Le regard de Monica – « Ne charcutez plus nos filles ! »

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Le Regard de Monica est une chronique de Burkina24 qui est animée chaque jeudi par Monica Rinaldi, une Italienne vivant au Burkina.monica-rinaldi Cette chronique traite de sujets liés aux femmes, à la consommation locale et aux faits de société.

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Le jeudi 26 janvier 2017, les populations ont attaqué un poste de gendarmerie à Bagré afin de libérer une exciseuse et sept complices qui y étaient détenus (lire ici ). Une nouvelle qui a suscité plus d’engouement autour de la porte défoncée, des fenêtres brisées et des 29 personnes qui ont été arrêtées suite à cela, qu’autour de la vraie question : pourquoi la population doit-elle se lever pour défendre des charcutières… ooops, des exciseuses ?

 

Une pratique barbare et humiliante

Pourquoi se lève-t-on pour défendre une pratique si barbare ??? La mutilation des organes génitaux externes féminins, diffusée dans plusieurs parties du monde sous différentes formes, trouverait ses origines dans les traditions des ethnies et populations où elle était autrefois liée aux rituels d’initiation à l’âge adulte. Dans le monde contemporain, les raisons évoquées par ses défenseurs pour « justifier » cette pratique barbare sont entre autres la limitation de l’ « incontinence sexuelle » des femmes, la « purification » de la fille, la « préservation de l’identité féminine », la facilitation de l’accouchement (rien de plus faux !!!).

Symbole incivil de la soumission de l’univers féminin au vouloir masculin, l’excision n’a comme seul véritable but que de priver la jeune fille et la femme du plaisir sexuel, ou de le réduire considérablement : ainsi la femme ne montre aucun ou très peu de désir envers l’homme, qui peut être mieux rassuré de la fidélité de ses femmes.

Des conséquences délétères difficiles à réparer : mieux vaut prévenir que guérir !

Presque 4 femmes sur 5, soit 77% des femmes burkinabè de plus de 15 ans, ont subi une forme de mutilation génitale féminine (MGF)[1]. Les conséquences de cette pratique barbare sont délétères : outre les infections dues à l’utilisation de lames non stériles ou à la non désinfection de la plaie, les complications à l’accouchement (allant jusqu’à la souffrance fœtale et au décès maternel par hémorragie) et les séquelles psychologiques sont souvent graves et entraînent des coûts de prise en charge énormes. En outre, des incontinences urinaires, la stérilité, la formation de chéloïdes et la facilité de contamination par les IST sont à attribuer à l’excision…

Et pourtant, on s’en prend à un poste de gendarmerie où étaient détenues des femmes coupables d’avoir charcuté de la sorte des fillettes innocentes !

Fort heureusement, des initiatives ont été lancées par quelques partenaires techniques et financiers du Burkina Faso, tels que l’UNFPA, qui se sont engagés dans des campagnes de réparation à titre préventif des complications. Aussi, des interventions chirurgicales de reconstruction du clitoris sont exercées par des gynécologues et chirurgiens plastiques. En somme, la réparation des séquelles physiques est désormais possible, même si son coût – qui varie selon la technique appliquée – ne la rend pas accessible à toutes les victimes.

Pourquoi est-ce si difficile que cela ?

Dans un contexte où les MGF sous toutes leurs formes sont interdites depuis 2006, où la dangerosité des séquelles est désormais connue, il y a de quoi se demander la raison de la remontée d’humeur des populations face à l’application de la loi. Qu’est-ce qu’il y a de si inacceptable dans l’interdiction des mutilations génitales féminines ? Pourquoi est-il si difficile d’éradiquer ces pratiques barbares et anachronistes ? N’est-ce pas – entre autres – un problème de communication ?

Comme il arrive dans plusieurs domaines, souvent les messages ne sont pas adaptés aux cibles. L’erreur commise trop fréquemment par les intellectuels est de penser que les habitants du village ne comprennent rien tout simplement parce qu’ils sont analphabètes en français. Ainsi, les messages qui leur sont adressés sont malheureusement tout au plus des slogans du genre « Disons non à ceci », « Cela n’est pas bon », « Pour la bonne santé je fais ceci », accompagnés de très peu d’explications, voire aucune explication du tout.

Difficile alors de s’attendre que des adultes, probablement des leaders dans leur communauté, acceptent de changer de comportement si on n’essaie pas de leur donner des raisons. Certes, ils ne vont pas comprendre les termes scientifiques ou médicaux, mais ils peuvent très bien appréhender le lien de causalité entre, par exemple, l’excision et les complications à l’accouchement ou les infections génitales, si on choisit les bons termes, les bonnes images et surtout les exemples, tant positifs que négatifs.

En ce moment, il y aura ceux qui acceptent et ceux qui n’acceptent pas. Alors, on pourra effectivement s’en prendre à ceux qui persistent dans une pratique interdite, en appliquant la loi avec rigueur et contre les charcutières, et contre leurs complices – par les actes ou par le silence, et contre ceux qui attaquent un poste de gendarmerie sous prétexte que des criminelles y sont détenues.

En 2017, il est fort temps d’arrêter de mutiler des jeunes filles innocentes au nom d’une pratique barbare et sans fondement. Aussi, il est fort temps d’arrêter de se croire tout permis – y compris donner l’assaut à un poste de gendarmerie – seulement parce que pour la première fois dans l’histoire, ceux qui détiennent le pouvoir ne l’ont pas ôté par les armes à quelqu’un d’autre, ou seulement parce qu’ils essaient de régler les problèmes autrement que par la torture et les assassinats…

Monica Rinaldi

Chroniqueuse pour Burkina24


[1] Centre National de Lutte contre la Pratique de l’Excision (CNLPE)

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