Tribune -Sommet de Pau : Un nouvel élan pour le contre-terrorisme dans le Sahel

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Ceci est une analyse de Guillaume Lafargue sur le sommet de Pau.

Réunis ce 13 Janvier au Château de Pau, la France et ses partenaires du G5 Sahel ont réaffirmés l’importance de Barkhane dans la sécurisation de la région. C’est autour de quatre piliers que s’articulera le dispositif dont les objectifs, s’ils restent largement militaires, insistent maintenant très nettement sur les enjeux décisifs de la gouvernance et du développement.

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Le principal objectif du sommet de Pau était de clarifier les attentes des états du G5 Sahel, vis-à-vis de la France, dans la lutte contre le djihadisme dans le Sahel. Or, malgré la diffusion de narratifs anti-français dans une partie de leurs opinions publiques, les chefs d’états du G5 y ont bien admis la nécessité de la présence française en exprimant « le souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France au Sahel ». La France veut maintenant capitaliser sur cette démonstration d’unité afin de bien insister sur la convergence des objectifs, les conditions d’emploi des forces et une plus forte mobilisation internationale.

C’est dans cet esprit que le sommet accouche aujourd’hui d’une nouvelle organisation : la « coalition pour le Sahel » afin de coordonner l’action dans « un nouveau cadre politique, stratégique et opérationnel ».

La France insiste sur le fait qu’il ne s’agit non pas d’une énième initiative mais plutôt d’une rationalisation de l’existant destinée à améliorer la conduite générale et l’articulation des opérations militaires et civiles. Il s’agit aussi de promouvoir un « engagement international renforcé ». L’action de cette « coalition pour le Sahel » s’articulera autour de quatre piliers autonomes dans leurs modalités tout comme dans leurs conduites mais complémentaires dans leurs finalités.

  • Deux piliers militaires qui s’articulent…

Le volet militaire demeure primordial et regroupe les opérations militaires dédiées à la lutte contre le terrorisme. Centré autour de l’opération Barkhane, il dotera la « coalition pour le Sahel » d’un commandement conjoint avec la force militaire commune, en cours de construction, du G5 Sahel afin d’autonomiser puis d’articuler au mieux les forces sur le théâtre d’opération.

Il s’agira également d’intégrer au mieux les partenaires internationaux désirant participer aux opérations : comme la Task Force Takuba, regroupant des forces spéciales européennes. L’idée générale pour l’Armée française est de déléguer des zones secondaires du théâtre à des partenaires afin de gagner en souplesse d’emploi et ainsi recentrer son dispositif sur la région des trois frontières, la plus critique aujourd’hui. La France a par ailleurs confirmé le renforcement annoncé de son dispositif militaire par l’envois de 220 soldats supplémentaires portant l’effectif à plus de 4700 militaires.

L’intégration renforcée des forces du G5 Sahel, individuellement ou au sein d’une force commune, à l’opération Barkhane est un fondamental pour une résolution militaire à long terme. Toutefois elle exige un haut-niveau d’interopérabilité et par voie de conséquence d’équipement et d’entrainement. L’armée française et plus modérément l’EUTM Mali œuvrent déjà en ce sens. Toutefois le P3S, à l’initiative de la France, est annoncé comme décisif dans la résolution future de cet objectif.

Ces initiatives ont reçus un blanc-seing des chefs d’état du G5 qui ont même « souhaité une accélération et une amplification des efforts de formation, d’aguerrissement, de soutien logistique, d’entrainement et d’équipements des armées des pays du G5 Sahel » La montée en puissance matérielle a d’ailleurs déjà commencé avec les perceptions des blindés de transport de troupes Bastion ou des véhicules ALTV.

Toutefois l’intégration de matériels performant nécessite un effort réel dans l’entrainement des soldats, et surtout des cadres, sans quoi leur usage peut rapidement devenir inutile voire contre-performant. A terme, la montée en puissance militaire des pays du G5 Sahel pourrait déboucher sur la constitution d’une véritable pensée stratégique sahélienne, accélérant l’autonomisation de ses forces : le cas de la Maurétanie est à ce titre très encourageant.

  • … avec une incrémentation importante des capacités de gouvernance dans le Sahel

 

Résultats opérationnels et formations des militaires sont intimement liés à l’amélioration de la gouvernance : une armée efficace ne peut fonctionner que sur la base d’un état aux institutions stables et solides. Par ailleurs les groupes djihadistes ont tendance à remplir les vides laissés par le déficit de légitimité de l’état. Un déficit lié à son absence ou bien son indifférence au sort d’une partie de sa population pour des raisons ethniques ou politiques.

Ce chantier s’annonce déterminant car il est consubstantiel avec les effets militaires. On notera que la problématique à été prise au sérieux lors du sommet par le G5 qui a déclaré vouloir : « prendre toutes les mesures visant à accélérer un retour de l’administration et des services publics sur l’ensemble des territoires concernés par la question ». Ce pilier s’appuiera sur le P3S, afin d’incrémenter les capacités de police, de gendarmerie, de douane et de justice des pays du G5.

Enfin, une gouvernance de long terme doit s’accompagner de création de richesses, de capacités de production et d’infrastructures. C’est pourquoi le sommet insiste, dans son quatrième pilier, sur la redynamisation de l’« Alliance Sahel ». La France en est le pilote actuel mais n’est pas hostile à une présidence européenne tournante. Enfin les chefs d’états du G5 ont appelés leurs partenaires internationaux à « concrétiser les engagements pris en décembre 2018 à la Conférence des donateurs de Nouakchott pour la mise en œuvre du Programme d’Investissement Prioritaire (PIP) »

La France semble avoir réussi son pari de tracer une nouvelle trajectoire à l’aide d’une légitimité ressourcée. Critiquée pour le manque de vision de son opération, les quatre piliers de sa « coalition pour le Sahel » tracent aujourd’hui un Effet Final Recherché clair : battre militairement les GAT tout en supprimant le terreau politique, social et économique sur lequel ils prospèrent. 

Si l’action de la France demeure résolument militaire les questions liées à la gouvernance et au développement sont prises à bras le corps. Elle assume son rôle cadre et central dans la gestion de la crise et propose à ce titre d’héberger la coalition. Mais on note aussi sa volonté claire d’être épaulée plus largement par ses partenaires européens, directement concernés par la situation. Les mois à venir seront déterminants afin de mesurer les retombées concrètes du sommet.

Car il ne fait guère de doute que la menace française de retrait est sérieuse et qu’elle mettrait dans l’embarras autant le G5 que les européens, tant son impact est structurant dans la région.

Guillaume Lafargue

Journaliste indépendant

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