Hervé Ouattara : «On n’évolue pas avec des « il parait que »…»

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Dérives de la Transition, gestion du Premier ministère sous Isaac Zida, enrichissement illicite supposé de leaders des Organisations de la société civile, la question des Koglweogo, l’affaire du mandat d’arrêt contre Guillaume Soro, voilà les lignes de l’entretien accordé par Hervé Ouattara à Burkina 24 le mercredi 4 mai 2016. Hervé Ouattara est le Président du Citoyen africain pour la renaissance (CAR), une Organisation de la société civile qui a participé activement à la lutte contre la modification de l’article 37, le référendum et la mise en place du Sénat au Burkina.

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Burkina 24 (B24) : Vous avez été député au Conseil national de la Transition (CNT). Que devient Hervé Ouattara après le CNT?

Hervé Ouattara (H.O) : Avant le CNT, Hervé Ouattara est un fonctionnaire alors après le CNT, j’ai naturellement repris service. Je vaque à mes occupations de fonctionnaire. Actuellement, je suis au ministère de l’administration territoriale. Ça va, je n’ai pas de soucis. De toute façon, j’ai plus de 10 ans de service. Donc je ne peux pas dire que je ne suis pas habitué.

B24 : Parait-il que votre train de vie a changé. Est ce que vous confirmez ?

H.O : Je crois que l’objectif de tout homme, c’est de se battre afin de changer ses conditions de vie. Je crois que ce serait regrettable que moi Hervé, que mon dessein et que mon bon vouloir, c’est de vivre dans la misère toute ma vie. Je crois qu’aujourd’hui, je ne peux pas dire que mes conditions de vie n’ont pas changé et je me suis battu pour que mes lendemains soient meilleurs qu’aujourd’hui.

B24 : Des rumeurs d’enrichissement illicite de certains leaders d’OSC circulent. Est ce que vous faites partie de ceux-là ?

H.O : Qu’est-ce qu’on appelle enrichissement illicite ? C’est ça ma question. Moi je ne sais pas. De toute façon, nous entendons de gauche à droite. Ce sont des questions qui sont chaque fois posées. A ma connaissance et jusqu’à preuve du contraire, personne n’a pu, avec preuve à l’appui, montrer à quel point X ou Y est trempé dans une question d’enrichissement illicite.

Pour moi, je ne vois pas en quoi des OSC pourraient être concernées par ces questions d’enrichissement illicite. Et de toutes les façons, comment ces enrichissements sont arrivés ? Comment ces OSC ont pu s’enrichir ? Alors je ne sais pas ! Je veux mieux comprendre. Personnellement, je veux mieux comprendre et j’attends. Peut-être que vous avez des preuves sur cette question.

B24 : Aujourd’hui il est dit que  vous êtes avocat de la Transition. Estimez-vous qu’on accable la Transition ?

H.O : Je suis avocat de, ni la Transition ni de personne. Seulement, je veux qu’à un moment donné de notre histoire, nous reconnaissions que quelque chose a été fait et si écart il y a, et que cela relève de la justice, que la justice fasse son travail. Mais qu’on ne prenne pas notre temps ou le temps de notre pays pour des questions qui encore nous ramènent derrière.

C’est un point de vue que nous avons relevé. Nous avons estimé que si quelque part dans la Transition, il y a des fautes qui ont été commises, alors que ces fautes soient sanctionnées. Nous ne sommes pas contre. Mais de là à ce que le problème de la Transition perdure à n’en point finir, il faut que nous avançons parce que le pays attend beaucoup de nous. Si c’est pour ça on dit que nous sommes avocats de la Transition alors, qu’il en soit ainsi.

B24 : Vous êtes d’accord pour qu’on poursuive les acteurs de la Transition s’ils ont commis des crimes ?

H.O : Là-dessus, on est clair ! On s’est battu pour qu’il y ait plus de justice au Burkina Faso. Il n’y a pas de raisons qu’aujourd’hui, nous soyons contre cela.

B24 : Et s’il y a des révélations vous concernant ?

H.O : La question elle est très simple. S’il y a des révélations de l’implication de Hervé Ouattara dans une question d’enrichissement illicite, moi je suis prêt à répondre. Je ne suis pas un citoyen différent des autres. S’il y a quelque chose qui vraiment implique Hervé Ouattara d’une manière ou d’une autre et qui nécessite de répondre devant la justice, je le ferai.


Hervé Ouattara, Président du CAR

https://www.youtube.com/watch?v=QF6fLUbbtp8

Burkina 24


B24 : Le rapport de l’ASCE est assez accablant en ce qui concerne la gestion au niveau du Premier ministère. D’aucuns disent que certains OSC y partaient nuitamment prendre de l’argent. Est-ce que vous vous reconnaissez là-dedans ?

H.O : Vous savez, s’il y a un malheur au Burkina, c’est bien ça. Ce que certains disent, on a entendu, il parait que. Vous savez, on n’évolue pas avec ça. On ne développe pas un pays avec ça. Pourquoi ? C’est interdit d’aller chez Zida dans la journée ?  Est-ce que c’est interdit d’aller chez lui dans la journée ? Pourquoi les gens pensent que c’est dans la nuit les gens se rendent là-bas pour prendre de l’argent. Pourquoi ?

Et vous nous apprenez, parce que c’est des choses quand même souvent quand on écoute, on a froid en fait. Que des Burkinabè perdent leur temps sur des supputations, non ! Moi je préfère actuellement qu’on aille sur des bases concrètes. On a vu Hervé Ouattara la nuit chez Zida, il a pris l’argent, voici les preuves.  

Si c’est interdit, alors on demande à la justice de gérer le sort de Hervé Ouattara. Mais si nous devons continuer à dire il parait que Hervé Ouattara, vous avez été nuitamment… écoutez, ceux qui m’ont vu là-bas, c’est qu’eux aussi ils sont venus nuitamment. Donc je pense qu’on a été tous là-bas nuitamment.

B24 : Parlant toujours du ministre Isaac Zida, ce dernier a fini son congé, il n’est toujours pas rentré. Avez-vous des nouvelles de Isaac Zida ?

H.O : Non, je n’ai aucune nouvelle du général Isaac Zida. 

B24 : Savez-vous pourquoi il n’est pas encore rentré ?

H.O : Alors, je crois qu’il est la seule personne qui peut répondre à cette question.

B24 : Donc vous n’êtes plus proche de Zida…

H.O : Ce n’est pas une question d’être proche. De toute façon, moi je ne gère pas son calendrier. Donc je ne peux pas vous dire pourquoi il n’est pas encore rentré et pourquoi il doit rentrer.

B24 : Certains analystes politiques estiment que le pouvoir actuel s’appuie sur certaines dérives de la Transition pour cacher ses faiblesses. Qu’en dites-vous ?

H.O : Ce sont des analyses personnelles. Ce sont des gens qui donnent leur point de vue qui ne sont pas forcément les nôtres. J’allais dire que le pouvoir est à ses débuts. C’est vrai que nous avons dit lors de notre anniversaire passé qu’on constate un tâtonnement dans les choses, un balbutiement. Mais nous avons également dit que le pouvoir n’a que 100 jours comme on le dit et en 100 jours, on ne peut pas régler le problème d’un pays qui a traversé 27 ans de dictature. C’est assez difficile.

Il faut que nous reconnaissions qu’on est très pressé pour ne pas dire trop pressé. Il va falloir permettre au pouvoir de s’asseoir, de bien s’asseoir, de regarder en face tous ces problèmes dont le peuple attend la résolution. Qu’on les laisse prendre à bras le corps toutes ces questions avant de réagir.

Sans vouloir les défendre, je me dis qu’ils n’ont pas assez eu le temps de faire leur preuve pour le moment. Donnons-leur le crédit. Peut-être que dans deux ans, on fait le bilan à mi-parcours et on pourrait tout de suite dire réellement si le pouvoir a caché quelque chose ou qu’il a été incapable de remplir une partie de sa mission. Sinon, pour le moment, je crois que c’est trop tôt.

B24 : D’aucuns répondront que vu qu’ils ont été au pouvoir avec Blaise Compaoré durant 27 ans, ne pensez-vous pas qu’ils sont matures pour faire le travail ?

H.O : Il ne faut pas confondre celui qui était au pouvoir et celui qui était à côté du pouvoir ou celui qui était avec le pouvoir. Parce que quand on est au pouvoir, c’est différent de quand on est à côté. Je me dis qu’aujourd’hui, le président Roch (Kaboré) est en face de certaines réalités, peut-être qu’il ne vivait pas quand le président (Blaise) Compaoré était là.  Ça, il faut le reconnaître parce que quand le président (Blaise) Compaoré était là, ce n’était pas Roch (Kaboré) qui gérait tous les problèmes des Burkinabè, c’était le président Compaoré.

Aujourd’hui, c’est lui qui gère le problème des Burkinabè. Donc, ce n’est pas la même chose. C’est vrai qu’ils sont avertis sur certaines questions. On ne peut pas les dédouaner. Mais nous devons reconnaître que même un directeur de service qui vient de prendre service souvent en trois mois, ce n’est pas évident.

B24 : Ces derniers temps, nous assistons à une montée de l’incivisme notamment des élèves qui agressent leurs enseignants, des populations qui mettent le feu à des gendarmeries etc. Sentez-vous que l’Etat n’arrive pas à assurer son autorité ?

H.O : Là-dessus, nous l’avons dit et je le redis : il y a sérieusement un problème sur cette question de « force reste à la loi ». Cela a été clamé. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous constatons. Et il faut le regretter réellement parce que nous sommes en train de vivre une situation difficile. C’est comme nous avons l’habitude de le dire :si on n’y prend garde, on risque de tomber dans le chaos à cette allure. On peut comprendre que des gens revendiquent, on peut comprendre que des gens manifestent, mais on ne peut pas comprendre que des Burkinabè brûlent leur drapeau, qu’ils s’attaquent à des Forces de l’ordre et de façon impunie.

C’est clair qu’aujourd’hui, nous avons de sérieux problèmes avec notre justice. Ça, il faut le reconnaître. Les Burkinabè doivent se réconcilier avec la justice. Ils doivent être en harmonie avec leur justice.  Malheureusement, ce n’est pas le cas. Il y a tout un travail à faire dans ce sens.

B24 : Le manque de confiance en la justice justifie-t-il tous ces actes ?

H.O : C’est vrai qu’on ne peut pas expliquer la montée de l’incivisme par le manque de confiance en la justice.  Il y a tout un travail de fond qui doit être fait tant par le gouvernement actuel que par même la population elle-même, les OSC, les partis politiques également.

C’est ensemble que nous devons gérer ces questions. On a tout laissé dans les mains du pouvoir actuel. Moi je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faut laisser tout aux mains du pouvoir actuel. Ils ont cherché le pouvoir, ils ont eu. Le Burkina, c’est le bien de tout le monde et à cette allure, c’est clair que nous allons déchirer ce pays et c’est nous tous qui allons en pâtir.

On ne peut pas laisser aujourd’hui des populations se rendre justice. Il faut que force reste à la loi. Pour cela, j’invite le gouvernement très rapidement à prendre ses responsabilités pour que le Burkina soit un pays de droit.


Hervé Ouattara sur l’affaire Guillaume Soro

Burkina 24


B24 : Le ministre de la sécurité intérieure Simon Compaoré défend les Koglweogo et tend à vouloir les faire encadrer par les prochains maires. En suivant votre logique, est-ce à dire que vous êtes contre les Koglweogo ?

H.O : Nous avons dit au niveau du CAR que nous ne sommes pas contre les Koglweogo dans la mesure où les Burkinabè sont libres de se constituer en association comme il se doit. La liberté d’association au Burkina est reconnue.

Nous supposons que les Koglweogo sont aussi des associations qui existent au Burkina. Seulement les objectifs sont entre autres de dénoncer des cas de vols et d’arrêter (des bandits, ndlr) pour les remettre à la police ou à la gendarmerie. Nous ne voyons pas les Koglweogo comme étant des substituts de la justice, de la police ou de la gendarmerie. Nous ne voyons pas les Kogleweogo comme une entité à même d’arrêter une personne, de violenter la personne, lui imposer des impôts et des taxes. Nous ne serons pas d’accord avec ça si ça doit continuer.  

Maintenant, remettre les Koglweogo sous l’autorité des différentes municipalités, je crois que le maire Simon est assez averti pour savoir ce qu’il  fait. Nous demandons au gouvernement actuel de s’activer pour que les Koglweogo ne deviennent pas un handicap pour la liberté des uns et des autres. Le reste, nous pensons que c’est tout à notre honneur que nous vivons dans un pays où on est débarrassé des actes de délinquance.

B24 : Il y a l’épisode mandat d’arrêt contre Guillaume Soro qui connait des rebondissements. Quelle lecture faites-vous de cela ?

H.O : Pour être très franc avec vous sur cette question de mandat d’arrêt, nous savions depuis le début que cela n’allait pas aboutir. Il est question aujourd’hui de la séparation des pouvoirs. Mais la façon dont les choses sont traitées au niveau de notre justice aujourd’hui inquiète. Qu’est ce qui se passe ? Nous voulons comprendre comment des professionnels peuvent aller jusqu’à essuyer ces genres d’erreurs dans la monture des dossiers ?

Comment des professionnels de justice peuvent commettre ces genres d’écarts ? En tant que citoyens, nous voulons comprendre. Vous conviendrez avec moi aussi que lorsqu’on a commencé à libérer des gens sans explications, en disant que c’était des libertés provisoires en son temps, on  avait demandé qu’on nous dise pourquoi on les avait arrêtés et pourquoi on les libère provisoirement

On ne peut pas arrêter aujourd’hui des gens sans jugement, sans explication et venir les libérer un beau jour comme pour dire que ce sont des libertés provisoires. Alors il fallait s’attendre à ce qui est là et nous avons dit en son temps qu’il ne fallait pas être surpris qu’on accompagne Blaise Compaoré de façon triomphale pour qu’il vienne s’installer à Ziniaré.

Donc rien ne nous surprend ! Nous n’avons pas grand-chose à dire. On nous dit qu’il ne faut pas commenter une décision de justice. Ce que nous constatons aujourd’hui sans vous mentir c’est avec des pincements au cœur. C’est révoltant, c’est écœurant. Mais on est rassuré également que ce sont des mandats qui seront réintroduits, nous attendons de voir. Nous avons foi ! Nous osons espérer que notre justice fera l’effort d’avoir la confiance de ses concitoyens afin qu’on puise travailler ensemble, afin qu’on puisse véritablement avancer.

Si vous faites un micro trottoir, vous verrez que 90% des Burkinabè ne font plus confiance à la justice. Pourquoi ? Pour des cas comme ça. C’est malheureux ! Raison pour laquelle, acceptez  avec moi, qu’on est obligé d’accepter les Kogleweogo même si nous ne sommes pas d’accord  avec la façon dont ils agissent.

Interview réalisée par Ignace Ismaël NABOLE et Mariam OUEDRAOGO (Stagiaire)

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Rédaction B24

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