Gambie-Sénégal: les relations se dégradent.
Ce jeudi 30 Août une manifestation organisée par la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) a réuni une cinquantaine de Sénégalais devant les locaux de l’ambassade gambienne à Dakar. Parmi les manifestants on retrouvait outre Alioune Tine, l’emblématique président de la RADDHO, le porte parole adjoint du parti socialiste (membre de la coalition au pouvoir) venus exprimer leur indignation face aux éxécutions qui ont eu lieu en Gambie le 26 Août dernier, dont celle de deux ressortissants Sénégalais.
Lorsque Yaya Jammeh avait annoncé sa décision, ce fut d’abord des appels conciliants qui ont été émis depuis Dakar pour épargner au moins les trois ressortissants de la terre de la téranga qui attendaient dans les couloirs de la mort. Mais tout est passé très vite à un niveau supérieur de tension depuis le 26 Août où les autorités gambiennes sont passées outre les demandes sénégalaises en arguant notamment que << La Gambie est un Etat souverain comme d’autres Etats souverains qui ont inscrit dans leur arsenal juridique la peine de mort. Il a par conséquent le droit d’appliquer ses lois nationales>> .
Depuis, c’est l’incident diplomatique. On se souviendra d’ailleurs que, rentré d’un voyage, le président Macky Sall a haussé le ton après l’exécution de ses deux compatriotes et menacé d’expulser l’ambassadeur Gambien. Il déclarait en effet: << J’ai demandé au Premier ministre de convoquer l’Ambassadeur de Gambie et de lui notifier la position de l’Etat du Sénégal. Demain s’il ne vient pas à l’heure, il devra quitter le Sénégal>>.
Dans l’opinion sénégalaise c’était également la consternation et l’indignation; certains intellectuels sont allés jusqu’à demander que le président Gambien soit traduit devant la CPI.
Cette manifestation vient donc en appoint à cet élan de protestation et marque dès lors le retour aux relations difficiles entre les deux voisins qui, faut-il le rappeler, ont toujours eu des difficultés à entretenir des relations sans brouillard; situation ayant élue pignon sur rue pendant la décennie écoulée où le président Wade n’a pas su jouer l’apaisement.
La Casamance en terrain de jeu.
Cet incident n’est que la partie visible de l’iceberg qui sous-tend les relations tumultueuses entre les deux pays voisins dont l’essentiel de la confrontation se déroule sur le dossier Casamancais.
Cette partie du Sénégal échappe au contrôle de l’Etat sénégalais depuis de nombreuses années du fait d’une rebellion qui ne demande rien de moins que la secession d’avec le Sénégal. La Gambie est considérée par le Sénégal comme la base arrière de cette rebellion dont elle n’arrive pas à venir à bout.
En effet, la population casamancaise ayant des liens historiques avec celles de la Gambie, les rebelles ont toujours pu y trouver refuge et depuis que Abdou Diouf était au pouvoir, le président Jammeh avait joué un rôle dans les négociations ouvertes par le pouvoir sénégalais envers les rebelles, négociations qui s’étaient soldées par un accord, lequel accord n’a jamais été mis en oeuvre car peu après l’accord, le président Diouf laisse la place au président Wade qui lui avait une autre approche de la question.
C’est sous le régime de Wade que les relations vont se tendre véritablement, car le président Jammeh considéré par Wade comme le président d’un petit pays est écarté du dossier et Wade décide de ne pas mettre en oeuvre les accords conclus avec Abdou Diouf. Les violences reprennent alors en casamance et Wade y voit la main de Yaya Jammeh.
Lorsque Wade après avoir épuisé tous les autres moyens de recours, fini par revenir vers le président Gambien afin qu’il intervienne, ce dernier demande en contre partie l’expulsion du territoire Sénégalais de dissidents Gambiens y résidant, ce que refuse le président Wade.
Ce double affront pour Yaya Jammeh va laisser des traces entre les deux hommes et au-dela, entre les deux pays.
Arrivé au pouvoir, le président Macky Sall veut renouer avec la Gambie afin de trouver une issue au conflit en Casamance et, sa première visite de Chef d’Etat est alors réservée à Yaya Jammeh qui accepte de peser de tout son poids afin de permettre une issue à la crise.
Mais une telle promesse doit être prise avec des pincettes car il faut le dire, si la Gambie tire son épingle du jeu face à son puissant et seul voisin, c’est bien parce qu’elle tient les leviers de la crise en Casamance.
Youssouf Bâ
Correspondant de Burkina 24 à Dakar
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