Corruption révélée par la presse : « Les gens sont indignés, mais ça ne va pas au-delà »

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Plusieurs cas de corruption sont dénoncés par la presse et d’autres institutions du Burkina. Force est de constater que ces cas de dénonciations ne font  généralement pas l’objet d’investigation ou de poursuite par l’appareil judiciaire, a remarqué le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC). Est-ce la même perception chez les médias ? Touwendenda  Zongo, directeur de publication du journal « Mutations »,  apporte des réponses dans une interview accordée à Bukina24, le 23 juin 2017.

Burkina24 (B24) : Y a-t-il déjà eu des cas d’ouverture d’informations judiciaires sur des cas présumés de corruption que votre journal a révélés ?

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Touwendenda Zongo (T.Z) : Depuis la création du journal « Mutations » en août 2011,  nous nous sommes donnés pour credo de travailler à faire de l’investigation, des enquêtes pour révéler au public certaines zones d’ombres ou révéler certains faits de corruption ou de détournements.

Dans un Etat de droit,  il faut bannir toute forme de malversation financière qui compromet le développement économique et social.

A travers nos articles, nous avons rendu compte de cas de corruption. Nous en avons pleins dans nos archives. Et nous continuons toujours d’aller à la traque de ce fléau qui plombe le développement économique et social de notre pays. Malheureusement,   nous avons remarqué que depuis que nous traitons les questions de corruption, de détournement, il n’y a jamais eu d’action proactive au niveau de la justice.

B24 : Pourquoi selon vous la justice ne fait pas régulièrement la lumière sur des cas présumés de corruption diffusés dans la presse ?

T.Z : Je me pose souvent la même question de savoir pourquoi la justice ne se saisit pas des articles de presse pour poursuivre l’investigation ou pour poursuivre au plan pénal les présumés coupables ou personnes incriminées. Bien que journalistes,  nous jouons cependant  le rôle de lanceur d’alerte. Et quand on lance l’alerte,  il y a des gens au bout de la chaine qui doivent se saisir des sujets que nous avons eu à traiter pour donner la suite judiciaire qu’il faut.

 Mais nous constatons que c’est l’institution judiciaire qui doit faire ce travail. Nous n’avons pas dit que nous avons la science infuse. Il peut s’avérer que notre tuyau soit percé. Mais encore faut-il que la justice se saisisse de ces questions pour faire la lumière et sanctionner les éventuels coupables. Nous regrettons amèrement que la justice, au lieu de se servir du travail de la presse,   est là inactive.

B24 : Etes-vous satisfaits de la réaction de l’opinion publique par rapport  aux résultats de vos investigations ?

T.Z : Satisfait, c’est trop dire. Mais nous remarquons que les résultats de nos investigations ne laissent pas indifférente l’opinion publique. A chaque parution de faits de détournements,  de faits de corruption,  nous tendons l’oreille. Nous voyons que les gens sont indignés. Mais ça ne va pas au-delà. Cela n’a pas l’écho et la suite que nous attendions.

Nous nous attendions, en tant que journalistes, que quand nous disons qu’il y a des faits de détournement d’une certaine somme dans une institution publique, qu’on engage une action publique de dénonciation comme une marche pour manifester.

Mais il y a des lecteurs qui nous appellent et qui partagent leur indignation. Nous ne pouvons pas aller au-delà de la dénonciation. Il y a toutefois des structures comme le RENLAC ou l’ASCE-LC (…). La nouvelle loi portant lutte anticorruption votée sous la transition par le Conseil national de la transition a fixé des ouvertures qui permettent à des structures spécialisées comme le RENLAC et l’ASCE-LC d’ester en justice contre des individus ou des institutions sur la base de dénonciation ou d’informations qu’ils auraient.

B24 : Est-ce que ces institutions se servent de cette loi pour ester en justice ?

T.Z : Justement je ne pense pas jusque-là que depuis l’adoption de cette loi, il y ait une dynamique qui montre que les gens vont utiliser l’opportunité qu’offre cette perspective pour demander des comptes à certains délinquants

B24 : L’affaire Inoussa Kanazoé et celle du SIAO dénoncées dans la presse ont eu un écho au niveau des autorités administratives et judiciaires. Est-ce un signe d’espoir pour les prochains cas ?

T.Z : L’affaire Inoussa Kanazoé était déjà dans les arcanes judiciaires avant la dénonciation de la presse. Pour le cas du SIAO, l’agent comptable a été déposé à la MACO mais nous attendons la suite. Il ne suffit pas seulement de faire semblant d’engager des poursuites et après tout s’estompe.

Nous attendons donc la suite de l’évolution de ces affaires au niveau de la justice pour en faire notre opinion de manière beaucoup plus claire et définitive. (…)  J’encourage les acteurs de la justice à être proactifs, à ne pas attendre que les dossiers viennent vers eux. Il faut qu’ils mettent en place un système de veille pour voir qu’est ce qui est dit dans la presse, quel dossier défraie la chronique et  voir comment faire pour amener le pays à aller vers la moralisation de la vie publique.

Je saisis l’occasion pour dire que nous avons été agréablement surpris d’avoir été invités par la commission d’enquête mise en place par le Conseil supérieur de la magistrature pour comprendre les questions de détournement ou de corruption qui impliquaient des magistrats pour entendre notre version.

 Parce que nous avions fait des dénonciations depuis 2011-2012 et c’était resté lettre morte. Nous avions des articles qui avaient mis en accusation des magistrats et pas n’importe lesquels. Je me rappelle l’affaire des 77 millions de F CFA qui avait défrayé la chronique en 2016 et avait même suscité la réaction des syndicats des magistrats.

La commission a bien voulu nous entendre sur ces questions. Je tiens à les remercier pour cela parce que nous nous sommes demandé des fois s’il ne fallait pas changer de vocation, d’engagement. Nous nous évertuons à dénoncer des choses qui semblent être considérées comme de l’eau versée sur les plumes d’un canard. Mais je pense que c’est un début au niveau de la justice.

Les acteurs s’engagent à faire la lumière, à balayer dans leur propre cour. Je leur souhaite donc  bon vent en attendant les résultats. Qu’ils continuent dans ce sens pour qu’ensemble on puisse travailler à ce que ce Burkina Faso que nous aimons et chérissons tant soit un Burkina Faso qui porte son nom, qui mérite son nom et qui va se lancer résolument dans les sentiers du développement.

Propos recueillis par Irmine KINDA

Burkina24

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