Tribune | Augmentation du pouvoir d’achat des Burkinabè : Posons-nous les bonnes questions

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Dans cette tribune, le citoyen Emile Lalsaga se prononce sur la situation nationale.

Bobo-Dioulasso, mardi 27 novembre 2018. En marge de la rencontre Etat/secteur privé, le chef du Gouvernement burkinabè Paul Kaba THIEBA tacle la Coalition contre la vie chère (CCVC) en affirmant sans sourciller via ces propos repris in extenso par le portail lefaso.net que : « Depuis que mon gouvernement est arrivé, le pouvoir d’achat des Burkinabè a augmenté et toutes les statistiques le montrent. » Kabako ! Sacrilège ! Selon aussi l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD), le pouvoir d’achat des ménages burkinabè a augmenté de 4,3% (rapport 2017).

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Voici ce qu’on appelle simplement de la « pure statistique », un assemblage de chiffres qui permet juste à nos gouvernants de s’enorgueillir (je pèse mon mot), de présenter un tableau reluisant aux institutions de Breton Wood et, par ricochet, leur tendre encore la sébile nationale pour alourdir nos dettes. Je suis poétique donc loin de la statistique mais je m’aventure quand même sur un terrain inconnu. Je ferai donc l’économie des aspects techniques (les technocrates de l’économie et de la statistique pourront s’y pencher) pour extérioriser, le ressenti de la majorité des citoyens burkinabè.

Comment a-t-on mesuré cette augmentation ? Et quel est le rapport entre cette augmentation et le fardeau du vécu des populations qui recherchent encore et toujours LA SOLUTION promise depuis les ombres furtives des « orangers ? » Quel est son impact sur les populations laborieuses du pays des Hommes intègres ?

Est-ce qu’on ressent cette augmentation dans le panier de la ménagère et dans l’assiette familiale ? Autrement, est-ce que ces chiffres permettent de refouler la galère ambiante et stagnante des « gàan-be-laafi-ramba » par ailleurs citoyens lambdas et fils du pauvre ? Quel est le rapport entre ce pouvoir d’achat et la cherté de la vie ? En commerce, l’on parlement de rapport qualité/prix.

Monsieur le chef du Gouvernement, bien à votre aise que vous arborez ces chiffres avec fierté, sur le tableau sombre de notre économie en ralenti où les affaires ne marchent plus et l’industrialisation absente pour transformer ce que nous produisons, pour défendre votre mandat à la croisée des revendications tout azimut mais, qu’il me soit aussi permis, non sans fouler les règles de la bienséance et solliciter de votre haute bienveillance la possibilité de pouvoir rectifier le tir. En dépit de tout ce protocole, je suis quand même du plateau central et non des bas fonds du Sourou. (Parenté à plaisanterie oblige !) En sus, je ne boxe pas en dessous de la ceinture et j’espère que mon propos n’est pas de bas niveau. (Rires). Burkina is back… Allons vite et bien.

Voyez-vous distingué ministre, vivons-nous dans le même pays ? Ou, comme Tanga nord qui contraste avec Tanga sud dans Ville cruelle de l’écrivain camerounais Alexandre Biyidi Awala alias Eza Boto/Mongo Beti, notre Burkina Faso est-il divisé en Faso des « tinga-ramba »  ou les puissants et en Burkina des « gàan-be-laafi-ramba » ou les lambdas ? La tentative de répondre par l’évidence est plus plausible puisqu’il faut se garder de « misérabiliser » les uns devant les autres qui pataugent déjà dans la misère. ( confère l’actualité politique du moment.

Communication politique et imputabilité : ça craint). En tant qu’enseignant, je comprends l’idée ou la pensée qui se cachent derrière ces sorties médiatiques mais dans notre jargon, le stylo rouge coulera en ces termes : maladroit, mal dit, mal exprimé… Car cette augmentation en chiffres contraste avec la réalité. Et pour cause, cette pseudo augmentation du pouvoir d’achat des Burkinabè dans le contexte actuel marqué par la conjoncture et les terreurs au niveau des frontières et à l’intérieur du pays n’est pas synonyme de développement durable et de progrès social.

Monsieur le Premier Ministre, cette augmentation du pouvoir d’achat permet-elle à la majorité des populations de vivre décemment ? Permet-elle aux habitants des villes et des campagnes de se loger, de se nourrir, de se soigner et de s’éduquer convenablement ? Permet-elle aux fils de Goama et aux ménages de scolariser leurs enfants qui n’ont plus droit aux établissements publics dans les grandes villes et que des parents, déboussolés et assez pauvres, sont contraints de caser ces rejetons de la terre, rejetés par un système politique inique, dans certains privés dont le seul leitmotiv est de sucer les parents et de « clochardiser » des vacataires qui n’ont que galère comme récompense et des élèves qui peinent à bénéficier d’une bonne instruction ?

Je voudrais donc, si vous me le permettez, de parler au nom de toutes ces laborieuses populations qui portent le combat de la vie pour leur subsistance quotidienne dans les champs, dans les jardins, dans le secteur informel, dans le privé et ce, sans attendre l’apport des chiffres furent-ils ceux d’une quelconque augmentation de leur pouvoir d’achat, mais qui se sentent de plus en plus marginalisées, exploitées ou encore mal accompagnées. Leurs « grognements » sont à prendre au sérieux car « le tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sut sa proie, la tue et la mange. » (Wole SOYINKA). Plus près de nous, l’insurrection populaire nous a montré que pousser dans leurs derniers retranchements, les laisser pour compte sont capables de tout : ils demeurent des INSOUMIS. Ici le pouvoir d’achat devient le devoir de révolte et le droit à la survie. So, pay attention !

Je voudrais aussi m’appesantir sur ces fonctionnaires des campagnes qui manquent souvent du strict minimum pour accomplir la mission a eux confiée par le Gouvernement mais qui restent confinés dans ces zones reculées sans eau courante, sans banque, sans électricité, sans route et qui servent juste leur pays loin des discours pompeux. Que dire de leurs collègues des villes englués dans toute sorte de locations aux prix exorbitants (logements, dettes en banques, etc) et qui n’osent pas dévoiler leur pouvoir d’achat. Le pouvoir d’achat de beaucoup d’entre eux est la frustration dont des discours politiques mal élaborés viennent exacerber. Il est impératif d’agir davantage sans discourir.

Je voudrais encore parler au nom de tous ces jeunes que le système a vomis et les a contraints à végéter dans les geôles du chômage aussi cuisant que le soleil d’avril, cette fournaise juvénile dont les flammes incandescentes brûlent des étudiants désemparés, mal formés que notre système éducatif prend le soin de concevoir dans les amphithéâtres vétustes des universités publiques pour enfin les jeter en pâture dans le monde obscur de l’emploi. Jeunesse sans repère… Les vices la récupèrent… Et la bière la libère… Le pouvoir d’achat de ces cerveaux « traumatisés » reste le cycle du perpétuel embourbement. Ya kanga ! C’est dur et même très dur…

Je voudrais enfin parler de cette pseudo-augmentation du pouvoir d’achat des Burkinabè qui ne leur permet même pas d’accéder au droit à la santé, à l’alimentation saine et régulière, à l’eau, à la scolarisation, au logement décent, tout simplement au droit à la vie. Les chiffres présentés plus haut restent un baromètre théorique loin de la réalité burkinabè.

Le pire dans notre contexte est que l’avoir précède l’être. L’argent est devenu le thermomètre d’une vie gagnée et le baromètre d’une évaluation/évolution sociale. Voici pourquoi chacun cherche son PNDES (Plan National de Développement Economique et Social, mais lire ici au second degré). Du coup, il nous est difficile d’opérer de véritables changements structurels pour atteindre l’émergence et le développement durable.  Or, il est impérieux de revoir et d’améliorer notre contrat social. C’est bien d’annoncer des chiffres mais c’est encore mieux de les interroger et de les analyser.

Emile LALSAGA

Ecrivain/Poète

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