Tribune – Burkina Faso : L’inefficacité de la démocratie fait le lit de la tyrannie

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Ceci est une tribune d’un citoyen sur la situation nationale.

Le mot préoccupant n’est plus suffisant pour décrire la situation actuelle du Burkina Faso. En moins d’une semaine, près d’une trentaine de personnes furent froidement assassinées dans leurs champs et villages. Toute la partie de la province du Bam qui se trouve à l’est du lac Bam s’est déversée dans la ville de Kongoussi sans réaction notable ni en mot ni en action de la part de l’État central. Bien avant Kongoussi qui abrite actuellement plus de vingt mille réfugiés, ce fut la province du Soum qui fut vidée d’une partie de sa population.

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On ne sait plus ce qui choque le plus, le silence de l’État ou celui des batteurs de tambour habituels, en l’occurrence les autres organisations dites de la société civile? Il y a bientôt cinq ans, les Burkinabè sont descendus massivement dans la rue pour mettre fin à la volonté de l’ancien président de s’éterniser au pouvoir, à travers ce qui fut appelée l’insurrection populaire, jetant ainsi les bases d’une démocratie nouvelle. Le sang fut versé à nouveau un an plus tard pour faire échec au coup d’État contre la transition.

Quatre ans plus tard, la faiblesse de l’État burkinabè s’étale en plein jour.  L’absence de recours qui a motivé le déplacement de la population du Soum et du Bam témoigne de la vacuité du concept même d’État au Burkina Faso. Qu’est-ce que l’État? C’est le système par lequel une communauté humaine s’organise pour assurer sa sécurité, sa souveraineté et sa prospérité.

La population, aujourd’hui obligée de se déplacer, était organisée dans des structures qui lui ont permis de repousser tout agresseur pendant des siècles. Pourquoi est-elle obligée aujourd’hui de ravaler sa fierté, son courage légendaire et son indomptabilité multiséculaire pour se transformer en réfugiés?

C’est parce qu’au nom d’une certaine modernité, on lui a ôté la responsabilité de s’armer pour se protéger. A l’État fut confié le monopole de la violence défensive et protectrice au nom d’un certain républicanisme sans cesse rappelé, notamment à travers les multiples critiques contre les Kogl-weogo. Face à la situation présentement catastrophique, il faut situer les responsabilités.

D’abord, ayons le courage d’assumer notre part. Par nous, il est entendu l’immense majorité qui se retrouve à être des spectateurs silencieux de la descente aux enfers de notre chère patrie. Aussi, faut-il inclure les forces d’opposition, aussi bien celles politiques que celles non politiques mais non moins féroces, qui à coups de grèves, de mouvements dits d’humeur et de marches organisées autour de revendications parfois non cohérentes, ont affaibli l’État et rendu ses caisses vides, privant ainsi le pouvoir central des ressources nécessaires pour mener la guerre.

Toutefois, même si nous partageons tous la responsabilité, certains ont une part plus importante que d’autres. Accuser tout le monde c’est ne accuser personne, et cela n’est pas forcement signe de courage. Ceux donc qui écopent de la plus grande part de responsabilité sont ceux que le peuple burkinabè a choisi formellement pour l’organiser afin de faire face à tous les défis, aussi bien de développement que ceux relatifs à sa sécurité. C’est au Président Roch Kaboré que revient en particulier la charge de commander le bataillon burkinabè vers la victoire. Du courage les Burkinabè en ont à revendre.

Mais le courage dans la désorganisation ne produit aucun résultat. Par ailleurs, le silence de la grande majorité relève de cette discipline qui veut qu’il y ait un cadre au sein duquel toute chose doive s’organiser.  C’est au Chef d’État et son gouvernement que revient la responsabilité d’organiser les Burkinabè pour mener la bataille. Depuis les temps anciens, avant l’adoption de cette forme occidentale de l’État qui se révèle aujourd’hui comme un handicap plus qu’une solution, le Chef doit être à la pointe de la colère pour venger les morts causés au sein de la communauté, faire trembler les adversaires de peur afin de les dissuader d’attaquer.

Force est de constater qu’une réaction efficace contre les attaques terroristes se fait attendre. L’actualité est faite de rencontres internationales, de colloques et d’inaugurations, parsemés d’interruptions pour enterrer nos morts, pleurer nos fils tombés parfois sans avoir pu livrer bataille, et promettre des changements qui tardent à se matérialiser.  On s’acharne à mener des activités normales dans une situation qui ne l’est pas. On refuse de céder à la réalité selon laquelle le Burkina Faso est en guerre et à prendre toutes les mesures qui s’imposent.

Quant à ceux qui agitent le front social, on peut leur accorder que la contestation est un signe de vitalité pour une démocratie. En revanche, quand l’existence même de l’État qui offre le cadre d’expression de cette démocratie est menacée, il faut avoir la vision nécessaire pour s’entendre avec le camp d’en face afin de vaincre l’ennemi du dehors avant de reprendre les querelles internes.

Certes, ils ont l’excuse de ne pas se voir proposés une association dans la lutte contre le terrorisme mais la responsabilité d’assurer la survie de l’État, ainsi que les initiatives qui peuvent y contribuer, incombent aussi bien à ceux qui sont au pouvoir qu’à ceux qui aspirent à y être.

Face au défi sécuritaire, les moyens existent, des stratégies efficaces existent, des hommes compétents existent, il semble manquer une prise de mesure de la gravité de la menace, ainsi que des actions concrètes pour y faire face. Si moins d’un millier de combattants peuvent tenir en échec l’État qui est sensé être la manifestation de la volonté et du poids de 20 millions de personnes, c’est qu’il y a un problème de délibération, d’organisation et de mise en œuvre. S’il faut associer les forces d’opposition politique et non politique à la gestion de l’État le temps de résoudre la crise, il faudrait le faire. 

Cela canaliserait tout l’effort vers un seul front. S’il faut interrompre les services non essentiels de l’État, réduire drastiquement et temporairement les salaires, fermer les universités et appeler chaque Burkinabè sous le drapeau, il faudrait le faire.  S’il faut faire appel aux Burkinabè qui ont des compétences exceptionnelles que ce soit en technologie ou en stratégie, qu’ils soient à l’extérieur ou sur le territoire, il faudrait le faire. S’il faut associer les paysans dans la politique de défense et de sécurité, mettre sur pieds dans chaque village et chaque quartier des cellules de renseignements et des forces de réactions rapides, il faudrait le faire.

En réalité, le Burkina Faso est victime de ce qu’on peut appeler la « bulle des lettrés».  Il faut être «lettré», fonctionnaire, élève ou étudiant pour avoir droit au chapitre.  Ces derniers se battent entre eux par syndicats, partis politiques et OSC interposés, pour le partage des privilèges au détriment de la grande majorité. Beaucoup, y compris dans les médias, parlent des actes de terreur avec détachement, comme s’il s’agissait d’attaques dans un territoire étranger.

Le mutisme des têtes bien pensantes et autres organisations attitrées en indignation tout azimut ne peut être compris si ce n’est à la lueur de cette bulle qui n’est sensible qu’à ce qui touche directement ceux qui en font partie. Des paysans peuvent être tués par dizaines, on titre : «dix-sept personnes tuées au Bam» et on continue les inaugurations, colloques et autres séminaires. C’est comme s’il y a des morts qui comptent et des morts qui ne comptent pas.

Par ailleurs, les difficultés dans la lutte contre le terrorisme s’expliquent par le fait que l’État se soit construit depuis les indépendances pour ne pas dire la colonisation comme un corps étranger au sein de la population, animés par des fonctionnaires parfois condescendants et hostiles à la population rurale qu’ils sont sensé servir.

Puisque la lutte contre le terrorisme est une lutte de renseignements plutôt qu’une guerre frontale, les forces de défense et de sécurité se retrouvent à patrouiller dans leur propre pays comme en territoire inconnu, attendant de se faire attaquer.  De meilleurs renseignements ainsi qu’une meilleure immersion dans la population permettraient à nos forces de devenir les chasseurs et non les chassés.

La vérité est ceci : le Burkina Faso est en danger.  Que ceux qui sont dans la bulle des lettrés méditent ces propos d’un pasteur allemand pendant la guerre de 1939-1945 : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.  Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.  Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester.  » Hier c’était le Soum, aujourd’hui le Bam, demain qui sait?

La menace terroriste ne s’en ira pas d’elle même.  L’État moderne montre ses limites : tout se passe comme si nous avons oublié comment résoudre un problème ! C’est peut-être la dernière chance pour un sursaut national car en l’absence de l’État, il n’y aurait ni salaire dont on peut réclamer l’augmentation encore moins de pouvoir que l’on pourrait conquérir par la politique. Comme tout besoin crée l’organe, la population s’organiserait aussi bien que mal pour prendre en charge sa propre sécurité. 

Le risque d’une absence de discernement dans la réaction est réel. Pourraient bien émerger des chefs de guerre.  Et il faut se bercer d’illusion que de croire qu’un groupe puisse nettoyer le Burkina Faso de la menace terroriste pour ensuite le remettre entre les mains des bien-pensants de l’État de droit pour le gérer «démocratiquement». L’inertie et l’inefficacité de la démocratie fait le lit de la tyrannie. Si nous n’y prenons garde, toutes nos luttes récentes pourraient devenir caduques!                                               

Téguewindé Sawadogo, un simple patriote!

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