Me Guy Hervé Kam : Roch Kaboré « a toutes les cartes pour être immortel »

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Le Coordonnateur national du Mouvement SENS (Servir et non se servir), Me Guy Hervé Kam était dans les locaux de Burkina24, le mercredi 10 mars 2021. Au menu des échanges, entre autres, le point de la participation du Mouvement aux élections législatives du 22 novembre 2020. Me Kam est également revenu sur la question du moment, à savoir, la Réconciliation nationale et il n’a pas manqué d’exprimer les attentes du mouvement dont il a la charge vis-à-vis du nouveau gouvernement burkinabè.

Burkina Faso (B24) : Comment se passe les relations entre vous et les anciens camarades du Balai citoyen depuis que vous êtes passé dans la politique ?

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Me Guy Hervé Kam (Me Kam) : Nous avons, avec les camarades du Balai citoyen, parce que ce ne sont pas des anciens camarades, ils restent toujours des camarades, des amis, des frères, avec lesquels nous avons cheminé longtemps mené des combats très important.

Nous considérons que nous qui sommes partis pour mettre en place le mouvement SENS, nous n’avons pas trahi le combat. Au contraire, nous  avons donné une autre dimension à ce combat. A partir de ce moment, nous  gardons toujours les meilleures relations possibles.

Je dis toujours que lorsqu’on est camarade et que on est ami, chacun dans son rôle, doit pourvoir être le plus performent possible. J’attends toujours de mes camarades du Balai citoyen, qu’ils continuent toujours dans ce cadre, ce beau combat et ce beau combat implique que le rôle de veille soit joué à l’égard de tout le monde, même à l’égard des camarades qui sont partis. On dit toujours que ‘’qui aime bien châtie bien’’ (Rires). Donc la vie, c’est comme ça, mais en dehors de tout, on reste des amis.

B24 : Pour un premier pas à des élections, notamment celles législatives du 22 novembre 2020, quel bilan le Mouvement SENS a dressé après ces échéances électorales ?

Me Kam : Sur le bilan comptable, au titre des résultats, c’est très simple à faire. On n’a pas eu de député. On avait 17 listes plus la liste nationale. Mais au-delà de cette partie du bilan comptable, nous restons convaincus, au regard de la campagne et des résultats, que notre message est véritablement passé.

Déjà, il n’y a qu’à voir le niveau où se situe le mouvement quand on fait une classification, et pour un mouvement qui est sorti le 2 août et vous s’aviez bien qu’à partir du 3 août, le Conseil supérieur de la communication (CSC) avait estimé qu’il ne fallait plus couvrir les activités politiques qu’on jugeait comme constitutives de pré-campagne, nous n’avons pas bénéficié d’une bonne couverture (médiatique).

Mais le message a quand même séduit. L’élément vraiment important que nous retenons, c’est que lorsque nous avons lancé le mouvement, nous avons reçu une vague de sympathie et d’adhésion. Nous sommes allés à la campagne et après les élections, nous avons encore reçu une vague de sympathie et d’adhésion. C’est pour nous des éléments de mesure qui montrent que le message est passé. Pour nous, c’était le plus important.

Notre objectif en nous engageant de façon plus concrète dans la politique, c’est comme nous l’avons dit, de transformer l’action politique. C’est de réconcilier la politique avec ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, c’est-à-dire, servir et non se servir. A partir de ce moment, si vous vous rendez compte que c’est un discours qui rencontre un écho favorable, vous vous dites ‘’tiens, on n’a eu raison de le faire’’.

Maintenant, il faut mieux s’organiser, mieux se structurer pour pouvoir faire en sorte que l’accueil favorable du discours se manifeste aussi par des votes dans les urnes et ça, c’est un long combat.

B24 : Selon un rapport du REN-LAC, la corruption électorale a été palpable lors du scrutin du 22 novembre. Finalement, est-ce que votre intention de rupture n’est pas illusoire ?

Me Kam : Non, elle n’est pas illusoire. Si nous considérons notre intention, notre volonté de rupture, de réconciliation de la politique avec le sens de servir comme une illusion, ça sera très grave. Ça veut dire qu’il ne faut pas simplement arrêter, il faut même mourir, puisqu’en ce moment, on vit pour rien finalement.

Nous ne pensons  pas que c’est une illusion. Nous pensons tout simplement que ça demande plus d’engagement et plus de travail. Notre espoir est que l’ensemble des Burkinabè qui ne sont pas engagés et qui entendent ça, ne se disent pas ‘’oh là là, c’est perdu’’, mais se disent  ‘’oh là là, il faut qu’on se lève’’.

En fait, c’est ça notre objectif. Que plus personne ne reste dans sa zone de confort parce que le problème est suffisant grave pour que quelqu’un laisse cela pour s’occuper d’autre chose. J’aime prendre ces mots heureux de Aimé Césaire qui aimait dire ‘’gardez-vous de croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur car la vie n’est pas un spectacle’’. La vie d’une nation n’est pas un spectacle.

Et quand les choses sont aussi graves avec un tel degré de pourriture, ça demande de nous autres engagés, plus de courage, plus engagement. Ça demande à ceux qui ne sont pas engagés, de ne pas croiser les bras en l’attitude du spectateur.

B24 : Vous avez parlé de ‘’degré de pourriture’’. Sur le terrain, avez-vous été confrontés à des situations que vous n’imaginez pas rencontrer en politique ?

Me Kam : [La réponse dans cette vidéo]

Corruption électorale : Le coup de gueule de Me Guy Hervé Kam

Burkina 24

B24 : A la faveur de ces élections effectivement, il y a eu une reconfiguration de la scène politique. L’ancien chef de fil de l’opposition a rejoint la majorité. Avec ce remue-ménage, quelle lecture faites-vous ?

Me Kam : Déjà, on peut dire qu’il y a une sorte de tourbillon actuellement dans la scène politique. On ne sait pas exactement comment ces alliances vont fonctionner. Aujourd’hui, il y a une sorte de tsunami qui fait que les gens se retrouvent partout. Il n’y a plus d’idéologie possible.

Les libéraux s’allient aux socio-démocrates et finalement, on se dit ok. Après tout, ça doit pouvoir s’apaiser pour qu’on ait une lecture. Mais cela confirme au moins une chose, c’est que quand les gens s’engagent en politique, très peu vont avec vraiment un projet pour les populations. Quelqu’un le disait et je suis d’accord avec la personne, que la politique est devenue l’échelle la plus courte vers l’ascension sociale. Donc en réalité, c’est tout à fait normal qu’on assiste à ces tourbillons.

B24 : Le fait que les gens ne vont plus en politique par idéologie mais pour s’agripper à certains avantages, cela ne dessert pas la démocratie ?

Me Kam : Ça desserre la démocratie ! Le postulat de la démocratie est que la population, les citoyens, sont des gens vertueux.

Lorsqu’on dit que dans la démocratie, des personnes vont prendre leur souveraineté pour mettre entre les mains d’autres personnes pour exercer à leur place, ça suppose que celui qui donne est un homme vertueux et qu’il donne en tout âme et conscience, que celui qui reçoit est une personne vertueuse et que donc elle soit en tout en âme et conscience et qu’elle va faire le travail aussi en tout âme et conscience. Mais, si en lieu et place, on a plutôt des gens qui marchent pour leurs intérêts personnels, on se rend compte qu’on n’est pas dans la démocratie.

Alors pas du tout ! Nous sommes dans une démocratie formelle parce qu’on a des institutions démocratiques, mais un élément de base qui est l’humain, cet homme vertueux, n’existant pas, tout le reste n’est qu’en réalité de la supercherie.

B24 : Par rapport à cette configuration, il y a certains Burkinabè qui pensent qu’actuellement on a une opposition de nom. Est-ce que vous pensez que l’opposition a été affaiblie à l’issue des élections ?

Me Kam : Je ne pense pas qu’on puisse dire que l’opposition a été affaiblie. C’est vrai, des partis dits importants qui étaient dans l’opposition sont partis dans la majorité. Maintenant, l’opposition, ce n’est pas forcément une question de nombre, c’est une question de crédibilité.

Notre pays a connu jusqu’en 2010, des Assemblées nationales avec des oppositions très minoritaires, mais qui étaient des oppositions responsables qui ont pu mener des combats. Donc, la capacité de l’opposition aujourd’hui ne doit pas se mesurer forcement au nombre.

Les mêmes personnes qui sont dans la majorité aujourd’hui auraient pu rester à l’opposition. Elle serait forte en nombre mais ne pas faire le job. Si on a une opposition organisée et dynamique, c’est le jeu normal de ‘’check and balance’’ pour que le jeu politique normal continue. Donc tout est question en réalité d’organisation, d’efficacité de l’opposition et non du nombre.

B24 : Finalement, votre mouvement se place dans quel Camp ? Majorité ou Opposition ?

Me Kam : D’abord la question se pose pour les partis politiques. Nous ne sommes pas un parti politique. Aujourd’hui, nous sommes un mouvement politique et notre ambition est, dans le cadre de la réorganisation que nous sommes en train de faire, d’unir dans notre groupe, les Burkinabè patriotes qui accepteront d’aller au charbon pour changer la manière de faire la politique.

Nous ambitionnons travailler avec ces Burkinabè patriotes, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité. Leur orientation aujourd’hui n’est pas pour nous une préoccupation. Ce qui est une préoccupation, c’est qui est-ce qu’ils sont ? Est-ce que ce sont des gens avec qui nous estimons partager un certain nombre de valeurs ? Si nous estimons partager un certain nombre de valeurs notamment les valeurs de patriotisme, d’engagement et l’intégrité et bien, nous travaillerons avec ces gens qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité.

B24 : Nous allons aborder la question de la réconciliation nationale. Vous avez certainement eu vent des 5 chantiers du ministre en charge de la réconciliation nationale, Zéphirin Diabré. Que pensez-vous de sa vision ?

Me Kam : J’étais très sceptique sur la question de la réconciliation rien qu’à cause du mot « réconciliation nationale ». Et quand j’ai encore vu les cinq chantiers, du scepticisme, je suis devenu maintenant désabusé. [La suite de la réponse dans cette vidéo]

« Notre contexte n’est pas un contexte où il faut parler de réconciliation nationale » (Me Kam)

Burkina 24

B24 : Vous parlez de dialogue politique, mais on voit que çà et là, il y a des crises communautaires issues de l’action terroriste. Là, est-ce que la politique peut régler le problème ?

Me Kam : Alors, dans la réconciliation nationale, est-ce que les terroristes vont participer à la discussion ? On veut réconcilier le Burkina avec les terroristes ou bien qu’est-ce qu’on veut faire ? Le problème du terrorisme ne se règle pas par une réconciliation nationale sauf si on connait, si on veut discuter avec les terroristes. Mais si on veut discuter avec les terroristes, ça se fait dans le cadre d’un dialogue politique.

Quand on considère que des gens ont été déplacés, les raisons c’est quoi ? C’est le terrorisme. Mais quand on parle de réconciliation nationale, est ce qu’on va appeler les terroristes pour venir se réconcilier avec ceux qu’ils ont tués ? Si c’est ça aussi, qu’on nous le dise.

B24 : Vous avez tantôt abordé le volet politique de la réconciliation, certains Burkinabè craignent qu’il y ait un deal entre hommes politiques au détriment de la loi ou des victimes. Partagez-vous cette crainte ?

Me Kam : Oui, il y a des raisons légitimes de craindre. Mais quand je m’en tiens à ce que le président du Faso a dit, qu’il est sur ‘’vérité, justice et réconciliation’’. Quand je m’en tiens à ce que le président du parti majoritaire a dit triptyque ‘’vérité, justice et réconciliation’’.

Quand je m’en tiens à ce que le ministre d’Etat chargé de la réconciliation lui-même dit, je dis, très bien ! Ça veut dire qu’on reconnait qu’il faut passer par la case justice, par la case vérité et ensuite par la case réconciliation. Dès lors qu’on reconnait ça, on peut, tout en restant vigilant, penser que la réconciliation nationale ne sera pas une impunité nationale et que ceux qui ont à répondre, iront répondre. Maintenant, si les victimes veulent pardonner, qu’ils pardonnent.

Mais ce que je dis, c’est que ce sont des situations individuelles. Ce ne sont pas des situations collectives. Moi comme vous, je ne sais pas si vous en voulez à quelqu’un parce qu’il est ce qu’il est ou quelque chose comme cela. La réponse est non.

Il y a des victimes identifiées. Il y a des bourreaux identifiés. Si la réconciliation c’est amener ces personnes à se réconcilier, je suis d’accord. Mais en ce moment, ça ne sera pas une réconciliation nationale, ça sera quand même une réconciliation.   

B24 : Le Gouvernement a été mis en place depuis quelques mois. Quelles sont les attentes du Mouvement SENS vis-à-vis de cette équipe ?

Me Kam : Ce que je constate déjà, c’est qu’entre 2015 et 2020, le président (Roch) Kaboré a vu sa légitimité renforcée. Il a été élu au premier tour dans les deux cas, mais pour ce deuxième mandat avec une majorité plus forte donc il a une légitimité renforcée. Il est à son dernier mandat et je dis qu’il a toutes les cartes en main pour, en réalité, rentrer de façon définitive dans l’histoire de ce pays et d’être immortel.

Et pour cela, il faut que véritablement, il prenne un certain nombre de chantiers personnellement en main. Il s’agit du chantier de la sécurité, il s’agit du chantier de la gouvernance. Ces deux chantiers sont  fondamentaux qui tiennent en réalité tous les autres chantiers dans leur réalisation. On ne peut rien faire dans ce pays, santé, éducation, alimentation, on ne peut absolument rien faire s’il n’y a pas la sécurité. On ne peut absolument rien faire s’il n’y a pas la bonne gouvernance.

Alors, il est important que le président prenne en main propre ces deux chantiers et mettre ce pays véritablement sur les rails parce que je considère que le contexte est favorable. Il a la légitimité nécessaire pour faire cela parce que, après 2025, personne ne retiendra les noms des ministres ni même les noms des Premiers ministres. Tout le monde retiendra le nom du président Kaboré par contre.

Burkina24 : Vous avez tantôt parlé du dernier mandat Roch Kaboré. Dans plusieurs pays africains, des présidents sont revenus sur leur décision en modifiant la Constitution pour un troisième mandat. Avez-vous cette crainte que le président Kaboré ne revienne sur sa décision pour briguer un 3e mandat ?

Me Kam : Non ! Franchement, je n’ai pas cette crainte tout simplement parce que 2014 n’est pas loin. C’est encore frais dans l’esprit des gens et pour l’instant, aucun signe ne montre que le président Kaboré ne va pas respecter ses engagements.

On ne va pas se mettre forcément dans une logique masochiste à se faire peur pour rien. Notre Constitution actuelle prévoit que l’article qui consacre le mandat n’est pas révisable, le projet de constitution dans ses dispositions transitoires prévoit que même s’il est adopté, s’applique au mandat en cours.

Je ne vois pas en réalité ce risque dans notre pays. Au contraire, je suis convaincu qu’à partir de 2014, notre pays est résolument dans le sens de la démocratie et que tous les voyants sont là pour que nous puissions être cet exemple que beaucoup de pays francophones n’arrivent pas à franchir.

Elections municipales prochaines : « Le champ privilégié d’expérimentation » pour le Mouvement SENS

B24 : Les élections municipales ont été reportées en mai 2022. Mais est-ce que le mouvement SENS va être de la partie ?

Me Kam : Sans doute que nous allons être de la partie, parce que nous pensons que le vrai changement se passe à la base et nous sommes partisans de la démocratie à la base, de la démocratie participative.

Nous considérons ces élections locales comme le champ privilégié d’expérimentation de ce que nous pensons pouvoir faire au profit des populations. Nous y serons. Même si jusqu’à présent on prend acte, mais on se pose la question de savoir en réalité pourquoi ce glissement. En 2015, à la sortie de l’insurrection, de la Transition, on a pu organiser les élections présidentielle et législatives, puis organiser les municipales juste après. Cinq ans après, on n’arrive pas à le faire, c’est quand même un petit problème.

Burkina24 : Quel est votre dernier mot ?

Me Kam : Notre pays est dans une situation tellement difficile qu’il ne devrait pas se trouver aujourd’hui des Burkinabè indifférents. Aujourd’hui, ce pays, nous allons le construire ensemble ou alors, nous allons tous périr ensemble dans un pays mal construit.

Dans ces conditions, qui que vous soyez, femmes, hommes, jeunes, vieux, chacun, à un certain niveau, doit pouvoir réfléchir qu’est-ce que je peux faire pour mon pays. On a beaucoup réfléchi en termes de qu’est-ce que le pays peut faire pour moi, il faut maintenant changer le paradigme.

Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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