Khéops le fils du Sougri : « Quand un pays n’est pas en paix, c’est difficile de parler de culture »

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Ferdinand Tapsoba, ingénieur des travaux du cinéma et de l’audiovisuel, s’est aussi lancé dans la musique avec le pseudonyme de Khéops, le fils du Sougri. Khéops, explique-t-il, pour rendre hommage à « un grand pharaon égyptien ». Dans les lignes qui suivent, l’artiste dévoile sa carrière entre cinéma et musique et parle de ses engagements dans l’humanitaire.

Burkina 24 (B24) : Votre formation d’origine c’est le cinéma. Actuellement, vous vous êtes lancé dans la musique. Quelle activité prédomine ?

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Khéops le fils du Sougri : C’est échelonné au fait. Actuellement, l’activité qui prédomine c’est vraiment la musique, mais je ne lâche pas le cinéma. Dans le cinéma, il y a les musiques de film qu’on me demande souvent, il y a des doublages. Quand un film est fait en français, on veut ça en mooré, en dioula et en fulfuldé, je fais ça. Il y a également la composition de musiques de film, les deux sont liés mais c’est prioritairement côté son, quand on veut parler du cinéma, que je fais actuellement. Sinon, c’est vraiment la musique et le son qui prédominent actuellement.

B24 : D’où est venue votre envie de plus prioriser la musique dans votre carrière ?

Khéops le fils du Sougri : J’ai la chance d’être un artiste pluridisciplinaire et en toute chose, quand tu veux exceller, il faut que tu te donnes plus à un des domaines. A un moment donné, je me suis rendu compte que si je veux rester et dans le cinéma et dans la musique, je risque d’être passable partout. J’ai décidé de mettre une pause dans le cinéma et de m’adonner à fond dans la musique. Voilà comment est venu le choix.

Sinon je faisais la musique et le cinéma et quand j’ai décidé de faire mon tout premier album solo, c’est là que j’ai vu que ça allait être un peu difficile parce que la musique c’est vraiment un grand champ, le cinéma également c’est un grand champ. Ça demande trop de temps, beaucoup d’investissements. Il fallait faire un choix, donc j’ai fait le choix de rester d’abord dans la musique. Peut-être que plus tard, le génie du cinéma va se réveiller.

B24 : Dans quel genre musical évoluez-vous ?

Khéops le fils du Sougri : J’évolue dans l’afro pop qui est une musique hip hop avec beaucoup de coloration, de sonorité de chez nous. Moi je l’appelle afro pop parce que, c’est de la pop mais ce n’est pas la pop américaine ni la pop française. Pour moi c’est la pop africaine, voilà pourquoi je l’appelle afro pop.

B24 : De manière générale, est-ce que ce genre arrive à s’imposer sur la scène nationale ?

Khéops le fils du Sougri : Pour l’instant non. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis dans ce combat parce que beaucoup de culture se sont imposées à nous. Pendant longtemps, sans le savoir, nous mêmes nous avons contribué à valoriser la culture d’autres pays. Maintenant, quand tu as les yeux bien ouverts, tu as envie maintenant de valoriser ta culture. Mais nous sommes dans un processus de mondialisation où les gens ont besoin que tu prennes aussi de chez eux. Il y a des musiques qui sont déjà imposées de par le monde, comme le hip hop, le rap.

Il faut partir de ce qui existe déjà pour apporter quelque chose de plus. Je ne suis pas seul, il n’y a pas mal d’artistes qui ont embrassé également ce style et je crois qu’au Burkina Faso, ça commence à faire tâche d’huile parce qu’on a beaucoup d’artistes qui ont des singles qui sont un peu dans ce registre-là.

Quand je prends par exemple le tout dernier de Floby, vous prenez Weedo, ça n’a rien avoir avec du Warba. C’est afro, parce que si vous écoutez la musique qu’il y a derrière Weedo, c’est vraiment de la musique de recherche. C’est de la musique qui peut côtoyer la musique de James Brown. Mais le fond sonore, c’est du warba. Donc, ça a commencé à prendre. Je dirai que pour l’instant, ce n’est pas un style qui s’impose sur le plan africain mais au plan local, c’est un style qui commence déjà à faire ses preuves et j’ai foi que ce style va s’imposer au-delà même de l’Afrique.

Personnes déplacées internes : « A l’heure-là, nos autorités, si on compte sur elles, nous allons prendre une grande honte »

B24 : Parlez-nous de votre discographie.

Khéops le fils du Sougri : J’ai trois albums à mon actif dont deux en solo. Mon premier album est sorti au Mali en 2009. J’étais en groupe avec Gorzias. Plus tard, il a un peu laissé la musique et moi j’ai poursuivi. En 2015, j’ai mis sur le marché mon tout premier album solo intitulé « Boudia » qui est un album de 12 titres et en novembre 2018, j’ai mis encore sur le marché du disque, mon deuxième album solo, « Rognmika », un album de 17 titres avec un bonus.

B24 : Comment les mélomanes ont apprécié ce dernier album là ?

Khéops, le fils du Sougri : Je dirai très bien. Quand l’album a été lancé, c’était vraiment bien. Ça avait commencé à prendre mais malheureusement vous connaissez la situation dans notre pays actuellement. La sécurité n’est plus ça et pire, il y a une grande instabilité politique. Du coup, quand il n’y a pas de stabilité politique, il n’y a pas de sécurité, il n’y a pas de paix, c’est difficile pour les artistes de vendre et de se faire vendre.

Cela a joué sérieusement sur la progression de l’album. Ça a fait régresser un peu les ventes mais nous sommes en train de trouver des moyens pour nous réadapter à la situation. Ce qui est important actuellement, ce n’est pas la carrière individuelle de chaque Burkinabè, c’est plutôt la situation nationale qui doit prédominer. On espère et on prie pour que le Burkina puisse retrouver la voie de la paix, pour que les différentes affaires au niveau de la culture puissent reprendre également.  C’est ce que je peux dire sur la santé de cet album sur le plan national.

B24 : En termes de projet, quelles sont les projections de Khéops, le fils du sougri ?

Khéops, le fils du Sougri : A court terme, il faut dire que dans l’album « rognmika », il y a un son « Koyé », nous avons d’abord travaillé à faire voir cette chanson. Nous sommes en train d’aller vers la fin de la phase de la promo de cette chanson « koyé ». Elle va prendre fin en octobre, et en novembre nous allons commencer la promo de la deuxième chanson, choisie par le staff bien sûr qui est « Gnongolo » qui veut dire la joie des enfants.

Cette promo va commencer en novembre. Nous allons commencer, à travers les maternelles et les écoles primaires. Il y a une série de concerts gratuits qui est prévue dans certaines écoles primaires, certaines maternelles. Nous allons finaliser cette promo en décembre avec un grand concert à Bangrwéogo. Nous allons également faire le lancement du clip qui est déjà tourné depuis décembre. En Janvier, nous allons lancer la promo de la chanson « Rognmika » qui est le titre éponyme de l’album que je viens de lancer. Voilà ce qu’il y a pour les projets à court terme.

A long terme, il y a des featurings que j’ai déjà prévus. Il y a un featuring dans l’album avec Naki Zerbo qui est une figure emblématique de la musique au Faso. Egalement, un single en featuring avec Pamika, avec Frère Malcom, Jah Verithy et j’en passe. Après ces featuring, nous allons commencer à voir si on peut faire une tournée régionale parce que comme je l’ai dit tantôt, la situation sécuritaire actuellement ne permet pas de pouvoir sillonner toutes les 13 régions.

B24 : Il y a toujours ce débat sur la présence des artistes musiciens burkinabè sur les grandes scènes internationales. Existe-t-il des freins ?

Khéops le fils du Sougri : Il y a plusieurs choses qui peuvent expliquer cela. Il faut savoir que d’abord qu’il y a un processus. C’est un circuit qu’il faut créer. Si vous prenez des pays comme le Congo, la Côte d’Ivoire, ce sont des gens qui ont laissé des bases. C’est-à-dire, les devanciers ont travaillé à laisser des bases et actuellement, la génération actuelle ne fait que suivre ces traces qui ont été laissées.

Il faut que le Burkina Faso arrive d’abord à asseoir des bases et je crois que ces bases sont en train d’être mis en place. Si vous voyez au Etats-Unis, en France, au Canada, au Belgique, il y a des associations burkinabè qui se mettent en place et qui essaient de faire voyager des artistes burkinabè.

Le second aspect, il faut que les Burkinabè comprennent qu’on n’est pas un pays isolé du monde. C’est un pays qui fait partie du monde entier. Il faut que nous essayions de nous ouvrir aux autres cultures. Ça va permettre des fenêtres et des portes de sortie également pour notre musique et le troisième aspect, c’est que nous n’avons pas encore de promoteurs de spectacle qui ont assez de poigne pour pouvoir imposer la musique burkinabè sur le plan international. Nous avons des promoteurs de spectacle, nous avons des managers mais ils n’ont pas assez de poigne ou du moins je dirai qu’ils n’ont pas assez d’ambitions.

Quand tu manages un artiste comme Dez Altino, qui a tout prouvé au Burkina Faso, tu n’as plus rien à faire dans les 13 régions du Burkina Faso. Tu dois plutôt voir comment l’impose en Côte d’Ivoire ou au Mali et quand tu sors un album et que tu te remets à courir au Burkina Faso, il y a des questions à se poser. Est-ce qu’on est suffisamment fort à aller à l’extérieur ou pas ? Il y a tout un ensemble de questionnements qu’il faut se poser.

Dernier aspect, il faut que le Burkina apprenne à être fier de ce qui vient de chez lui parce que tant que nous ne serons pas fiers de consommer ce que nous produisons, nous n’allons pas pouvoir faire voir ça aux autres. Nous consommons plus de la musique de l’extérieur que de la musique de chez nous, pas que de la musique, tout ce qui est produit. La qualité technique est là, la qualité artistique est là. Il faut la qualité pour la faire voir maintenant.

B24 : Actualité oblige, jusqu’à quel niveau ressentez-vous l’impact de l’insécurité sur la culture ?

Khéops le fils du Sougri : Je disais tantôt que mon album avait pris un bon envol et que la situation n’a pas permis que cela perdure. Donc, je le ressens déjà de par mes sorties qui ont été ralenties. Je le ressens de par la vente des discs. Je le ressens également de par la programmation des concerts, ça c’est personnel.

Mais de façon générale, je pense que mes collègues artistes également le ressentent. On a de moins en moins de festivals. Beaucoup d’activités qui se faisaient dans les régions, on ne les fait plus, même au niveau de la capitale, il y a beaucoup de festivals qui n’ont pas pu se tenir à cause de cette situation.

Quand un pays n’est pas en paix, c’est difficile de parler de culture. Quelqu’un disait tantôt que la culture, c’est pour ceux qui ont bien manger, moi je ne partage pas son point de vue mais je vais juste le paraphraser en disant que la culture c’est pour les pays qui sont en paix. Quand vous n’avez pas la paix, la priorité pour vous c’est de la recouvrir. Si vous arrivez à recouvrir une stabilité politique, une stabilité au niveau de la sécurité, vous pouvez en ce moment parler de culture.

B24 : Vous êtes aussi dans l’humanitaire suite au déplacement massif des Burkinabè du fait de l’insécurité. Pouvez-vous en parler ?

Vidéo – Situation des déplacés : Le Coup de gueule de Khéops

« C’est une situation qui est, déplorable n’est même pas le mot qu’il faut, c’est une situation humiliante et si le Burkina est le pays des Hommes intègres, il faut que nous sortons de cette situation, sinon, nous allons devenir le pays de la honte de l’Afrique (…).

On est ici dans la capitale, on se plaint mais on n’a encore rien vu. Il faut aller sur les lieux pour savoir que la situation ne concerne même plus que le Président. Il faut même qu’on oublie qu’on a un Président (…) A l’heure-là, nos autorités, si on compte sur elles, nous allons prendre une grande honte ».

https://youtu.be/GeAHbZ1cKCw

Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE et Eliette ZOUNGRANA (Stagiaire)

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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