de Master sur le règlement des différends internationaux (MIDS), conjointement créé par la Faculté de droit l’Université de Genève et par l’Institut de hautes études internationales et du développement. Titulaire d’un doctorat en études internationales – spécialisation droit international, il est, entre autres, diplômé de la Harvard Law School, de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève et de l’Académie de droit international de la Haye. Auteur de l’ouvrage Souveraineté territoriale par traité : une étude des accords entre puissances coloniales et entités politiques locales (Paris : PUF, 2015, 710 p.), il a été conseiller de la République argentine dans l’affaire de l’ARA Libertad devant le Tribunal international du droit de la mer.

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