Réponse à l’appel au sacrifice de Thiéba : « Ce sont les autorités qui doivent se sacrifier »
« Si on s’endette, c’est pour créer de la richesse. On ne peut pas s’endetter pour payer des salaires, pour consommer. On ne peut pas bâtir une nation sans qu’une génération ne se sacrifie. Il faut se sacrifier pour relancer notre économie. Ceux qui disent qu’il faut s’endetter pour consommer, ce sont des apprentis sorciers. Il faut assainir la situation et c’est ce que nous sommes en train de faire ». Ainsi parlait le Premier ministre Paul Kaba Thiéba devant la Représentation nationale, le 6 mai 2016, à l’occasion de son discours sur la situation de la nation. Qu’est-ce que les étudiants pensent de cet appel lancé par le Chef du gouvernement ? Notre micro s’est promené à l’Université Joseph Ki-Zerbo à Ouagadougou. Réactions.
Boubacar Dicko
Oui, je pense que tout le monde doit se sacrifier parce que, comme il l’a dit, nous revenons de loin. Notre pays revient de loin après 27 ans de règne de Blaise Compaoré, après une transition assez compliquée.
On se retrouve à un moment assez difficile donc je pense que tout le monde doit se sacrifier maintenant. Comme on le dit si bien, chacun doit se sacrifier selon sa capacité.
Amadou Tindano
D’entrée de jeu, je dis que nous à notre niveau, on se sacrifie déjà. Cela n’est pas nouveau pour nous. Depuis la colonisation jusqu’à l’étape actuelle, les Burkinabè se sacrifient. Maintenant, c’est au niveau du gouvernement qu’on doit faire des efforts. Il y a actuellement des audits au niveau de la transition qui n’ont pas été faits.
Quand on dit au citoyen lambda de se sacrifier, nous on pense qu’au niveau du gouvernement, eux aussi ils doivent se sacrifier parce qu’on ne connait pas actuellement le salaire d’un ministre. Sur la base du décret de 2008, le ministre a un salaire qui avoisine 2 millions de F CFA, au-delà des avantages.
Le Premier ministre doit revoir son discours parce que c’est en leur sein qu’il y a le problème, pas au niveau du citoyen lambda.
Konaté Issaka
Je ne suis pas prêt à me sacrifier. Je pense que lui-même, il oublie comment il est arrivé dans le gouvernement. Si les gens n’étaient pas sortis chasser Blaise (Compaoré), il n’allait pas arriver, il n’allait pas être nommé ministre.
Les problèmes qui ont fait que les gens sont sortis chasser Blaise (Compaoré), ces problèmes-là demeurent.
Les gens ne veulent plus revivre ces mêmes problèmes-là. S’il y a sacrifice, c’est à leur niveau. Ce sont les autorités qui doivent se sacrifier pour satisfaire nos revendications.
Nous on a assez fait. A leur niveau, ils doivent se sacrifier maintenant.
S’ils peuvent là, le sacrifice commence par eux en faisant le bénévolat. Voilà, ils ne doivent pas prendre de salaire. Et s’ils oublient là, ils vont partir encore comme Blaise (Compaoré) est parti.
Soumaila
Quand le Premier ministre demande au peuple burkinabè de se sacrifier, moi je ne me sens pas concerné. Selon moi, l’exemple même doit venir des autorités.
Le Premier ministre n’est même pas un exemple pour nous demander de nous sacrifier. C’est parce que nous nous sommes sacrifiés qu’il est là.
Ce n’est pas quelqu’un, qui n’est même pas en mesure d’investir dans son pays, qui peut demander à un peuple insurgé de se sacrifier.
Il n’a même pas un non loti au Burkina. Ce qui suppose qu’il ne paie même pas d’impôts.
Le sacrifice, c’est nous qui devons lui montrer comment est-ce qu’on se sacrifie au Burkina. Et nous nous sacrifions suffisamment. S’il veut, il n’a qu’à nous demander de nous suicider maintenant. Combien coûte à l’Etat la gestion d’un ministre ?
On ne nous a jamais fait le point. Les frais de communication des ministres qu’on nous a communiqués, on ne sait pas c’est vrai ou c’est faux. Cela tend vers 400 000 F CFA. 400 000 F CFA, c’est le salaire de combien de salariés du public ?
Le fonctionnement d’un ministère globalement pris coûte combien ? On a demandé récemment aux gens de faire ne serait-ce que la déclaration des biens. On nous a fourni du dilatoire. Comme Bassolma (Bazié, secrétaire général de la CGT-B, NDLR) l’a dit, « le Burkina est un pays de savane ».
Ce que nos dirigeants nous ont montré n’a rien à voir avec la réalité. Pourquoi vais-je me sacrifier pour gens qui ne sont pas honnêtes avec moi ? Pour quelles raisons ? Au contraire, moi je demande à ce que le peuple s’organise pour qu’on puisse avoir un Etat réellement démocratique avec des dirigeants sérieux. Là le sacrifice en vaut la peine. Sinon, dans le contexte actuel, je ne vois pas pourquoi on doit se sacrifier.
Inoussa Sawadogo
Je trouve que c’est bien. Il est important, s’il est possible même d’éviter d‘emprunter de l’argent aux institutions internationales, cela va amoindrir les dettes que nous avons actuellement. Même si ce sera difficile de faire comprendre à tout un chacun le bien-fondé de cette entreprise.
Mais il est important aussi que ceux qui seront amenés à sensibiliser les gens sur ce fait puissent aussi une fois l’argent recueilli, l’utiliser à bon escient. Je suis prêt à me sacrifier.
Louise Kounbème
Nous on est prêt à se sacrifier. Si notre sacrifice peut vraiment aider notre pays à se développer, à ne plus emprunter de l’argent aux institutions internationales, nous invitons tous les Burkinabè à le faire. Puisque c’est pour notre patrie, il faut qu’on soit indépendant du côté financier et même intellectuel. En plus de cela, il faut que ce sacrifice puisse apporter beaucoup.
Issouf Ouédraogo
Le sacrifice, je pense que ce serait bien pour les Burkinabè de se sacrifier mais il va falloir que nos autorités se sacrifient d’abord.
Se passer des aides et des crédits que l’on prend du côté des institutions internationales, je pense que ce n’est plus possible parce qu’en 1990, ce sont les mêmes autorités qui ont signé les PAS, les programmes d’ajustement structurel.
Et si nous sommes dans cette situation, c’est parce qu’ils ont accepté signer les PAS à cette époque et aujourd’hui, nous voyons les conséquences.
Si les autorités n’avaient pas accepté signer les PAS, je pense que nous ne serons pas dans cette crise économique.
Le sacrifice devrait être à leur niveau avant d’être au niveau des citoyens burkinabè.
Propos recueillis par Mariam OUEDRAOGO (Stagiaire)
Burkina24
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