Burkina : Un directeur d’école primaire écrit au ministre de la Fonction publique

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Ceci est une lettre ouverte d’un enseignant au ministre en charge de la fonction publique;

Monsieur le Ministre, il y eut un temps ou notre fonction publique portait les griefs d’une fonction publique à double vitesse. Les deux poids deux mesures étaient légions. C’est sans doute au regard de cela que la loi 081 CNT du 15 novembre 2015 portant statut général de la Fonction Publique d’Etat a vu le jour après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 dont la finalité était d’aplanir les iniquités entre les agents de la Fonction Publique. Cette loi, qui à l’entendement de tous  devrait sonner le glas de l’injustice entre les agents de la Fonction Publique, stipule que ces derniers  ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.

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En effet, en ce qui concerne les droits du fonctionnaire, l’article 89 du chapitre V de la loi 081 stipule : «  L’avancement d’échelon qui se traduit par une augmentation de traitement a lieu tous les deux ans pour le fonctionnaire dont la moyenne des notes calculée sur la même période est au moins égale à six sur dix. »

En termes clairs, après deux ans, tout agent remplissant les conditions de la note ci-dessus référenciée devrait bénéficier automatiquement de son avancement. Cependant, depuis votre arrivée, les choses semblent évoluer dans le sens contraire.  En tout cas, pour une certaine catégorie d’agents. En effet, de la fonction publique à double vitesse combattue de haute lutte, nous sommes retombés dans une Fonction publique à trois (3) vitesses. Du reste, si vos prédécesseurs n’ont pas apporté grand chose pour l’amélioration de ce Ministère, ils ont au moins eu le mérite d’avoir conservé les avancées majeures amorcées par le sieur Soungalo Ouattara.

Dans notre fonction publique actuelle, il faut oser le reconnaître, il y a les uns, les autres et les « et cetera ». Les uns sont les privilégiés parce que « forts » ou « craints ».

Ceux-là bénéficient de leurs droits et même des avantages supplémentaires sans bouger le pouce. Les autres ne sont pas loin des uns, à la différence qu’eux ils obtiennent leurs droits après des mouvements d’humeur savamment organisés. Quant aux « et cetera »,  ce sont les laissés-pour compte, les parents pauvres de la Fonction publique, les mal-aimés. Ces derniers, pour avoir un simple acte d’avancement sous votre magistère font la croix et bannière.

Parmi ceux-là, les agents de l’éducation en général et les enseignants en particulier occupent les premières loges. Le sentiment d’abandon social et administratif par votre département anime actuellement les agents de l’éducation perdus et désemparés face au sabotage de leurs carrières orchestré et planifié par certains agents de votre département qui ne se cachent plus pour les rançonner avant de traiter leurs actes.

En effet, c’est sous votre  magistère que les agents de l’éducation connaissent le grand retard, jamais égalé, dans le traitement de leurs actes de carrière :

  • Cinq ((5) sans avancement ;
  • Huit (8) mois sans salaire ;
  • Trois(3) à quatre (4) ans après un examen ou un concours sans être reclassé ;
  • Quatre (4) ans de service sans être titularisé ;
  • Des actes de bonification et d’avancement élaborés avec des erreurs intolérables et visibles à l’œil nu du profane mais signé par votre Secrétaire général et passé sous le scanner du contrôle financier.
  • Blocage du système alias ;
  • Des demandes de régularisations de situation administrative qui traînent dans les tiroirs.

Monsieur le Ministre, actuellement on est droit de se poser un certain nombre de questions car notre inquiétude va grandissante. Entre autres : Quel souvenir voulez-vous laisser aux agents de la Fonction Publique en général et les enseignants en particulier ? Quelles sont les innovations majeures que vous comptez apporter pour améliorer la Fonction Publique en déphasage avec nos réalités ?

En attendant, sachez que les agents de l’éducation ont les yeux rivés sur vous ; leurs carrières sont en déliquescence dans votre département et si rien n’est fait, les jours suivants s’annoncent tendus. Nous risquons de fermer nos classes pour venir suivre le traitement de nos actes de carrières à Ouagadougou et vous serez tenu pour responsable des conséquences dommageables sur le rendement scolaire. Nous nous organisons à cet effet.

Mais sachez que les enseignants souffrent déjà énormément dans les localités les plus reculées et les plus inaccessibles du pays pour distiller le savoir et vaincre l’obscurantisme sous toutes ses formes. Il y a de ces zones où se déplacer n’est plus chose aisée avec la situation sécuritaire. Mais au lieu de les encourager, vous semblez les mépriser.

Sinon, comment expliquez-vous la gestion chaotique de leurs carrières au sein de votre département. Au-delà des retards constatés dans le traitement des actes de carrière, il y a une certaine négligence inouïe, voire un sabotage dans le traitement des actes qui se traduit par les erreurs  dans l’élaboration des actes de carrières.

Monsieur le Ministre, savez-vous que votre contrôleur financier vise les actes qui dans le fond portent des erreurs? (Voir pièces jointes en annexe). Alors que, généralement le contrôle financier est plus regardant même aussi dans la forme que le fond. Il fait respecter la conformité de l’acte avant sa signature. Aussi, votre Secrétaire général bien que très chargé, devrait se méfier de signer les actes sans au moins demander ne serait-ce qu’à une personne de confiance de vérifier la conformité car à cette allure, j’ai bien peur qu’il ne signe un jour sa propre lettre de démission sans s’en rendre compte.

Et pire, non content d’avoir commis des erreurs sur nos actes de carrière, il nous est  exigé une demande manuscrite timbrée assortie d’un certain nombre de pièces pour la régularisation. Ainsi donc, les centaines d’enseignants concernés devront abandonner leurs classes au moins une semaine pour venir à Ouagadougou, poiroter avant de déposer cette demande  de régularisation de situation administrative.

Pour ce faire, il ne viendrait à l’esprit d’aucun supérieur hiérarchique de refuser une autorisation d’absence à un agent concerné. On est donc parti pour une année scolaire perdue si rien n’est fait d’ici la reprise du deuxième trimestre. Pourtant, votre département devrait  logiquement assumer toutes ces erreurs qui lui sont imputables.

Monsieur le ministre, les enseignants ont assez patienté et il est temps de trouver une solution définitive à cette situation que nous qualifions de « prise en otage » de nos carrières. Au 21e siècle, on ne devrait plus être à une Fonction publique de fonctionnement mais à une fonction publique de développement.

Il faut avoir le courage de rompre avec les vieilles habitudes et aller à une réforme complète et opérante de la fonction publique. Pour ce faire, la digitalisation en est une alternative à long terme. Mais avant, il faut urgemment trouver des initiatives pour apurer dans un bref délai le passif (mandatement, reclassement 2016, 2017 et 2018, avancement 2017, titularisation des agents recrutés entre 2014 et 2019, entre autres). Nous proposons la mise en place d’un comité spécial commis à cette tâche sans délai.

Monsieur le Ministre, chaque génération a sa mission qu’elle doit accomplir ou trahir. Nous osons croire que vous nous sortirez de cette impasse. Dans l’espoir que cette missive vous parviendra et suscitera une prompte réaction de votre part,  monsieur le Ministre, veuillez recevoir  l’expression de mes sentiments cordiaux et respectueux.

Fait à Bobo-Dioulasso le 17 décembre 2019

BAMOGO Ousmane

Instituteur Principal

Directeur d’école Primaire

Contacts : 70 40 01 66

Mail : [email protected]

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