La Libye à l’heure du service après-vente
L’un avoue de n’avoir pas assuré « le jour après » l’intervention. L’autre, qui a tenu à venir à bout de Mouammar Kadhafi, ce « fou » qui appelait les jeunes des banlieues françaises à « se soulever » s’est, lui, muré dans ses convictions profondes dont les conséquences immédiates ont été la dislocation de la Libye avec la dispersion de l’arsenal militaire du Guide dans le Sahel. Huit ans plus tard, les alliés d’alors (France, Etats-Unis d’Amérique, Grande Bretagne, Italie et leurs soutiens de la Ligue arabe) acceptent enfin d’assumer leurs responsabilités en essayant de recoller les morceaux jusqu’au-delà des frontières libyennes à travers leur appui aux pays du G5 du Sahel.
Nous sommes le 19 mars 2011, soit huit jours après l’adoption de la résolution 1973 des Nations-unies autorisant l’intervention militaire internationale en Libye. Le but, stopper l’offensive des forces fidèles au pouvoir de Tripoli qui poursuivent leur avancée vers l’Est du pays pour reprendre Benghazi aux mains des opposants au Guide. La coalition procède ainsi au lancement de l’opération baptisée « Aube de l’Odyssée ».
En s’investissant à fond dans l’aventure libyenne, le président français Nicolas Sarkozy qui promettait d’être du côté des opprimés, y voyait l’occasion de s’assurer une réélection sans encombre. Ce qu’il n’obtiendra finalement pas vu qu’il sera éjecté de l’Elysée par le socialiste François Hollande.
Nicolas Sarkozy rejetait en juin 2011, soit deux mois avant la capture et l’assassinat de Mouammar Kadafi, toute idée d’échec tout en se lançant dans des comparaisons. « Benghazi, ville d’un million d’habitants, serait aujourd’hui rayée de la carte (…). A Srebrenica, c’est 8 000 personnes qui auraient dû être protégées par les démocraties ! ». Dans un entretien accordé à Fox News en avril 2016, son homologue américain Barack Obama admettra à la suite de la question « pire erreur ? » du journaliste Chris Wallace : « Probablement d’avoir échoué à mettre en place un plan pour le jour après ce que, je pense, a été la meilleure chose à faire, à savoir intervenir en Libye ».
Il faudra attendre mai 2019 pour qu’un officiel français, le ministre des affaires étrangères Jean Yves Le Drian, ministre de la défense (2012-2017) sous François Hollande, concède : « en tant qu’acteurs de l’intervention militaire de 2011, et parce que le suivi politique n’a pas été effectué après la chute de Kadhafi, nous avons aussi une forme de responsabilité dans cette crise ». Même s’il s’empressera d’ajouter, que le « siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU donne à la France une responsabilité particulière dans les grandes crises internationales ».
Seulement, l’enlisement se poursuit en Libye (avec l’offensive sur Tripoli du maréchal Khalifa Haftar). Et pas que. La déflagration a fait une victime collatérale qu’est le Mali où il a fallu l’opération « Serval » pour éviter in extremis l’assaut final qu’aurait constitué la prise de la capitale Bamako en janvier 2013. La contagion ne tardera pas à toucher le Burkina Faso voisin épargné jusqu’à l’insurrection d’octobre 2014 qui emportera son président « médiateur » Blaise Compaoré.
Roch Kaboré préside actuellement le G5 Sahel, organisation créée en février 2014 à Nouakchott et regroupant le Burkina, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Le président burkinabè ne cache pas tout le mal qu’il pense de l’intervention militaire de 2011 qui a déstabilisé la Libye. Le 1er mai, lors d’un point de presse animé avec la chancelière allemande, il s’est lâché. Il est encore temps pour les acteurs qui ont intervenus militairement dans ce pays provoquant sa « dislocation » et l’« inondation » du Sahel par l’équipement militaire du guide libyen de « prendre leurs responsabilités pour régler la question de la Libye », a-t-il soutenu.
Une prise de responsabilités qui inclus d’avoir« une position commune (européenne) de manière à trouver une solution définitive qui permette de geler l’approvisionnement des groupes terroristes à travers Libye ». Ce qui n’est pas gagné d’avance avec la montée en puissance des partis d’extrême droite qui entendent bien contrôler le parlement européen lors des législatives à venir pour gérer à leur manière la politique migratoire sur le vieux continent. Prise au piège de l’intérieur, la chancelière allemande est bousculée à l’extérieur par ses voisins hongrois et autrichien. Elle se retrouve obligée de revoir des aspects de la « Willkommenskultur (culture, politique d’accueil) » qui autorise l’accueil des migrants sur les quais des gares allemandes.
En se déplaçant au Sahel, au plus près des réalités du terrain notamment au Burkina Faso, pays de transit (avec à la clé le décaissement de 46 millions d’euros pour la résolution de la crise sécuritaire), au Mali (où un bataillon militaire a été déployé pour la formation des troupes maliennes) et au Niger (où l’Union européenne a fait construire un camp de tri de migrants) la dirigeante de la première puissance économique européenne espère contenir le mouvement des populations vers les côtes libyennes pour regagner celles européennes. Alors, prêts maintenant pour assurer le service après-vente ?
Oui Koueta
Burkina24
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