Ladji Bama : « Nos gouvernants ne sont pas prêts à ouvrir l’information au grand public »

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La loi d’accès à l’information a été adoptée en 2015. Elle oblige le détenteur de l’information publique et administrative, mises à part certaines exceptions, d’y donner accès à tout citoyen qui le demande. Deux ans après le vote de cette loi, quel est l’état d’application sur le terrain ? Les journalistes, plus grands consommateurs de l’information, ont-ils senti une amélioration ? Yacouba Ladji Bama est journaliste d’investigation. Il est le rédacteur en chef du bimensuel d’enquête burkinabè, « Le Reporter ». Lauréat à plusieurs reprises du Prix de lutte anti-corruption et du prix sur le journalisme d’investigation, le journaliste tape régulièrement à la porte de l’information publique. Dans cette interview, il explique ce à quoi il est confronté sur le terrain, et donc, donne une idée de l’écart entre le texte de loi et le terrain.

Burkina24 : Quel sens donnez-vous à la loi d’accès à l’information publique et aux documents administratifs ?

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Ladji Bama : La loi d’accès est un important outil qui nous est offert surtout à nous autres hommes de médias pour pouvoir avancer dans ce que nous faisons comme travail et aussi pour le Burkina Faso tout entier. C’est une loi assez révolutionnaire qui vient permettre à ce pays d’avancer sur les sentiers de la démocratie.

Cette loi vient  amener les uns et les autres, surtout les gouvernants, à assumer leur devoir de redevabilité envers le peuple. Elle implique ceux qui sont appelés à gouverner la chose publique, à rendre compte de ce qu’ils en font. Cette loi intime l’ordre  à tous ceux qui sont à la tête des différentes structures publiques de  donner l’info aux journalistes ou à tout citoyen qui vient à eux pour demander à comprendre ce qui est fait au niveau de toutes ces structures.

C’est donc un très grand moyen de faire avancer la démocratie, de faire avancer la liberté d’expression.

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(…) Malheureusement,  jusque-là, (…) je ne crois pas que cette loi soit encore publiée au Journal officiel. Or il est dit qu’une loi, pour qu’elle soit applicable sur le terrain après sa promulgation, doit être publiée au Journal officiel.

D’ailleurs chez nous ici (au Reporter, NDLR),  je crois qu’on a eu à écrire au secrétaire général du gouvernement pour avoir une copie du Journal officiel où la loi a été publiée. On n’a jamais eu de réponse. Cela montre à quel point les gens ne sont pas encore prêts pour cette loi. Mais il faut bien qu’on les y oblige parce qu’on n’a pas le choix. Il faut bien que cette loi puisse être appliquée.

L’autre aspect est que quand on parcourt la loi,  il y a un certain nombre de textes d’application qui doivent être pris pour la rendre  applicable sur le  terrain. (…) Mais jusqu’à présent, la plupart de ces décrets ou arrêtés ne sont toujours pas pris par le gouvernement. On ne comprend pas trop pourquoi on traine le pas, pendant que dans d’autres domaines, on voit avec quelle célérité ils prennent les textes d’application pour d’autres lois.

 Cela montre à quel point, en réalité, nos gouvernants ne sont pas prêts pour ouvrir l’information au grand public, et c’est dommage.

B24 : Pensez-vous que cette loi peut contribuer à la bonne gouvernance ?

L.B: Bien sûr qu’elle peut contribuer à la bonne gouvernance. C’est par là que tout commence. La bonne gouvernance, c’est d’abord la redevabilité et rendre compte de ce qu’on fait du bien public qu’on a à gérer.

B24 : Quels sont les obstacles rencontrés sur le terrain ?

L.B : Il y a beaucoup d’obstacles sur le terrain surtout pour les hommes de médias. Pour preuve, les journalistes se plaignent du fait que quand ils s’adressent à l’autorité, souvent pour une information souvent la plus banale qui soit, c’est toute une galère, une misère qu’il faut endurer pour avoir l’information. Et souvent, on ne l’a jamais. On fait des va-et-vient interminables vers certaines structures de l’Etat pour avoir des informations sans jamais y parvenir.

C’est vraiment une situation qui est déplorable parce que comme on le dit, le droit à l’information pour les citoyens est un droit fondamental et le journaliste veut  permettre au citoyen de pouvoir jouir de ce droit. Si on met tant d’obstacles devant le journaliste pour avoir accès à l’information, c’est vraiment dommage pour le pays.

(…) Cela montre à quel point nos gouvernants souvent ne sont pas assez enclins à assumer leur devoir de redevabilité vis-à-vis du peuple, ce devoir qui veut que tous ceux qui gèrent la chose publique puissent rendre compte de leur gestion.

Malheureusement, on constate que chez nous, les gens veulent gouverner mais ils ne veulent jamais rendre compte. Alors qu’il est impératif de rendre compte parce que ce n’est pas une maison privée. Lorsque vous travaillez dans une administration,  c’est pour l’intérêt commun.

B24 : Quelles sont vos suggestions pour pallier aux problèmes rencontrés dans la mise en œuvre de la loi ?

L.B : Dire aux gouvernants, à tous ceux qui sont à des postes de responsabilité dans l’administration de se départir de cette façon de faire  qui consiste à se fermer à la presse, aux citoyens qui viennent vers eux pour demander à comprendre les choses. Il faut qu’ils s’en départissent parce que cela ne participe pas de la démocratie et de la bonne gouvernance.

A l’endroit des journalistes,  c’est aussi de leur dire de pas se laisser abattre. Lorsqu’on se retrouve devant une porte qui se ferme devant soi, il faut insister. Insister parce que c’est un droit qui est inaliénable et on  ne peut pas nous refuser cela. Il faut insister et au besoin, surtout avec cette nouvelle loi, poursuivre ceux qui s’opposent à la réalisation de ce droit-là.

 La loi nous donne cette capacité, dans le cas où des détenteurs de l’information refusent de façon délibérée de donner l’information, d’intenter des procès. Les journalistes doivent continuer de se battre pour que ce droit soit reconnu par tout le monde.

 Propos recueillis par Irmine KINDA

Burkina24

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