Commémoration du 3 janvier 1966 : Réflexion autour de la résurgence des coups d’État dans la sous-région ouest-africaine
Suite au décès du Dr Marius Ibriga, les membres de l’Unité d’action syndicale (UAS) ont commémoré en différé la date historique du soulèvement populaire du 3 janvier 1966 à travers un panel ce samedi 7 janvier 2023 à Ouagadougou. «La résurgence des coups d’État dans la sous-région ouest-africaine et ses enjeux : quelles perspectives pour les peuples ?», c’est sur ce thème que les réflexions ont gravité.
Selon Pr Léon Sampana, enseignant à l’université Nazi Boni de Bobo-Dioulasso, le coup d’État est devenu une tradition au Burkina après l’épisode du coup d’État avorté de 2015 porté par le général Gilbert Diendéré et ses hommes.
« En 2014, nous savons aussi que le Burkina Faso a enregistré deux coups d’État, avant que ne se mette en place une transition civilo-militaire. Et il faut savoir que le Burkina n’est pas une exception dans la sous-région. Parce que la résurgence des coups d’État est une réalité. On peut citer par exemple le Mali avec le coup d’État d’Assimi Goïta en 2020 qui sous la contrainte a cédé le pouvoir à un président civil avant de revenir à la charge encore pour faire un putsch en 2021 pour reprendre bien entendu ce qu’on peut qualifier comme étant sa chose », a-t-il retracé.
Léon Sampana a tenu à clarifier que le coup d’État est différent d’une insurrection qui est un soulèvement populaire contre un régime en place, a-t-il expliqué. Parlant de la révolution, Pr Léon Sampana a fait savoir que celle-ci fait appel à l’action des masses orientée par une idéologie qui bouleverse l’ordre social.
De ce qui précède, il admet que le coup d’État n’est pas une révolution mais une prise du pouvoir de l’intérieur du système sans passer par les voies constitutionnellement prévues.
«Trois critères cumulatifs peuvent être pris en compte pour parler de coup d’État. Déjà son origine, c’est le cercle de personnes qui font partie du système du gouvernement ou qui occupent des fonctions civiles ou militaires (…). Le second critère c’est l’aspect de la durée, le coup d’État se caractérise par sa soudaineté et par son caractère brusque. Le 3e critère que nous pouvons identifier, c’est la portée du coup d’État ; les effets ne remettent pas en cause le corps social ni l’ordre social (…)», a-t-il souligné.
Quant au Pr Mahamadé Savadogo, enseignant à l’université Joseph Ki-Zerbo, le coup d’État n’est pas le meilleur moyen d’accéder au pouvoir, si les initiateurs ont comme objectif une transformation profonde de la société.
«Le coup d’État peut susciter certaines réformes ponctuelles mais il ne peut pas organiser une transformation en profondeur de la société qui puisse mettre fin aux inégalités et qui puisse défendre de façon résolue la cause des marginalisés et des exploités», a-t-il dit.
Par ailleurs, Pr Mahamadé Savadogo a conseillé les Burkinabè en particulier et les peuples ouest-africains en général d’éviter d’accompagner (soutenir) les coups d’État dans leurs pays respectifs.
«C’est très important, parce que si vous les accompagnez, vous allez vous exposer à des déceptions, vous allez d’un soutien à un autre. Et justement dans notre cas, nous pouvons dire que si ces derniers temps, la conscience anti-impérialiste s’est beaucoup diffusée, l’anti-putschisme a encore du chemin à faire. Beaucoup d’organisations de jeunes restent accrochées aux idéaux putschistes et vont de soutien en soutien», a-t-il relevé en ajoutant que seule la diffusion de la «véritable conscience révolutionnaire» pourra les sortir de cette instabilité.
«Parce que la conscience révolutionnaire nous enseigne une leçon essentielle, la politique, ce n’est pas seulement la conquête du pouvoir mais la transformation de la société. Si vous devez arriver au pouvoir et vous retrouver prisonnier d’intérêts qui vous empêchent d’agir, alors cherchez à influencer la société autrement», a-t-il conclu.
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