Installation de matériel solaire : « Il faut savoir à qui s’adresser » (Seydou Sawadogo)

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L’énergie solaire est de plus en plus prisée au Burkina dans la mesure où elle est la meilleure alternative pour les ménages. Quelle est l’évolution de ce marché, l’adhésion des populations et les réalités auxquelles font face les acteurs du domaine ? Seydou Sawadogo, ingénieur d’énergie solaire donne quelques éléments de réponses dans cette interview. Il est le Directeur Général d’une jeune société de la place présente à Ouaga, Kaya et Bobo.

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Burkina24 (B24) : Pouvez-vous nous présenter votre société ?

Seydou Sawadogo (S.S ) : Notre société a été créée en 2012 pour apporter de l’énergie à toute la population du Burkina Faso et surtout à moindre coût, car le soleil est abondant voire excédentaire mais malheureusement nous ne l’exploitons pas.

Nous avons saisi cette opportunité naturelle et gratuite pour recueillir cette énergie et la transformer pour que notre population puisse l’utiliser abondamment et, nous insistons, à moindre coût.

Nous sommes une société comme la SONABEL. Nous produisons l’énergie solaire au profit de la population.

 Mais dans le système solaire photovoltaïque, nous ne sommes pas des industriels fabriquant du matériel ou des matériaux solaires. Nous ne sommes pas une industrie de fabrication du matériel solaire. Nous fabriquons l’énergie que nous fournissons à nos clients.

B24 :Qu’est-ce que cela veut dire ?

S.S : Fabriquer l’énergie signifie que nous fournissons l’énergie à un client après calcul de ses besoins énergétiques. Cela est l’addition des panneaux solaires photovoltaïques et des accumulateurs.

Quand nous disons que nous fabriquons l’énergie, c’est en fait l’addition de ces deux matériaux que nous faisons pour produire l’électricité selon le besoin précis du client. Nous concevons aussi des kits d’énergie solaire autonomes (éclairage, ventilateurs solaires) que le client peut acheter et que nous allons installer pour lui.

B24 : Quelle est aujourd’hui l’évolution  du marché ?

S.S : Au début les clients étaient réticents, mais actuellement ils ont compris que l’énergie solaire est inévitable et qu’il faut y adhérer pour ne pas courir le risque d’être en retard par rapport aux autres. Cependant, quelques réticences demeurent à cause du service après-vente qui n’est pas assuré.

Quand cela n’est pas fait, il y a souvent des pannes et le client pense que c’est l’installation qui n’a pas été bien faite. Pourtant l’énergie solaire, bien qu’elle soit inépuisable, renouvelable et inégalée, elle implique un entretien mensuel, trimestriel ou annuel du matériel. Si cela n’est pas fait, ne vous étonnez pas que vous tombiez en panne.

B24 :D’où provient le matériel solaire?

S.S : Le matériel est de trois origines : France, Allemagne, États-Unis. À côté de ceux-là on peut mentionner l’Afrique du nord, surtout en Tunisie.

Mais plus de 90% du matériel vient de l’Europe, en majorité de la France et de l’Allemagne. Cette dernière est le pays le plus puissant  en matière d’énergie photovoltaïque d’Europe, devant l’Espagne et la France qui vient en troisième position.

Il est important de noter que les pays du nord sont en avance sur ceux du sud car ils ont compris que pour réduire considérablement le coût de production, il faut qu’ils fabriquent eux-mêmes le matériel,  et c’est ce qu’ils font.

B24 : Quelles sont les difficultés rencontrées dans l’exercice de votre activité ?

S.S : Les difficultés du domaine sont de trois types. La première se situe au niveau du client qui crée deux sortes de problèmes. Le premier c’est qu’il estime que c’est cher et qu’il ne peut pas payer.

 Pourtant, nous ne pouvons pas faire une estimation en deçà de la réalité. Si le client accepte de payer, on fait l’installation qui marche normalement et normativement.  Le second problème avec les clients, c’est qu’il y en a qui sont très malins. Ils viendront demander par exemple une installation pour huit ampoules avec une autonomie de 24h/24.

Mais après notre départ, ils vont brancher d’autres appareils (ordinateur, télévision) sur le réseau alors que la précision avec laquelle on fait l’installation ne permet pas de telles manœuvres. Augmenter les appareils impose que l’on augmente la capacité.

La seconde difficulté dans le domaine est relative à la concurrence. Nous sommes dans un contexte où, malheureusement, une grande majorité de ceux qui se disent techniciens d’énergie photovoltaïque n’ont pas de formation théorique en la matière. Soit ce sont des électriciens qui ont migré dans le domaine soit ce sont des gens qui ont pris le risque de s’y ingérer sans la moindre compétence.

Ils évoluent avec du copier-coller alors que l’énergie solaire c’est comme la médecine où on ne peut pas copier l’ordonnance d’un malade pour le compte d’un autre. C’est une science exacte qui nécessite une formation. Ceux qui ne l’ont pas faite sabotent les installations et après c’est nous que l’on vient voir pour signaler telle ou telle défaillance.

La troisième grande difficulté nous est causée par l’État. Nous nous attendions à ce qu’il soutienne les entreprises surtout en photovoltaïque. Mais nous nous rendons compte que l’État, de par ses principes de fonctionnement et ses impôts, n’encourage pas les entreprises naissantes à vivre. Quand les agents viennent, ils ne cherchent pas à comprendre comment ça marche ou pas ; ils s’en foutent et ne réclament que l’argent des impôts. Ils ne se préoccupent pas des difficultés que vous rencontrez ; vous devez payer ou ils ferment l’entreprise.

Pourtant, pour payer les impôts, nous n’allons pas voler l’argent ; il faut que ce soit les produits de notre travail. Si cela reste en l’état, et qu’on ne peut pas vivre dans ce pays, on va fermer et, comme d’autres, aller nous installer  en Europe ou dans d’autres pays.

 Ce sera au détriment de notre chère patrie, au détriment de son développement. Je connais au moins quatre personnes qui l’ont fait mais moi je ne souhaite pas le faire et c’est pourquoi je dis que l’État doit tenir compte du fait que pour payer les impôts il faut d’abord que l’entreprise existe.

B24 : Que peut faire l’État pour vous soutenir ?

S.S : En plus de ce que j’ai dit plus haut, il faut que l’État facilite le transfert de technologie, le transfert des connaissances, à travers l’octroi de bourses d’étude ou de recherche, et la création d’écoles de formation en énergie photovoltaïque.

Ces bourses peuvent être doctorales et intéresser le domaine photovoltaïque de notre pays. Si nous comptons sur celles offertes par d’autres pays, il faut savoir que les recherches ne vont servir que leurs intérêts ; ce qui est normal d’ailleurs car c’est eux qui financent les travaux de l’étudiant. Les Masters qui existent actuellement ne sont pas aussi pointus en matière de recherche ; ils ne permettent pas de fabriquer le matériel.

L’État apporte déjà une aide qui n’est cependant pas suffisante. Il s’agit des subventions dont nous bénéficions à travers la suppression des taxes douanières à l’importation.

Elles n’ont pas un grand impact économique sur notre activité mais je ne vais pas accuser l’État car il fait ce qu’il peut.

Le plus grand soutien serait d’investir dans les compétences techniques pour qu’elles puissent permettre l’installation d’industries locales de fabrication de matériel solaire afin que ce matériel soit moins cher, accessible à toutes les couches de la population burkinabè.

B24 :Y a-t-il des contrôles de l’État sur la qualité des équipements ?

S.S : L’État n’a pas de textes formels en la matière d’abord  car c’est une technologie encore en gestation au Burkina Faso. C’est peut-être maintenant qu’il va y réfléchir. Mais moi je n’ai pas tellement foi en l’État parce qu’il peut prendre trente ans pour une chose qu’il aurait pu faire en une année.

La solution ne va donc pas venir avant une assez longue période. Je crois que l’État doit créer une police de qualité pour pouvoir contrôler le matériel. Si l’État peine à le faire dans d’autres domaines (alimentaire, sanitaire) où le manque de qualité peut tuer immédiatement, ce n’est pas en matière d’énergie photovoltaïque que je vais espérer une unité de contrôle de sitôt ; je ne vais pas me blaguer là-dessus.

Moi mon problème est tout autre. Au niveau de la qualité, réellement et techniquement, c’est le jargon des commerçants qui fait parler de qualité ou non du matériel pour avoir des clients. La problématique actuelle c’est plutôt la qualité au niveau du dimensionnement et de l’installation, or cette qualité c’est une ressource humaine, une compétence technique qui ne s’acquiert pas par le copier-coller.

Le manque de qualité dans le travail va perdurer encore une dizaine d’années car chacun se dit connaisseur. Et c’est pourquoi il y aura aussi des problèmes quand on ne choisit pas un bon technicien mais un bon prix. Et c’est aussi dans ces problèmes que les clients seront obligés de contacter des spécialistes du domaine.

B24 :Y a-t-il des difficultés spécifiques au domaine de l’entreprise d’installation solaire ?

S.S : Il n’y a pas de difficultés spécifiques mais plutôt des compétences spécifiques qu’il faut avoir. Pour créer l’entreprise, il faut être soi-même compétent dans la matière ; c’est l’idéal. Ainsi, en cas de difficulté, c’est seulement cette compétence qui va vous défendre. La compétence financière sans celle technique vous amène à recourir à des gens qui ont la technique.

Cependant, ces derniers finissent par vous quitter s’ils ont la main ou s’ils gagnent mieux ailleurs. En ce moment que faites-vous ? Ce n’est pas intéressant et aussi dans certains cas, un problème peut être remonté jusqu’au patron.

S’il se trouve que celui-ci ne peut pas le résoudre, ce n’est pas bon pour l’entreprise. Pour ce qui me concerne, ma compétence technique m’a sorti de beaucoup de situations problématiques rencontrées avec des clients qui m’ont même traduit en justice.

B24 :Ce secteur commercial nourrit-il son homme ?

S.S : C’est un secteur qui nourrit son homme, qui peut nourrir son homme et qui va encore nourrir son homme parce qu’il s’agit d’énergie et qu’on ne peut pas vivre sans. Aussi, nous sommes dans un système où l’État s’oblige à être incompétent à fournir suffisamment l’énergie à la population.

Donc la demande existe ; quand on rentre dans le domaine et qu’on est compétent on aura de quoi à faire, on ne va pas chômer. Et si vous êtes compétent, vous ne vous limiter plus au Burkina car la compétence est universelle.  Vous pouvez travailler ailleurs ; c’est comme je l’ai dit, c’est un secteur qui nourrit son homme et qui va nourrir son homme.

B24 : Quel appel vous lancez à ceux qui n’utilisent pas encore l’énergie solaire ?

S.S : Je leur dis de venir à l’énergie photovoltaïque. Mais il faut savoir avant tout à qui s’adresser même si malheureusement le pays n’est pas structuré dans ce domaine. Tout le monde peut se prétendre compétent sans aucune preuve. C’est assez difficile mais il faut demander toujours une facture pro-forma et un reçu car cela fait implicitement office de cahier de charge.

Le jour où il y a un problème vous pouvez vous y référer pour exiger ce qui a été prescrit. En vous adressant aux gens sans chercher à connaitre leur compétence, il y a toujours des difficultés qui surviennent. Allez-y vers le photovoltaïque mais il vaut mieux travailler avec de vrais techniciens car même s’ils sont chers ils sont plus sûrs.

Par exemple, pour un besoin de deux millions que j’ai évalué, un client est allé vers quelqu’un d’autre qui a exécuté le travail tout au plus à quatre cent milles. Mais deux mois ont suffi pour que les problèmes ramènent le client vers moi.

B24 :Un dernier mot sur les avantages du solaire pour terminer

S.S : Je termine en réitérant l’invitation à la population car il y a des avantages à utiliser le solaire. Il y a d’abord un avantage économique puisque l’énergie solaire est une énergie renouvelable  au quotidien d’autant plus que nous sommes en Afrique, le continent qui a le plus d’ensoleillement au monde après l’Australie.

 Le Burkina peut produire l’énergie solaire et la vendre à toute l’Afrique contrairement à la France ou au Canada qui ne peuvent pas le faire parce qu’ils n’ont pas pareil ensoleillement. C’est une compétence naturelle dont nous disposons dans notre pays. Ensuite il y a la durée des installations qui est de 25 ans.

Il faut préciser que le panneau n’arrête pas de fonctionner après ce temps mais perd seulement 10% de sa capacité initiale ; cela veut dire que ça marche toujours au-delà des 25 ans. Ainsi vous économisez comparativement aux autres sources pour lesquelles il faut payer quotidiennement ou mensuellement (groupes électrogènes, SONABEL).

Quand vous installez votre système c’est seulement vos accumulateurs que vous allez changer de temps en temps. Comme autre avantage  chez le client, il y a la paix du cœur : pas de soucis de paiements de factures, pas de problèmes de délestage. Dans ma société par exemple, je ne connais pas de délestage ni de factures de  la SONABEL car tout est solaire et je suis en paix pour cela.

C’est également une grande satisfaction que procure l’usage de l’énergie solaire par les ménages. En dernier lieu, c’est une énergie qui protège l’environnement et ceci n’est pas moins important même si ce volet est très peu pris en compte en Afrique.

Entretien réalisé par Davy SOMA

Pour Burkina24

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