Edouard Zabré : « Une insurrection, ce n’est pas le départ d’un individu, mais le rejet d’un système »

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Dans cette déclaration, Nebnooma Edouard Zabré, pour le compte du Front des forces sociales (FFS), se prononce l’anniversaire de la Révolution d’août 1983.

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Peuple du Burkina Faso, Camarades militantes et militants, patriotes et démocrates !

« D’où sommes-nous venus ? Et où allons-nous ? Ce sont-là les questions de l’heure qui exigent de nous une réponse claire et résolue, sans équivoque aucune, si nous voulons marcher hardiment vers de plus grandes victoires, vers de plus éclatantes victoires ».

Trente-trois années passées, ces questions posées dans le Discours d’Orientation Politique demeurent d’actualité, autant que les réponses y relatives le sont encore : « l’insurrection du 4 août 1983, la victoire de la Révolution et l’avènement du Conseil National de la Révolution sont incontestablement la consécration et l’aboutissement conséquent des luttes du peuple voltaïque contre la domination et l’exploitation néocoloniales, contre l’assujettissement de notre pays, pour l’indépendance, la liberté, la dignité et le progrès de notre Peuple. En cela, les analyses simplistes et superficielles, cantonnées dans la reproduction des schémas préétablis ne pourront rien à la réalité des faits. »

Nous commémorons cette année le 04 août avec l’ensemble des révolutionnaires, des démocrates et patriotes, ainsi que tous les progressistes d’ici et d’ailleurs sous le signe de vibrants hommages : hommage au Camarade Capitaine Thomas SANKARA, à tous ses compagnons lâchement assassinés, le 15 octobre 1987 ; hommage à toutes les filles et à tous les fils qui ont été arrachés à notre affection au cours de ces longues années de souffrance, d’injustice et de frustration et hommage à tous les martyres de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et du coup d’Etat du 15 septembre 2015.

 Cette solennelle occasion du 04 août nous donne l’opportunité de rappeler quelques jalons de  nos itinéraires :

Camarades militants, chers compatriotes,

En effet, pour résumer l’histoire tumultueuse de la vie politique du Burkina indépendant, il convient de souligner, qu’en cinquante-six ans d’indépendance, le pays a connu quatre républiques, qui ont vacillé entre succession d’Etats d’exception et espoirs d’une réelle démocratisation de la société ;

  • neuf Chefs d’Etat, dont un seul, Blaise Compaoré a cumulé à lui seul 27 ans de règne ;
  • trois civils, Maurice YAMEOGO, Michel KAFANDO sous la Transition et récemment Roch Marc Christian KABORE ;
  • un président assassiné (Thomas SANKARA) ;
  • un soulèvement et une insurrection populaires (1966 et 2014) ;
  • six coups d’Etat dont le dernier, celui de septembre 2015, reconnu comme le plus bête ;
  • et seulement deux passations de charge entre un président sortant et un président entrant !

Il est difficile de parler du Burkina, sans faire  allusion à deux figures historiques qui auront pesé sur le destin de notre pays et sur celui d’autres nations, de manières totalement différentes. Il s’agit du Camarade Thomas SANKARA d’une part, et de Monsieur Blaise Compaoré d’autre part.

Acteur leader de la révolution du 04 août 1983, Thomas SANKARA aura été une des figures marquantes du panafricanisme et du tiers-mondisme. Il était celui qui disait la vérité, qui vivait proche de son Peuple, qui luttait contre la corruption, qui redonnait l’espoir de voir l’Afrique retrouver sa dignité.

Treize jours avant le coup d’Etat au cours duquel il devrait être assassiné, Thomas SANKARA, Président du Conseil National de la Révolution définissait le sens de son action en ces termes : « Notre révolution n’aura de valeur que si, en regardant derrière nous, à nos côtés et devant nous, nous pouvons dire que les Burkinabè sont, grâce à elle, un peu plus heureux. Parce qu’ils ont de l’eau saine à boire, parce qu’ils ont une alimentation abondante, suffisante, parce qu’ils ont une santé resplendissante, parce qu’ils ont l’éducation, parce qu’ils ont des logements décents, parce qu’ils sont mieux vêtus, parce qu’ils ont droit aux loisirs ; parce qu’ils ont l’occasion de jouir de plus de liberté, de plus de démocratie, de plus de dignité(…). La Révolution, c’est le bonheur. Sans le bonheur, nous ne pouvons parler de succès ».

En trois ans de Révolution, le bilan est sans commentaire !

« Quand le Peuple se met debout, l’impérialisme et ses valets locaux tremblent ».

Camarades militantes et militants, chers compatriotes,

Rappelons que l’insurrection populaire est née de l’entêtement de Blaise Compaoré a modifié la constitution en son article 37 qui fixe la durée légale du mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une fois.

Pour réussir son projet funeste, Blaise Compaoré n’a eu autre inspiration que de séquestrer des Députés (99 députés sur 127) 72 heures durant à l’hôtel Azalai, jouxtant l’Assemblée nationale aux fins  de les amener à voter le « Oui » de gré ou de force pour lui assurer la majorité nécessaire en vue de la modification directe de l’article querellé. Trop, c’en était trop !!!

Dès lors, les journées des 28, 29, 30 et 31 octobre 2014 auront été des plus chaudes sur toute l’étendue du territoire contre la forfaiture du régime de la 4ème République au Burkina.

Un Peuple silencieux est un Peuple dangereux. Les Peuples d’Afrique doivent demeurer vigilants. Lors des affrontements d’octobre 2014 et de septembre 2015, on a pu constater qu’en face, une partie de l’armée était demeurée loyale à Blaise Compaoré.

Par contre, une autre partie avait épousé la cause du Peuple. Cette option dont il faut se féliciter aura permis de se libérer en sacrifiant des dizaines de morts. Nous sommes conscients que sous d’autres cieux en Afrique, l’armée aurait certainement continué à massacrer le peuple aux mains nues. Le camarade Thomas SANKARA ne disait-il pas « qu’un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance » ?

Les réactions ont toujours été brutales dans la plus part des républiques bananières quand il s’agit d’affronter les dictateurs.

En tout état de cause, Blaise et ses alliés impérialistes auraient pu tuer ces jours-là et les jours suivants, 1000, 2000, 3000, 4000 et plus sur l’ensemble du territoire, le résultat serait le même : il s’en irait ; volonté du Peuple, volonté de Dieu ! Seuls les Peuples et non les urnes peuvent chasser les dictateurs.

Camarades, chers compatriotes,

C’est au terme de contradictions profondes et d’une crise de confiance que le Peuple s’est résolu à mettre fin à un ordre politique, économique et social décadent, établi par le régime de la 4ème République.

Avec une irrésistible soif de justice, de liberté et de dignité, que le Peuple s’est insurgé les 30 et 31 octobre 2014, et avec la même détermination, a mis en échec le coup d’Etat de  la soldatesque RSP en septembre 2015.

La Transition que d’aucun ont considérée comme une révolution confisquée ou une révolution inachevée a hérité du sacrifice du Peuple. De même que, le renouveau qui se déroule présentement, a hérité du sacrifice du Peule ! Mais bien plus que des héritages, ce sont des lourdes charges.

Camarades militantes et militants, peuple du Burkina, nous aimerions dire « ENFIN, C’EST GAGNE » !

Mais il conviendrait de comprendre que les problèmes socio-politiques du Burkina ne s’épuiseront pas dans les règles constitutionnelles seulement mais aussi dans la résolution des questions politiques capables d’incarner l’idéal de changement et de rupture, et la mise en œuvre de nombreux mécanismes d’alternance pouvant entrainer l’adhésion des masses à l’exercice du pouvoir reconquis.

De l’analyse de la situation nationale actuelle, on peut noter que le Burkina est en proie  à une campagne d’opinion sans égale, mettant en scène des analystes, des observateurs, des partisans et des contempteurs de tous bords. Ce qui, pour certains témoignerait d’une vitalité du jeu politique.

Cependant, au regard de la profondeur des débats et de leurs impacts sur le climat sociopolitique, ce bref épisode de notre entrée en scène nous interpelle à plus d’un titre sur les attentes persistantes des populations, sur notre capacité organisationnelle, politique et idéologique à y faire face et sur notre devenir à court, moyen et long terme.

Pour le FFS, cette extrême liberté débridée de toute part, résulte de la banalisation du jeu politique,  de la corruption politique, de l’émiettement des sensibilités politiques,  de la perte de repères des populations et de la confusion totale des projets de société alternatifs.

Camarades militantes et militants,

Les forces impérialistes et les traitres à la patrie ont eu raison de nous depuis la date fatidique du 15 octobre 1987.

Traqués de toutes parts, mis en quarantaine dans toutes les sphères de la vie nationale, nous n’avons eu de salut à exister que par notre capacité de résilience. Malheureusement, le régime usera de tous les moyens pour fragiliser nos rangs, soit par l’infiltration, soit par la corruption ou d’autres menaces plus graves. Nous avons connu la terreur sous toutes ses formes. Le pire dommage que nous aurons à déplorer aura été l’émiettement des forces de Gauche, l’impatience petite-bourgeoise et le reniement de l’idéal commun par certains camarades avec l’affaiblissement des forces progressistes.

De cette expérience, le Front des Forces Sociales (FFS) aura appris qu’il ne sert à rien de s’entredéchirer ou de démultiplier les contradictions secondaires en perdant de vue les contradictions principales, raison d’être d’un parti à savoir la conquête du pouvoir pour une alternance alternative. A s’y méprendre, tôt ou tard, l’histoire nous imposera l’impératif de l’unité perdue.

Nous demeurons convaincus que, les progressistes unis, peuvent mieux répondre aux aspirations légitimes des masses populaires que la bourgeoisie exploiteuse à la solde des intérêts impérialistes.

Nous osons dire qu’une insurrection, ce n’est pas le départ d’un individu et de quelques irréductibles membres de son clan. Une insurrection, c’est le rejet d’un système avec ce qu’il a établi : son organisation, ses valeurs, sa voie, ses méthodes, ses pratiques, ses soutiens, etc.

Face à des attentes légitimes, parfois excessives, à des caprices de putschistes « irrepentis », la peur de vexer,  de blesser, de bouleverser est la première source de reniement idéologique et  de démission face à notre responsabilité historique. Mais notre devoir est de nous tourner vers la quête de réponses adéquates aux aspirations du peuple, lequel peuple n’hésitera pas à prendre acte si des résolutions fortes tardent à être prises.

Démocrates, patriotes, révolutionnaires, socialistes, nous sommes des militants et militantes engagés dans le combat pour la démocratie, la justice sociale, le progrès et la liberté. Tous ceux qui ont mené ces nobles combats au prix de sacrifices énormes sont de la race des leaders envers qui, nous progressistes, devront avoir serment de fidélité à leur idéal, à leur vision. C’est tout le sens que le FFS donne à l’idéal de Thomas SANKARA sans calcul politicien aucun et qui forge notre fierté et notre dignité.

C’est pourquoi, en cet anniversaire du 04 août que nous commémorons dans un contexte post-insurrectionnel, le Front des Forces Sociales (FFS), lance un vibrant appel à tous les partis alliés, à se résoudre à faire face sans complaisance, aux problèmes cruciaux  de discipline de parti, de définition et de promotion des valeurs progressistes et patriotiques et à s’engager sans réserve dans la lutte contre toutes les tares qui profitent de l’opportunisme et du reniement idéologique à des fins de liquidation des acquis historiques du peuple burkinabè.

« Là où s’abat le découragement s’élève la victoire des persévérants » !

Gloire éternelle aux peuples en lutte !

La patrie ou la mort, nous vaincrons.

 Ouagadougou, le 04 août 2016

Pour le FFS, le Président National

 Nebnoma Edouard ZABRE

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