Lettre ouverte à Simon Compaoré: Appel à ne pas condamner doublement les élèves!

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Ceci est une déclaration du Journaliste Adama Bayala, par ailleurs écrivain, qui interpelle le ministre en charge de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré, décidé à appliquer  la loi dans sa rigueur pour punir les élèves et étudiants qui se seraient rendus coupables d’actes de destruction  de biens publics et privés. Il prévient sur les risques de ce développement   et propose, entre autre, la construction de centres de redressement pour adolescents en vue de  les discipliner.  Lisez plutôt!

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Monsieur le ministre,

C’est avec joie que j’ai accueilli votre engagement à lutter  contre l’incivisme. Il y a bien longtemps qu’on attendait ça.

Je ne peux que vous encourager et vous exhorter à poursuivre sans faille, sans relâche.

Après les malheureux évènements de Gounghin (Koupèla), vous aviez dit et je cite : « Il ne faut pas que d’autres exemples viennent rajouter déjà à ce que nous connaissons aujourd’hui ».  Mieux, vous ajoutiez:  » On va arrêter cela ».  Je ne savais pas trop comment, mais vous avez été on ne peut plus clair: « des sanctions doivent tomber ». Et le conseil des ministres du 18 mai dernier est venu vous conforter dans votre posture.  On a appris que les enquêtes en cours permettront de situer les responsabilités et de sanctionner les coupables à la hauteur de leur forfait.

Je mesure votre engagement et la luminescence de la colère muette qui tenaille votre cœur.

Je comprends aussi votre volonté  de nous débarrasser illico presto de  » la vermine « qui, se répandant à tout va, prend en otage notre vaillante  jeunesse.

Mais, Monsieur le Ministre,

je voudrais, avec votre permission, dire  que votre « thérapie de choc »  risque de se révéler inopérante et sans objet. Tenez-vous bien que si la loi venait à être appliquée dans toute sa rigueur, comme vous le souhaitiez, ce serait cent (100) jeunes, voire plus, de Nagaré à Gounghin(Koupéla), en passant par Logobou, Bobo Dioulasso, Dédougou, Bouroum-Bouroum,  Ouahigouya, pour ne citer que ceux-là, qui tomberaient sous son coup; écopant de peines de sanctions punitives titillant  les  5 ans de prisons. Dans leurs rangs, des pauvres, emportés par l’effet de foule, seront condamnés à partager le purgatoire avec des bandits de grand chemin, saturés de vulgarités, qui leur injecteraient le venin bourrasque de la haine,  de l’ignominie et de la démence. Il n’est pas  superfétatoire de dire que ces adolescents  en sortiront plus nauséeux  et nocifs que jamais: inutiles à eux-mêmes et à la société entière.

Monsieur le Ministre,

je voudrais donc dire qu’il serait hasardeux de condamner doublement ces adolescents. Ils ne méritent pas  de payer  pour les faits « graves » à eux reprochés et  le reste de leur vie. Surtout qu’ils ne portent pas  l’entièreté de la   responsabilité des actes sur leurs frêles épaules. Ils sont certes responsables, mais ils partagent la responsabilité avec leurs parents et  l’élite dirigeante.

En fait, ces garçons ne font que reproduire en miniature ce que nous leurs parents leur avons donné à  voir en grandeur nature  à la maison, dans la rue, à la télévision et dans le reste du pays.

Je m’explique:

La responsabilité des parents découle du fait  que l’autorité est vacante à la maison. Des parents, se réfugiant derrière le boulot,  ont tout ou presque abandonné entre les mains des employés de maison ou de la télévision. Les plus nantis, eux, ne refusant rien à leurs rejetons,  essaient de rattraper le coup en les comblant de présents. Si fait que les enfants, pour la plupart, deviennent  capricieux et pourris.

Quant aux autres, moins aisés, les vicissitudes de la vie ont édulcoré leur autorité et le reste de  pouvoir  qui en résultait. Incapables qu’ils sont d’offrir les trois repas quotidiens à leurs enfants qui se voient obligés de se dépatouiller, ils se mortifient en portant la haire et cilice qu’ils sont venus à perdre  la voix de la raison. De la sorte, sans trop s’en rendre compte, leurs progénitures ont usurpé le pouvoir, faisant à leurs têtes. Si ce n’est l’un ou l’autre des deux cas, on assiste à l’émergence d’une nouvelle race de parents qui, se confondant  dans le mimétisme servile et inutile, s’affuble  des oripeaux de la société occidentale.

L’élite dirigeante, elle, sème le vent:  les 30 et 31 octobre 2014, les enfants ont vu des responsables politiques, bouillonnant de haine et de colère, saccager  et incendier  les sièges de l’Assemblée nationale, de partis politiques,  ôtant au passage  la vie à des personnes innocentes. Dès le lendemain, sous la Transition, les enfants ont encore  vu des politiques, mentir avec aplomb,  multipliant des discours démagogiques, perlés de promesses mirobolantes, alors qu’ils pillaient  derrière le rideau les caisses de l’Etat. Que n’ont-ils pas entendu par la suite, 58 milliards de nos francs ont été blanchis par on ne sait qui; plus de 5 milliards ont été soutirés des caisses de l’Etat sous de fallacieux prétextes; des ministres ont dévoyé la loi  fondamentale, usant de leurs privilèges, pour faire mains basses sur les parcelles dans la zone huppée de Ouaga 2000.

On retient aussi que ceux qui ont perdu le pouvoir, obnubilés par on ne sait quel dessein, ont tenté de rebondir, les fusils au bout des doigts; brûlant au passage le trésor d’humanité qui caractérise notre peuple.

On n’oublie pas que ces jeunes, plus les mêmes que ceux d’il y a dix ans,  conçoivent mal que  des hauts dignitaires de ce pays ont organisé des fêtes pour célébrer des milliards, alors qu’ils sont incapables , 20 ans après,  d’organiser des examens blancs, évalués à 1, 8 millions de francs CFA,  en vue de préparer leur avenir et devenir.  Cela n’est-il pas frustrant et révoltant?

Ils seront plus encore frustrés et révoltés de savoir que l’autorité a accordé et continue d’accorder une seconde chance à des personnalités, suspectées de détournements, qui plastronnent au sommet de l’appareil de l’Etat, pendant qu’elle les condamne à subir leur propre dévalorisation. Et qui sait ce qui adviendra?

En voudra-t-on  à ces élèves et étudiants, en phase avec l’ensemble des  Burkinabè, instruits ou pas, qui s’assemblent désormais autour de la conviction que seul le message de la force ou de l’acharnement porte, aux dépens  des négociations et des concessions décatis au fil des ans par les promesses non tenues?

Monsieur le Ministre,

avec un peu d’opiniâtreté, vous conviendrez avec moi que la question de l’incivisme est délicate, voire même  complexe.  Les responsabilités, enchevêtrées, sont liées  par des rapports d’influences et d’interdépendances. Suffit-il qu’un maillon de la chaine n’assume pas son devoir qu’il se pose  un problème. Un enfant bien éduqué dans la cellule familiale reste toujours exposé au tourbillon du divers perçu.

C’est la raison pour laquelle je souhaite  une prise de conscience doublée d’un sursaut d’orgueil à trois niveaux: enfants, parents et l’Etat.

 Et je m’en vais mettre l’accent sur la contribution de l’élite dirigeante qui me parait essentielle.  L’Etat  doit se réinventer pour que de ce chaos, émerge une solidarité génératrice de créativité, d’énergie et d’inspiration au bonheur. Ainsi doit-il accorder le primat aux méthodes pédagogiques que celles,  répressives. Il serait convenant que   les auteurs des troubles dans les établissements scolaires soient internés dans des écoles de redressement  pour  adolescents, à construire, comme cela se passe en France, en Belgique où un accent particulier est mis sur la discipline.

En amont, dès les premiers âges du primaire, l’Etat doit recourir aux ressorts immédiats de notre identité collective, en revenant sur le  châtiment corporel. Si nous voulons une éducation efficace pour nos enfants, nous devons agir conformément  à la puissance paternelle qui  commande de leur infliger corrections et réprimandes dans la mesure compatible avec leur âge et l’amendement de leur conduite. Sans compter que l’élite dirigeante gagnerait à implémenter une gestion vertueuse, saine et irréprochable, qui lui assurerait de fait l’autorité qui ne se mégote et  ne se  décrète pas.

Monsieur le ministre,

ce n’est qu’une lettre; je ne peux pas tout dire. Je vous prie de bien vouloir comprendre et pardonner mon insolence. Avec la certitude qu’aucun d’entre nous, vous et moi,   n’a le monopole de la vérité, je voulais juste attirer votre attention sur les risques de l’application de la loi dans toute sa rigueur.

Je vous remercie

Sincèrement Adama Bayala

Ouvrier de la plume et romancier

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