Daouda Simboro : « Les syndicats devraient être capables de prendre ce qu’on leur propose »

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« Même si on leur donne de l’urticaire aujourd’hui, on est toujours ensemble ». C’est le commentaire que Daouda Simboro, président du groupe parlementaire Union pour la démocratie et le changement  renouveau démocratique (UPC/RD), fait à propos du différend qui oppose son groupe à un autre groupe de l’UPC. Le vendredi 12 janvier 2018, il était dans les locaux de Burkina 24 pour revenir sur la crise qui a secoué ou qui secoue l’Union pour la démocratie et le changement  (UPC), principal parti d’opposition politique au Burkina. Et à l’en croire, ce différend « peut être vidé ». Aussi, le problème du moment par rapport aux revendications des syndicats de l’éducation a été passé à la loupe. Même s’il juge « légitimes » les revendications des syndicats, M. Simboro estiment qu’ils « devraient être capables de prendre ce qu’on leur propose, dans la mesure du réalisme de ces propositions ».

 

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Burkina 24 (B24) : Où en est-on avec la crise au sein de l’UPC ? Est-ce le parfait amour entre le groupe parlementaire UPC/RD et UPC ou la fronde se poursuit ?

Daouda Simboro (D. Simboro) : Le parfait amour ? C’est clair que le parfait amour ne peut pas revenir comme ça.  Nous formions un bon groupe, mais le groupe a été plombé par le management d’un homme, du président de l’UPC (Zéphirin Diabré, ndlr). Il faut regarder dans la composition du nouveau bureau, ceux qui sont restés là-bas devraient savoir qu’il s’est entouré d’une garde rapprochée. C’est sa garde noire qu’il a mise à ses côtés. Les autres députés qui ne sont pas responsabilisés, s’ils analysent bien, ils devraient savoir la limite de la considération qui leur est faite.

Avec nous, il y a beaucoup de méchantes choses qui ont été dites, des mensonges et de la diffamation. Du coup, on ne peut pas faire table rase de tout ça. Comment voulez-vous qu’entre les deux groupes, le parfait amour revienne ? C’est difficile. Parmi les gens qui sont restés dans l’ancien groupe parlementaire, j’ai de l’estime pour certains députés. Ce sont des gens qui sont pondérés, réfléchis et qui savent que la politique ce n’est pas de l’animosité. Au sein du parti, les problèmes ne sont pas mille, il n’y a qu’un seul problème, c’est le président du parti.

B24 : Est-ce une manière d’appeler à sa démission ?

D. Simboro : Ce sont les structures du parti qui doivent regarder ça. Mais je pense qu’il s’est disqualifié lui-même de bien gouverner le parti, à moins qu’il ne fasse un mea culpa sincère qui va être accepté par les instances. Personnellement, je n’ai jamais appelé à sa démission.

B24 : Revenons au groupe UPC/RD, avez-vous rejoint la majorité parlementaire ? Et, concrètement, quel est l’apport d’un nouveau groupe ?

D. Simboro : L’apport de ce nouveau groupe déjà, c’est de recentrer la position de l’UPC, parce que nous représentons l’UPC à l’Assemblée nationale. Et jusqu’à preuve du contraire, même quand des députés prennent la parole pour dire qu’ils ne nous reconnaissent plus de l’UPC, ça veut dire que dans leur esprit, ils nous ont exclus. Mais comme il n’y a pas de courage pour franchir le rubicond et nous exclure, ça ne nous gêne pas.

Lors de notre conférence de presse, nous avons été précis. Nous ramenons l’UPC à ce que nous avons mis dans son manifeste. Dans le manifeste, initialement, l’UPC ne s’était pas prononcée ni de gauche ni de droite, ni de l’Opposition ni de la Majorité. L’UPC s’était donnée trois valeurs cardinales : corriger ce qui est mal fait, proposer ce qui n’est pas encore réalisé et d’accompagner ce qui est bien fait.

« Même si je dors dans un couloir, j’aimerais qu’on me respecte »

Si vous mettez ensemble ces trois valeurs, c’est clair qu’aujourd’hui, dire que nous sommes de l’Opposition pour s’opposer systématiquement ou dire que nous sommes de la Majorité pour accompagner béatement, nous avons choisi de ne faire ni l’un ni l’autre.

Nous avons choisi de mettre en avant les aspirations des Burkinabè. Les canevas traditionnels des partis politiques sont en passe d’être dépassés, de montrer leurs limites et faiblesses un peu partout dans le monde. Nous aimons nous appuyer sur l’exemple de la France, vous voyez ce que le clivage Gauche-Droit a donné ?

Autre chose, c’est de dire qu’un parti d’opposition peut à un moment donné accompagner le pouvoir, quand ce qui est fait est conforme aux aspirations du peuple. Nous avons demandé cela à notre président (Zéphirin Diabré). Et là-dessus, il sait exactement quelle est sa posture…

B24 : Et quelle est sa posture ?

D. Simboro : Quand vous aurez l’occasion, comme vous êtes des Hommes de médias, demandez-lui exactement quelle est sa posture actuelle ? Il vous le dira. J’en sais quelque chose, mais je n’en parlerai pas pour l’instant. Je le garde parce que c’est quelqu’un que je respecte et que je continue de respecter malgré les diffamations qu’on est en train de mettre sur mon compte. Mais j’ai dit, même si je dors dans un couloir, j’aimerais qu’on me respecte.

Donc aujourd’hui, ne cherchez pas à classer l’UPC/RD dans la Majorité ou dans l’Opposition. Notre parti est de l’Opposition. Mais nous, députés de l’UPC/FRD, si le gouvernement fait des choses conformes aux aspirations des populations, nous allons les soutenir. S’il fait des choses qui ne tiennent pas compte des aspirations des populations, ils vont nous trouver contre eux. 

Je reste dans la posture de celui qui pense que nous devions gouverner pendant ces cinq (5) premières années ensemble. Donc si on peut aider [le gouvernement] à améliorer la gouvernance, on le fera. Mais nous n’allons pas travailler à saper les efforts qu’il fait, sous prétexte que nous voulons arriver au pouvoir rapidement.  

B24 : Sur Facebook, un compte en votre nom distille des informations. Vous niez en être le titulaire, mais quelle suite donnez-vous à cette affaire ?

D. Simboro : Il faut que je vous dise que ce n’est pas un seul compte. Depuis que nous avons créé UPC/RD, il y a deux ou trois profils qui se sont approprié mes photos, mes nom et prénom. Je n’ai pas de compte Daouda Simboro sur Facebook. Les gens qui me connaissent savent que je n’ai pas besoin de tomber dans la boue, mais je sais d’où viennent ces informations.

Elles sont proches du parti et du président du parti. Ces profils sont allés jusqu’à publier mes numéros et téléphones et comptes bancaires. Je sais comment ils les ont eus. Ce sont des chèques que j’ai émis pour le parti. Mais s’ils continuent ces idioties, je serais obligé de revenir sur comment tout cela s’est passé. Mais je me réserve. On ne peut pas être président de Groupe parlementaire pendant un an sans connaître comment les choses se passent. Tous les activistes qui se réunissent au siège, y compris hier (jeudi 11 janvier 2018, ndlr), pour ne faire que diffamer Daouda Simboro, ils savent qui écrit ces choses !

Un député m’a approché pour savoir si j’étais le titulaire de ces comptes. Je lui ai dit que je vais faire exceptionnellement une chose que je ne fais jamais. J’ai perdu ma maman et cela fera 30 ans. Je n’ai pas aimé quelqu’un d’autre plus que ma maman, mais j’ai juré sur sa tombe que je n’en suis pas le propriétaire.

B 24 : Le monde éducatif connait une profonde crise. Quelle lecture en faites-vous ?

D. Simboro : Pour moi, il ne faut pas que nous perdons l’année scolaire et je crois que les acteurs en sont conscients. Si nous, je suis parent d’élèves comme beaucoup de personnes, estimons qu’il faut sauver cette année scolaire, ce ne sont pas les acteurs directs qui ne vont pas le penser. Je pense qu’il y a un partage de responsabilité.

Pour ce qui concerne les syndicats, ils sont fondés à rechercher l’amélioration de leurs conditions de travail. C’est leur rôle.  Dans ce sens, on ne peut pas balayer les revendications du revers de la main.  

Maintenant, le gouvernement doit avoir une attitude. Cette attitude doit être proactive. Je ne comprends pas qu’un gouvernement qui reçoit une plateforme de plusieurs structures syndicales ne puisse pas être proactif. C’est ça aussi gouverner, savoir imaginez l’avenir et prendre des dispositions pour gérer la situation. A ce niveau, on ne doit pas attendre d’arriver à une situation de non-retour avant d’amorcer le dialogue. Je pense que le gouvernement a été lent à agir.

Aujourd’hui, tout le monde attend la relance économique. Mais elle se fait dans des conditions précises et  non dans des conditions qui sont imposées. La situation sécuritaire déjà est un frein à l’amorce de cette relance. Je salue en passant, l’effort des Forces de défense et de sécurité. En dehors de cette situation sécuritaire, le pays a des limites objectives de mobilisation des ressources qui ne sont pas élastiques à souhait. Si les revendications sociales sont de nature à compromettre les politiques publiques, il faut poser le problème de façon claire et chercher des solutions précises.

Crise dans l’éducation : « Le gouvernement a été lent à agir » – © Burkina 24

Il y a une réalité financière et budgétaire. Il ne faut pas qu’on pense qu’on peut satisfaire les revendications au-delà de ces réalités. Mais comme ça se pose avec acuité, il faut imaginer des solutions alternatives. Je reconnais la légitimité et la légalité de leur plateforme, mais je demanderai aux syndicats de regarder la situation. Peut-être que des erreurs ont été commises, pas forcement imputables au Président Roch Kaboré ou à son régime, mais le gouvernement devrait avoir le courage de corriger ces erreurs.

Le président l’a indirectement reconnu dans son discours en fin d’année, la gestion au cas par cas, les erreurs qui se sont glissées dans le traitement de certains corps de métier. C’est déjà noble pour un chef de l’Etat. Maintenant, il faut l’aider à corriger ces erreurs et pour le faire, je pense qu’il ne faut pas s’arcbouter. Voyons dans quelle mesure on peut trouver un accord minimal et dans combien de temps on peut revenir pour reconsidérer le reste des points qui n’ont pas été satisfaits.

B 24 : L’incidence des revendications des enseignants a été estimée à 50 milliards de F CFA par an par le Premier ministre. Vous êtes censé contrôler l’action du gouvernement. Est-ce supportable ?

D. Simboro : Aujourd’hui, les dépenses du personnel sont à un niveau assez inquiétant par rapport à la proportion des ressources propres que nous pouvons mobiliser à l’intérieur du pays, ensuite en rapport avec les engagements communautaires que nous avons de façon supranationale, notamment le ratio masse salariale sur ressources propres qu’on aimerait ramener à moins de 35% à l’horizon 2020.

Malheureusement, si pendant qu’il faut faire l’effort de ramener ce ratio à un niveau plus bas, nous sommes en train d’assister à une pression sociale qui renchérit par exemple la masse salariale, ça devient délicat pour le gouvernement.

C’est pourquoi je dis que les syndicats devraient être capables de prendre ce qu’on leur propose, dans la mesure du réalisme de ces propositions. Parce que rien ne sert de satisfaire toutes les revendications et deux ou trois mois plus tard être bloqué.

Notre pays n’a jamais connu d’arriérés de payement pour les fonctionnaires et il ne faudra pas que cela arrive. Je ne dis pas que c’est des syndicats de l’éducation que cela peut arriver, mais vous voyez il n’y a pas qu’eux qui portent des revendications. 50 milliards, ce n’est pas rien et désormais chaque année, il faut en tenir compte.

B24 : Dans la foulée du règlement de la crise sociale, le gouvernement a annoncé la création du Haut conseil pour le dialogue social (HCDS). D’aucuns estiment que les voies de dialogue ne sont pas épuisées et fustigent la nouvelle institution. Qu’en dites-vous ?

D. Simboro : Si aujourd’hui il n’y a pas un cadre pour le dialogue social, ce sera difficile. Je crois que la création du Haut conseil pour le dialogue social est la bienvenue dans la situation actuelle du Burkina. Si on avait eu l’idée de le faire plus tôt, on aurait pu éviter beaucoup de situation. Aujourd’hui, chaque syndicat ou chaque groupe de syndicats porte séparément ses revendications. C’est ça aussi qui fait la limite de l’action du gouvernement.

Mais il y a des gens qui, de façon désinvolte disent qu’on ne peut pas prendre toutes les ressources du pays pour payer des salaires. Ce n’est pas une manière de parler. Ce sont ces fonctionnaires qui sont aussi dans le pays qui travaillent, qui permettent aux Burkinabè d’avoir de la quiétude, qui assurent la santé des Burkinabè, qui assurent l’éducation des Burkinabè.

Ils prennent le salaire pour produire du service public aux enfants des agriculteurs, aux enfants des éleveurs. De ce point de vue, c’est malsain de dire, on ne va pas faire ça. Le policier qui touche son salaire veille à la sécurité de tous les citoyens.

Propos recueillis par Ignace Ismael NABOLE

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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