Barrage de Ziga : Zoom sur cette trouvaille naturelle de l’ONEA pour purifier l’eau brute
Le barrage de Ziga est la principale source de desserte en eau de consommation de la ville de Ouagadougou et ses environs. Mis en service en mai 2000, ce lac artificiel d’une capacité de 208 millions de m3 d’eau est construit sur le fleuve Nakambé, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale burkinabè. Comme toutes les eaux produites au Burkina par l’ONEA, les eaux du barrage de Ziga subissent un traitement physico-chimique afin de les rendre potables et conformes aux normes (recommandations de l’OMS) en vigueur. Mais mieux encore, l’Office National de l’eau et de l’Assainissement (ONEA) en quête permanente d’une eau de qualité a développé depuis 2010 des solutions alternatives à l’utilisation abusive des produits chimiques dans le traitement de l’eau. Il s’agit du traitement biologique de l’eau brute à l’aide de poissons planctophages et du charbon de bois. Dans ce reportage, nous vous amenons au laboratoire de Surveillance Environnementale et Sociale de l’ONEA, là où ce traitement biologique est implémenté.
Étendu sur environ 45 km de long pour un périmètre de 187 km, le barrage de Ziga est l’un des retenus d’eau les plus importants du Burkina. Bien que n’étant pas un barrage à vocation agricole, quelques riverains ne s’empêchent de pratiquer le maraîchage sur les berges de cette retenue d’eau.
Pour protéger leurs cultures des nuisibles, ces maraîchers emploient des pesticides de synthèse et des fertilisants, qui, une fois drainés dans l’eau, polluent cette dernière rendant son traitement plus difficile et plus onéreux.
Aux côtés de ces substances chimiques, il existe d’autres polluants naturels : les algues. Ces végétaux aquatiques causés par les déjections animales et les engrais chimiques, produisent des toxines qui donnent à l’eau des odeurs de pourriture ainsi que des flaveurs de moisissure mettant en danger la caractéristique potable de l’eau. Ces plantes sont à l’origine des poisons tels les dermato toxines, les hépato toxines et les neurotoxines qui nuisent à l’organisme humain.
A l’Office National de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA), la règle est bien connue : pour avoir une eau de bonne qualité à la sortie, il faut nécessairement avoir une eau brute de qualité à la prise. Autrement dit, c’est la qualité de l’eau brute qui détermine la qualité de l’eau qui sortira du robinet.
Dès lors, la nationale des eaux a opté d’implanter un laboratoire juste à quelques jets de pierres du barrage de Ziga et dont la mission est de surveiller la qualité de l’eau brute qui y est recueillie et refoulée à la station de pompage où le traitement chimique s’effectue outre.
Dénommé Laboratoire de Surveillance Environnementale et Sociale (LSEO), ce laboratoire a pour mission de contrôler la qualité des eaux brutes (eaux de surfaces et souterraines) et d’éliminer en amont les cyanobactéries (algues) capables de libérer leurs toxines dans l’eau.
« Nous sommes l’œil de l’ONEA pour surveiller la qualité de l’eau… »
Jeudi 17 février 2022, il est 10h lorsque nous traversons le seuil du Laboratoire de Surveillance Environnementale et Sociale. Nous sommes accueillis par le chef du laboratoire, Hilaire T. Gnoumou et son équipe qui étaient déjà à pied d’œuvre.
L’œil braqué sur l’œillère d’un microscope et l’index déroulant la souris d’un ordinateur, Alidou Konkisré (agent au LSEO) scrute une gouttelette d’eau prélever dans le barrage de Ziga. Les images sont agrandies dans des écrans d’ordinateur. Objectif, contrôler la turbidité de l’eau et le niveau de concentration des algues. Pour cet agent, c’est le train-train quotidien…
« Au niveau des eaux de surfaces, nous faisons la mesure de la qualité physico-chimique et la mesure des valeurs biologiques. Au niveau de la surveillance biologique, nous surveillons l’évolution des algues au niveau des eaux de surfaces et des œufs d’helminthes », explique d’entrée le chef du Laboratoire de surveillance environnementale et sociale et d’ajouter, « nous sommes l’œil de l’ONEA pour surveiller la qualité de l’eau…».
Pour ce travail, l’ONEA n’a pas lésiner sur les moyens. Ce laboratoire, aux dires de Monsieur Gnoumou, est doté d’un matériel de haute technologie, le hissant parmi les meilleurs laboratoires de la sous-région. « Le LSEO est doté d’un équipement de haute technologique capable de quantifier la toxine algale qui est un paramètre qu’il faut prendre en compte dans la qualité de l’eau », nous confie cet ingénieur environnemental.
Vidéo: Focus sur le Laboratoire de Surveillance environnementale et sociale
Du barrage de Moussodougou (régions des Cascades) à celui de la Kompienga (Est) en passant par Yakouta (Sahel) ou le fleuve Mouhoun, toutes les eaux de surfaces et souterraines exploitées par l’ONEA, atterrissent dans ce laboratoire où elles sont analysées.
Ce contrôle permet aux techniciens de suivre l’évolution de la qualité des eaux et notamment la prolifération des algues. En effet, selon le chef du LSEO, une fois que les toxines des algues rentrent dans le système classique de traitement de l’ONEA, elles sont très difficiles et très coûteuses à être éliminées, d’où la nécessité de les éliminer en amont.
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Pour venir donc à bout de ces algues sur le barrage, le Laboratoire de Surveillance Environnementale et Sociale expérimente depuis quelques années un traitement biologique. Ce traitement biologique consiste à introduire dans les eaux du barrage, des poissons planctophages constitués de tilapias et de silures.
« Les études ont montré que ces poissons consomment les algues qui produisent des toxines. Ce que nous ne voulons pas comme algue au niveau du barrage de Ziga, ces poissons consomment et digèrent ces algues sans problèmes », explique Alidou Konkisré, agent au Laboratoire de surveillance environnementale et sociale. De là est venue l’idée de multiplier ces poissons dans des bassins et de les relâcher dans le barrage pour qu’ils contribuent à sa purification.
Pour ce faire, le laboratoire dispose de bassins de reproduction. Sur une bonne partie du périmètre du laboratoire, sont construits des bassins où on élève des géniteurs. Des explications de l’équipe affectée à l’élevage de ces poissons, au fur et à mesure que les géniteurs se reproduisent, les alevins sont recueillis et élevés dans des bassins réserves. Lorsqu’ils atteignent 30 grammes, ils sont conditionnés et transférés dans le barrage où les algues constitueront leur source d’alimentation.
Pour éviter que ces poissons ne se retrouvent immédiatement dans les filets des pêcheurs et ensuite dans les assiettes des consommateurs, la pêche y est interdite à moins d’un kilomètre de la digue. C’est au bout de 3 ans que les populations sont autorisées à pêcher ces poissons (non toxiques pour l’homme). Cela permet aux jeunes poissons de grandir, de se reproduire et de débarrasser l’eau des cyanobactéries.
Dans un autre bassin, ce sont des silures qui y sont élevés. Mais la particularité de ce type de poisson est qu’il ne se reproduit pas comme les autres poissons. « Les silures ont besoin d’une période de cru pour se reproduire. Le bassin n’étant pas adapté à leur façon de reproduction, un dispositif de reproduction est donc mis en place pour faire l’insémination artificielle », nous confie Jeanne D’Arc Ouédraogo, agent au LSEO.
Les silures eux, sont utilisés pour combattre le sulfure d’hydrogène qui se forme dans les profondeurs des eaux et qui est nuisible à la santé de l’homme.
Vidéo: Voici comment le charbon de bois peut contribuer à purifier l’eau brute
A Ziga, il n’y a pas que seulement les poissons planctophages qui sont utilisés pour dépolluer l’eau brute. Les techniciens emploient aussi un autre type de traitement biologique à partir du charbon de bois. Au niveau de la prise où l’eau est captée et refoulée à la station de pompage, un barrage flottant (dispositif pour délimiter une certaine superficie d’eau) est déployé.
Ce barrage flottant bloque les matières en suspension. Puis, on installe un système de siphonnage à base de charbon de bois dont le rôle est de dépolluer l’eau à la prise. Ce système a l’avantage d’aspirer certains polluants (métaux traces) et de diminuer les odeurs. Cette méthode s’est avérée efficace selon les techniciens du LSEO.
En 2017, se rappelle Gérard Tiendrébéogo (agent au LSEO), les consommateurs se sont plaints des odeurs de l’eau du barrage de Ziga. « Ces odeurs causées par des algues ont été résolues à l’aide du charbon de bois », confie-t-il.
Comme on a pu le constater, le traitement biologique présente plusieurs avantages. En éliminant l’eau brute des cyanobactéries, le traitement biologique permet de réduire la quantité des produits chimiques utilisés lors du traitement chimique.
Ceci permet à l’ONEA de réduire le coût de production de l’eau et mieux encore, d’améliorer la qualité de l’eau qui contiendra in fine moins de produits chimiques. Avec cette alternative biologique, la nationale des eaux peut s’en enorgueillir d’offrir à ses abonnés une eau potable contenant moins de produits chimiques pour le bonheur de ces derniers.
Maxime KABORE
Burkina 24
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Très bel reportage de Burkina 24 et du journaliste Maxime KABORE que le traitement de l’eau par l’ONEA et surtout de manière naturelle. Bonjour à toute l’équipe pour son professionnalisme