Burkina : Céline, dompteuse de dumpers

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Et pourtant, elle rêvait d’être infirmière. Céline Sankara née Coulibaly n’a pas pu réaliser son rêve mais s’épanouit dans l’activité qu’elle mène sur le site de la mine d’or d’IAM Gold Essakane SA. Pour activité, elle côtoie une catégorie censée être réservée aux hommes. Un travail physique, endurant et éreintant. Céline Sankara née Coulibaly, native de Bobo-Dioulasso s’est retrouvée dans la région du Sahel où elle dompte des monstres (citernes, arrosoirs, dumpers), des camions démesurés de plus d’une centaine de tonnes utilisés sur les sites miniers. Le 6 avril 2018, Burkina 24 est allé à sa rencontre. Céline officie au département Mine/Opérations à Essakane.

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« C’est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c’est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète ». Céline Sankara née Coulibaly semble avoir fait sienne cette citation de Simone de Beauvoir. Bien assise parmi les hommes, Céline Sankara née Coulibaly a trouvé sa place parmi les conducteurs de camions lourds sur la mine d’Essakane et soumise aux mêmes réalités.

Description d’un dumper : 5,80 mètres de hauteur, 6,30 mètres de largeur, 11 mètres de long, poids vide 113 tonnes et à la charge 250 tonnes avec une vitesse de 50 Km/h, un moteur de 12 cylindres, 1.350 chevaux et un réservoir de 1.900 litres.

C’est en 2010 que son aventure germe avec le secteur minier lorsqu’elle tombe sur une annonce de la mine d’Essakane dans un journal de la place alors qu’elle était en classe de troisième. La société minière était à la recherche de filles pour une formation en permis de conduire à Dori. Céline tente sa chance.

Elle est retenue avec huit autres filles sur 32 et le 2 février 2011, elle commence le travail après près d’une année de formation à l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) à Dori. Même avec le permis de conduire poids lourd, les recrues devaient se familiariser avec l’univers minier. Elles ont par conséquent gravi plusieurs échelons avant de se voir confier les grosses machines.

Pour son premier contact avec un dumper en 2012, un monstre mécanique suspendu sur quatre gigantesques roues de près de deux mètres de haut, Céline s’en souvient. « Quand on est arrivé et j’ai vu l’engin, raconte-t-elle avec des éclats de rires entre les mots, j’ai dit si c’est ça, je préfère repartir. On avait tellement peur sincèrement dit. Mais quand je suis rentrée une première fois, une deuxième fois, au fur et à mesure, j’ai vu que c’était quelque chose de sympa ». Sans tergiverser, la dompteuse de dumper est formelle : « J’adore ce que je fais ! ».

La jeune dame âgée de la trentaine avoue que l’immersion n’a pas été aisée. Avec ses collègues et avec son mari, les appréhensions existaient mais divergeaient de raisons. « Au début, ils [ses collègues hommes] ont tous dit… (rires) qu’on n’allait pas pouvoir conduire les camions », se remémore Céline. Mais poursuit-elle, « nous sommes arrivées à les convaincre. Il y a d’autres [collègues] qui nous félicitent même ». Il en sera de même avec celui avec qui elle a juré fidélité pour toute la vie.

« Quand tu es dedans, c’est extraordinaire »

Mariée « légalement et religieusement », Mme Sankara née Coulibaly, mère de trois enfants, en avait déjà deux avant de rejoindre la mine. Dans son travail, Céline est souvent très loin de sa petite famille. Elle est soumise au même régime de travail que les hommes, id est une semaine de travail intensif, parfois de nuit, et une semaine de repos. Ainsi confie-t-elle, avec son mari, « ça n’a pas été facile. Mais maintenant, ça va » et, rassure-t-elle, « j’arrive à suivre les études de mes enfants. Ce n’est pas facile mais, on s’accroche seulement ».

Pour sûr, c’est en arborant un large sourire que Céline déclame son affection pour son métier de conductrice. « Quand tu es dedans, c’est extraordinaire. La conduite est vraiment intéressante », dit-elle. Mais dur est son travail. Un emploi de temps strict, draconien. Chaque minute compte. Pour débuter le travail à 6h du matin, Céline se réveille à 4h du matin pour prendre la navette Essakane village (où des travailleurs sont hébergés) – Essakane Site, loin de l’imaginaire de vie de princesse dont pouvaient rêver certaines jeunes femmes.

Céline Sankara née Coulibaly : « Quand tu conduis, tu ne penses pas à quelque chose. Rien que le travail » 

« A 6h 15, tout le monde démarre (les machines) et on arrête à 18h 30. Nous avons une heure de pause. Le soir, tu nettoies très bien ton camion et tu gares. Si tu es de l’équipe de jour, c’est l’équipe de nuit qui vous remplace en même temps. Il m’arrive de conduire la nuit. A 18h, nous avons une réunion et on monte jusqu’à 23h 45 pour la pause. On reprend une heure après. A 3h 30, il y a 15 minutes de sport et on descend à 6h. Pendant le sport, on peut faire des étirements, si tu veux tu peux courir », explique Céline.

Durant ces heures de boulots, Céline chevauche soit un dumper, soit un arrosoir ou une citerne. Sur le dumper, le travail de la conductrice consiste à acheminer le minerai de la fosse (Essakane est une mine à ciel ouvert, ndlr) pouvant aller à plus de 150 mètres de profondeur vers les zones d’empilement. Sur la citerne ou l’arrosoir, il s’agit de ramener l’eau ou, bien sûr, d’asperger les rampes pour étouffer la poussière qui s’élèverait.  

Pour des yeux extérieurs, la première question qui vient en tête est de savoir si une femme peut supporter le travail la nuit. Rapide est la réponse de Céline : « Oui bien sûr. Qu’est-ce que vous croyez ? », lance-t-elle en s’exclaffant.

« Courageuse » !

Yaya Diarra, Contremaître Général au département Mine/Opérations à Essakane, ne tarit pas d’éloges à l’endroit de la jeune dame : « c’est une employée qui écoute attentivement les consignes de santé-sécurité et cela est un point crucial de notre métier. Ce que j’apprécie en elle, c’est son courage et elle aime échanger avec les membres de son équipe et ses superviseurs. Pour moi, Céline est une fierté de la mine d’Essakane ».

Dans sa coiffure plaquée, le sourire qui suit chaque phrase, le mot choisit par Céline pour représenter l’attitude à adopter dans son métier est : « Concentration ». « Quand tu conduis, tu ne penses pas à quelque chose. Rien que le travail. C’est comme ça », dit-elle. Et au contremaitre Général d’ajouter quelques autres qualités : une bonne condition physique, de bons réflexes et une maitrise de soi.

Selon M. Diarra qui supervise le département dont relève Céline, les femmes ont prouvé qu’elles ont les compétences requises pour conduire de gros engins sur la mine. « De jour comme de nuit, dit-il, elles conduisent nos dumpers pour réaliser des travaux liés à l’extraction, au chargement ou au transport des matériaux. Je pense qu’elles veillent au maintien en bon état des camions et elles sont respectueuses des règles de santé- sécurité en vigueur ».

Travail dans les mines : « Les femmes ont l’avantage d’être extrêmement méticuleuses »

« Les hommes et les femmes qui accèdent au métier d’opérateurs de dumper sur notre mine font le même travail et il n’y a pas d’aménagement particulier pour les femmes. Même si les femmes sont encore rares dans cet univers très masculin, je trouve qu’elles ont l’avantage d’être extrêmement méticuleuses et prudentes et elles font preuve d’une disponibilité sans faille. »

Yaya Diarra, Contremaître Général au département Mine/Opérations à Essakane

Même si la dompteuse de monstres mécaniques « adore » ce qu’elle fait au quotidien, elle nourrit de grandes ambitions pour le futur. « J’ai beaucoup de projets. C’est trop », confesse-t-elle. Mais pour le moment, ce qui lui tient à cœur, c’est d’amener plus de femmes à embrasser son boulot. Pour ce faire, Mme Sankara compte mettre en place un centre de formation pour former uniquement les femmes à la conduite des engins lourds. « Si Dieu me donne les moyens, c’est ce que je veux faire ».

Mais en attendant que les moyens ne descendent, Céline a un salaire et participe à la gestion de la famille volontairement. « Je contribue à ma manière. Il (son mari, ndlr) ne me demande pas de contribuer ».

« Céline est une fierté de la mine d’Essakane »

Ignace Ismaël NABOLE

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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