Bemahoun Honko Roger Judicaël analyse le discours du Président du Faso

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Dans cette tribune, Bemahoun Honko Roger Judicaël, statisticien-économiste et chercheur en science politique, fait son analyse du discours du Président du Faso, Michel Kafando, sur la situation nationale.

Une semaine après son adresse à la nation, le président de la Transition Michel KAFANDO s’est de nouveau prononcé sur la situation de la nation le 17 juillet 2015. Quelle lecture suggère ce discours ?

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Dans son discours du 10 juillet 2015, le président KAFANDO a   à demi-mots appelé au secours : « Une chose est claire. Etant le garant de l’unité nationale, j’aurai tout fait pour que la paix soit préservée dans notre pays. » Aussi, cet aveu d’impuissance s’illustre-t-il lorsqu’il souhaite conduire à terme la   Transition dans la « tranquillité et sérénité ».

Pour ce discours du 17 juillet 2015, le Chef de l’Etat a préféré le langage direct au lieu des formules embrouillées en désignant les auteurs de la crise. « Je le dis tout net, il n’est pas juste que pour des intérêts divergents, notre Armée nationale dont c’est la mission de protéger la paix au Burkina Faso, en vienne à être le perturbateur de la paix au Burkina Faso. », affirme-t-il. Par ailleurs, il sonne la fin de la récréation en   tranchant sur le sort de son Premier Ministre : « J’ai décidé de maintenir le Premier Ministre en poste ».   C’est un courage politique qu’il faut apprécier à sa juste valeur.

Toutefois, il lâche du lest en affaiblissant son Premier Ministre en lui retirant le ministère de la défense. Le débarquement de Denise Auguste BARRY du ministère de l’administration territoriale de la décentralisation et de la sécurité (MATDS), isole davantage Yacouba Isaac ZIDA. Devrons-nous comprendre que le fameux complot qui est à l’origine de la crise est une machination de ZIDA et de son « bras droit » BARRY ?

Ou devrons-nous comprendre que c’est un compromis pour contenter le RSP ? L’autre question subsidiaire est de savoir quel est le pacte de non perturbation de la Transition qu’il a signé avec l’armée et particulièrement le RSP ? D’autant qu’il affirme : « Nous venons de dénouer ainsi la crise la plus longue et la plus grave de notre histoire ». A l’en croire, la longue et grave crise pour reprendre ses mots est derrière nous. Trois hypothèses sont plausibles pour justifier cette certitude.

Hypothèse 1 : L’élection présidentielle du 11 octobre 2015 sera inclusive et équitable.

Hypothèse 2 : La hiérarchie du RSP ne sera pas inquiétée par la justice burkinabè.

Hypothèse 3 : Le statu quo sur le RSP sera maintenu.

La première hypothèse semble la plus plausible. Le président a dit que le Burkina Faso se conformera au verdict de la Cour de la Justice de la CEDEAO. Toute chose qui peut rassurer l’aile politique du RSP. Aussi, le débarquement de Denise Auguste BARRY du MATDS dont la neutralité par rapport à l’organisation des élections était sujette à caution renforce l’idée de l’organisation équitable de l’élection.

Au sujet de l’Armée nationale, le président KAFANDO dit que celle-ci est l’otage «  d’intérêts divergents ». C’est pourquoi, il convient de parler plutôt des armées nationales. Une armée dont les composantes perturbent la paix sur l’autel de leurs intérêts égoïstes, n’en est pas une. En affirmant que cette armée est le « perturbateur de la paix », Michel KAFANDO ne court-t-il pas le risque de fragiliser davantage le moral de la troupe, lequel serait déjà entamé avec cette affaire de complot sur le Premier ministre selon la hiérarchie du RSP ? Le Chef suprême des armées Michel KAFANDO a touché là où ça doit faire mal  en temps normal : l’honneur militaire.

Que reste-t-il d’une armée dont le comportement est qualifié d’antithèse de sa mission principale ? Cette thérapie de choc qui a consisté à titiller l’armée (« perturbateur de la paix ») pourra-t-elle aplanir les   dissensions actuelles au sein de l’Armée nationale. Rien n’est sûr ! L’histoire récente de cette armée indique que l’honneur a foutu le camp au sein des casernes.

Qui ne se rappelle pas de la mutinerie de 2011 avec son lot de désolation (pillages, viols, etc.) ? Si l’histoire instruisait, on n’aurait pas assisté à ces irruptions récentes des éléments du RSP dans des médias. L’argument selon lequel celles-ci furent l’œuvre d’éléments incontrôlés est symptomatique d’une absence de commandement au sein de l’armée. Du reste, c’est le sens à donner au fait que le président gère désormais le ministère de la défense.

C’est pourquoi la lutte de clan au sein du RSP d’une part,   la froideur entre le RSP et l’armée régulière désarmée d’autre part, doivent être définitivement résolues afin que le Burkina Faso se dote d’une armée républicaine. En attendant que la commission de la réconciliation et des reformes  livre ses conclusions, gageons avec le président que les décisions qu’il a prises, contribueront à régler de façon définitive cette situation.

Toutefois, il faut noter dans cette recherche de solution, la naissance d’autres problèmes.

Le président KAFANDO s’arroge le maximum de pouvoir. Les portefeuilles de la défense et de la sécurité lui échoient. Ce qui le rend un président  hyperpuissant. Historiquement, c’est une première depuis l’ouverture démocratique. C’est aussi, la preuve que l’armée est une des plaies de la démocratie burkinabè.

Bref, s’il y a un reproche que l’on pouvait faire au président KAFANDO c’est le fait de n’avoir pas suffisamment montré qu’il était le commandant à bord du navire Transition, le Prince. Il a fallu attendre le premier « mouvement d’humeur » de la soldatesque du régiment de sécurité présidentielle (RSP) le 30 décembre 2014 et, surtout, celui du 04 février 2015, pour qu’il prenne publiquement le dessus sur son Premier ministre Yacouba Isaac ZIDA. En effet, ce dernier lui avait fait ombrage, au point qu’on croirait qu’il ne jouait  qu’un rôle honorifique comme dans un régime parlementaire.

Sauf qu’ici, le président semblait douter de sa légitimité, laquelle lui confère de facto de l’autorité et partant, l’incarnation de l’unité nationale. Ce sentiment « d’illégitimité » s’expliquerait probablement par son aversion à cette façon de prendre le pouvoir : la conquête du pouvoir par des moyens « violents » n’est pas dans son lexique politique. N’est-ce pas pour cette raison que d’aucuns le qualifie d’anti-révolution, un réactionnaire (dans son acception idéologique). Qu’à cela ne tienne.

Il vient de prouver qu’on ne défend pas les acquis d’une insurrection populaire avec légèreté, sans fermeté, surtout dans un contexte d’une contre-insurrection ourdi par les partisans du pouvoir déchu.

A force de vouloir ménager la chèvre et le chou dans une ambiance où les citoyens n’entendent que «  plus rien ne soit comme avant », la probabilité de se faire hara-kiri est grande. La récente crise en est l’illustration.

Au terme de cette lecture, le président KAFANDO vient d’indiquer que la bataille est gagnée et non la guerre. L’enracinement de la démocratie et l’Etat de droit passe par la refondation des armées nationales. Sur les cendres de celles-ci renaitra une Armée nationale respectueuse et protectrice des institutions. Pour ce faire, la contribution des dignes fils est souhaitée.

BEMAHOUN Honko Roger Judicaël


NDLR : Le titre est de la Rédaction B24

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