Fidèle Kientéga, ancien conseiller de Thomas Sankara : « j’ai Thomas Sankara dans la peau à vie».

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L’homme est responsable aux relations extérieures de l’UNIR-PS, Directeur de cabinet du chef de file de l’opposition politique (CFOP),  ancien conseiller du Président Thomas Sankara et actuellement député à l’Assemblée nationale. L’occasion faisant le larron, nous sommes allés à sa rencontre ce vendredi 14 Octobre pour nous entretenir avec lui autour de la commémoration du 15 octobre, marquant les 24 ans de la mort du Président Thomas Sankara. Lisez plutôt, ça vaut le détour. 

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Fidèle Kientéga, ancien conseiller de feu Président Thomas Sankara. Ph. B24
Fidèle Kientéga, ancien conseiller de feu Président Thomas Sankara. Ph. B24

B24 :  Bonjour Honorable Kientéga. Quel rôle avez-vous joué auprès du Président Sankara pendant la période révolutionnaire ?

Fidèle Kientéga (FK) : Merci. J’ai été de façon officielle son conseiller durant la révolution et c’était avec ferveur que j’ai travaillé à ses côtés. En ce moment-là, vu mon âge, je pense que c’était plus lui qui me conseillait. Mais, j’essayais de donner le meilleur de moi-même, voyant que l’homme donnait aussi le meilleur de lui-même ; un homme qui dit ce qu’il a fait et qui a fait ce qu’il a dit. Ça c’était très déterminant pour moi, de donner le meilleur de moi-même sans calcul, sans a priori, sans arrière-pensées, sans me soucier du salaire.

Il faut se dire qu’il y a un divorce fondamental et total avec la mentalité d’aujourd’hui, qui est « le tout bénéfice » et celle d’avant, liée au sacerdoce total. Avec ça, l’on s’étonne que la morale agonise au Burkina Faso de nos jours.

B24 :  Etes-vous un survivant du 15 octobre 1987 ?

 

Fidèle Kientéga (FK) : Je peux dire que j’ai été un survivant du 15 octobre 1987, parce qu’il faut le redire, beaucoup de gens proches de moi qui ont appris que Thomas a été massacré avec ses collaborateurs, ont tout de suite pensé que j’y étais. Et mieux, quand certains se sont rendus  au cimetière, avec la bousculade, ne pouvant pas s’approcher pour bien lire, quand ils ont vu le nom du regretté Kiemdé Frédérique (paix à son âme), ils sont partis en pleurs, à cause de la ressemblance de nos initiales. Mais comme on dit en mooré, « quand Dieu ne tue pas, le chef ne tue pas ».

Ce n’était pas encore mon jour, et quelque part, je pense que Thomas, là où il se trouve, est aussi un peu soulagé qu’il y aient des gens qui essaient de faire témoignage de ce qu’ils ont vécu avec lui, de qui il a été.

B24 : Quelle originalité apportez-vous à cette commémoration 15 octobre 2011 ?

F.K : D’abord, c’est un jour de souvenir, c’est un jour de réflexion aussi. Ensemble, avec les autres, nous allons mener la réflexion pour savoir : ce que nous avons fait jusque-là et ce que nous pouvons faire à partir de là. La touche particulière c’est que cette année, (et les évènements nous y forcent) il y a eu la fameuse profanation de la tombe de Thomas Sankara. Tombe d’ailleurs qui n’a pas été réparée puisqu’il y a encore, les actes, les traces visibles du vandalisme qui a été opéré sur la Tombe.

Nous allons donc commémorer les 24 ans en l’état. Même si on nous dit que c’est un fou qui est allé choisir cette tombe et pas une autre, c’est quand même quelque chose d’assez important et chacun de ceux qui viendront sera témoin de cet acte de vandalisme. Une fois de plus, nous avons suivi que le gouvernement et la mairie ont cherché à protéger et à reconstruire la tombe, pendant que la famille demande à ce qu’il y ait des expertises génétiques qui soient faites pour qu’on s’assure pour une fois que c’est effectivement Thomas qui repose dessous, en bas de ce tertre. Je pense que cette commémoration se tient dans des conditions particulières cette année.

B24 : Comment avez-vous apprécié la procédure judiciaire enclenchée à cet égard ?

 F.K : Par rapport à la profanation,  nous notons simplement que quelques semaines ont suffi pour mettre la main sur le profanateur, 24 ans n’ont pas suffi pour trouver l’assassin. Je pense que le lièvre doit s’en prendre plus à son tueur qu’à son mangeur. Cela nous fait dire tout de suite que nous ne sommes pas sûrs que ce dossier trouve satisfaction. Par conséquent, nous sommes tout à fait indifférents vis-à-vis du dossier enclenché contre ce   profanateur, d’autant plus qu’on nous dit que c’est un fou. Pour le peu de droit que je sais, le fou n’est pas responsable de ses actes. Même s’il vous tue, on dira qu’il est fou. Que peut-on faire contre lui. Au pire on le mettra dans un asile et c’est tout.

 

B24 :  Le « vieux Jo », pour parler de Joseph Ouédraogo président de L’UPS-MPS, vient de faire défection. Qu’est-ce que vous en dites ?

 Rien du tout. Il a dit qu’il ne participera pas à la commémoration et il assume son choix, il poursuit son combat s’il est vraiment sankariste et nous nous pensons qu’il a ses raisons de décider ainsi.

 B24 : Thomas Sankara a été assassiné en 1987. 24 années après,  Ne trouvez-vous pas lassant ne continuer à pleurer sa mort? N’est-ce pas pesant de continuer à crier justice face à un mur juridique au plan national et international ?

F.K : Non ! Il faut faire référence à l’histoire. Nous ne pleurons pas la mort de Thomas Sankara. Le 16 Octobre, quand j’ai appris sa mort, je n’ai pas pleuré. Parce que Thomas Sankara est un homme qu’on ne pleure pas. On pleure les morts anonymes, ceux qui meurent et qu’on oublie. On ne pleure pas Thomas Sankara parce qu’il n’est pas mort. Les révolutionnaires ne meurent pas. Ils s’en vont un moment, ils laisent les autres poursuivre leur œuvre et ils survivent dans la flamme. Parce qu’il faut reconnaitre que ce régime a tout fait pour faire oublier la mémoire de Thomas, pour la salir, mais elle régénère, repousse, dans la mémoire de tous ceux qui ne l’on même pas connu. C’est une vengeance de l’histoire sur Thomas Sankara.

Je profite pour dire une fois de plus que nous ne sommes pas des revenchards. Thomas Sankara est un homme qu’on ne venge pas. L’histoire l’a vengé. Les pays l’on vengé. Les rues qui portent son nom au Ghana, un peu partout représentent une vengeance. Il aurait pu ne pas se laisser tuer. Aujourd’hui, que des gens qui se réclament de sa mémoire veuillent le venger, c’est comme s’ils ne connaissaient pas Thomas Sankara.

Du reste, on ne construit pas une nation avec les sentiments de vengeance. Si nous le faisons, nous le faisons pour satisfaire un égo, mais nous ne pouvons pas espérer construire notre Burkina Faso dans la paix, dans la quiétude, dans la concorde en voulant le venger. La haine engendre la haine, la mort engendre la mort, la violence engendre la violence. Ce n’est pas de cette vengeance qu’il s’agit. C’est la vengeance par rapport à la réalisation de ce pour quoi il s’est battu, de ce pour quoi il est mort. L’affaire Dreyfus en France date de plus d’une centaine d’année. L’affaire Ben Barka au Maroc date de plus de 40 ans. Mais aujourd’hui, elles refont surface, parce que justement les nations ont besoin de ça pour se réconcilier avec elles-mêmes et par conséquent, il ne faut pas tomber dans le piège de ceux qui disent qu’il est ringard de continuer à parler de Thomas Sankara.

B24 :  Nous sommes aujourd’hui  en démocratie. Les idéaux sankaristes ne sont-ils pas  caduques de nos jours ?

F.K : Non ! bien au contraire. Parce que tous ceux qui se retrouvent dans les valeurs de travail, de probité morale et intellectuelle, de courage, d’amour pour leur peuple, des idéaux panafricanistes, parce que morcelés, balkanisés, tels que nous sommes dans l’optique du colonisateur qui a divisé pour mieux régner, dans l’optique de Lumumba, de Kwamé N’Krumah de Thomas Sankara et de Nasser, pensent que le sankarisme est plus que jamais nécessaire, plus que jamais d’actualité. Le Sankarisme est même la solution face à cette crise que nous venons de connaître ; crise terrible et inédite dans notre pays. Il n’y en a jamais eu autant. Que des gens, même ceux qui protègent le Chef de l’Etat dans son sommeil, se livrent à des actes de vandalisme, pillages, viols, etc, tout cela veut dire que l’Etat n’a plus de protecteurs. Toute la politique pendant 24 ans que Blaise Compaoré a essayé d’incarner, de faiseur de paix, pendant qu’il a délaissé son pays, trouve un mur en face aujourd’hui. Nous pensons que, en démocratie, mieux que partout ailleurs, on a besoin de justice sociale, de solidarité, de partage, d’équilibre. Les idéaux de Thomas sankara sont à la disposition des gens pour que nous nous remettions au travail, pour que nous croyions en nous-mêmes.

Jamais le sankarisme ne sera désuet, au contraire,  il est plus que jamais d’actualité.

B24 :  Peut-on dire que vous avez Thomas Sankara dans la peau à vie ?

 F.K : Oui. Je peux le dire. On peut dire que Thomas Sankara, je l’ai dans la peau à vie. Non pas que l’homme n’avait pas de défaut, non pas que l’homme n’avait pas d’erreurs, mais que l’homme avait ceci de particulier : le fait d’être un homme de parole, un homme de conviction, un homme qui aime son peuple. Mais retenons que partout où il y a grandeur, l’erreur quand elle est là, elle est grande. Les grands font de grandes erreurs, les petits font de petites erreurs et elles ne sont pas visibles. Thomas Sankara était le premier à se poser des questions sur le bilan de la Révolution. De ce point de vue, je suis fier d’avoir Thomas Sankara dans la peau. Je ne suis pas un nostalgique de la révolution, j’aime la vie, j’aime l’évolution, j’aime les évolutions qu’elle donne aujourd’hui et si on devait appliquer le sankarisme aujourd’hui, nous l’appliquerions avec un certain nombre de réformes, de remise à niveau, etc. Plein de choses ne peuvent pas être faites telles qu’elles l’ont été il y a 24 ans. La chute du mur de Berlin et la remise en cause de certains idéaux, sont des paramètres à prendre en compte aujourd’hui.

Entrevue réalisée par Thierry Nabyouré pour Burkina24

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Un commentaire

  1. bien dit mon frere, thomas c’est mon idole ?galement. un homme qi aimait son peuple, qi dit c qil fait e fait c qil dit. il st rare ds c monde actuellement. ThomSank repose en paix

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