Réponse aux réserves du Professeur Augustin Loada : « Oui à la nouvelle Constitution, au nom de la souveraineté retrouvée »

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Dans cette analyse, le Dr Richard  Ouédraogo répond au réserves du Pr Augustin Loada quant au projet de changement constitutionnel en cours d’opérationnalisation au Burkina.

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J’ai lu récemment une interview du Professeur A. Loada (in lepays.bf), où il émettait des réserves quant au projet même d’un changement constitutionnel. « En tant que juriste, disait-il, cela me pose un problème lorsqu’on veut changer de Constitution alors que la Loi fondamentale qui est la loi suprême du pays, ne le prévoit pas. C’est un casse-tête juridique auquel il n’y a pas de solutions juridiques. C’est une problématique que l’on a rencontrée dans beaucoup de pays africains ».

Je m’étonne d’une telle réaction de la part d’un des plus brillants constitutionnalistes du Burkina Faso. Ma conviction, c’est que ce n’est point sur le terrain du droit qu’il faut se placer ici, mais bien sur celui de la politique ou, pour être très précis, de l’opportunité politique. D’ailleurs, le Professeur Loada lui-même distingue bien les deux aspects – juridique et politique – puisqu’il affirme dans la même interview que : « Le pouvoir constituant originaire est le pouvoir d’établir une nouvelle constituante, mais nous enseignons qu’on établit une nouvelle Constitution lorsqu’il y a un changement de régime. Par exemple, lorsque nous sommes dans une situation de régime d’exception et l’on veut passer à un régime constitutionnel. Ou bien, il y a un nouvel État qui émerge à la suite d’une décolonisation et l’on veut marquer la rupture avec l’ordre politique antérieure. La théorie du pouvoir constituant originaire est une problématique qui se pose d’un point de vue politique, mais pas d’un point de vue juridique parce que, généralement, ce sont des situations de fait qui amènent  à élaborer une nouvelle Constitution ».

Dommage donc qu’il s’en tienne exclusivement à une approche simplement juridique…

La Constitution, au fond, c’est quoi ?

Le Professeur A. Loada est sans doute l’un des universitaires burkinabé les mieux placés pour apporter la réponse la plus pertinente à cette question. Par conséquent, je ne m’étalerai guère inutilement sur un sujet sur lequel son expertise ne peut être remise en cause.

Toutefois, je souhaite rappeler à l’universitaire que la Constitution, en plus d’être un instrument juridique, est aussi et avant tout un acte de souveraineté. Comme l’écrivait si bien un de ses collègues constitutionnalistes, Bertrand MATHIEU, la Constitution est, «au sein d’un État démocratique, la règle qu’un peuple se donne à lui-même».

Nul besoin d’évoquer les circonstances politiques et sociales dans lesquelles le peuple burkinabé a conquis le droit de choisir librement ses «nouveaux» dirigeants. La Crise sans précédent qu’a connue le Pays des Hommes intègres en octobre 2014 est, par elle-même, un motif suffisant pour enclencher un processus de changement constitutionnel sans qu’il soit besoin de s’interroger sur les contours juridiques du recours au pouvoir constituant originaire.

En effet, les mutations politiques d’une ampleur exceptionnelle, lorsqu’elles conduisent à un brusque changement de régime, justifient par elles seules que le peuple souverain érige un nouveau Texte constitutionnel dès lors que l’ambiguïté et les imperfections de l’ancien Texte ont permis la mise en place d’institutions fragiles à l’origine de cette Crise.

L’Histoire retiendra que le peuple a fait preuve, dans cette situation d’une extrême gravité, d’audace et de ténacité pour arracher sa souveraineté confisquée pendant plus d’un quart de siècle par un Régime qui n’était plus en phase avec ses aspirations. Ce tournant historique mérite bien une réécriture de la Loi fondamentale, afin de sceller, ne serait-ce que pour le symbole, un nouveau Pacte contenant les règles relatives au fonctionnement des nouvelles institutions et aux droits fondamentaux garantis aux individus.

C’est tout là, à mon sens, l’intérêt de la nouvelle Constitution : se doter, une fois la pleine souveraineté retrouvée, d’une Loi fondamentale dont la légitimité ne pourrait JAMAIS être contestée. L’intérêt est donc, chacun le voit, politique et non pas seulement juridique. Les contre-arguments juridiques viendront, peut-être, à l’occasion d’un prochain changement constitutionnel. Pour l’heure, l’Histoire est si belle qu’on aurait tort de ne pas la marquer, en la gravant dans un nouveau Texte fédérateur qu’on lèguera aux générations futures.

Quant au contenu de ces belles pages à graver, le peuple souverain, à travers les différentes assises organisées ça et là, est invité à ne pas les laisser entre les mains de quelques «experts», mais à faire remonter jusqu’à la Commission constitutionnelle ses plus pressants besoins en matière de droits et libertés fondamentaux mais aussi de principes essentiels au bon vivre-ensemble.

Oui donc à cette nouvelle Constitution, au nom justement de la souveraineté durement conquise.

Richard Ouedraogo

Docteur en droit privé, enseignant-chercheur ([email protected])

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