Cuniculture : Le lapin pour révolutionner l’élevage au Burkina Faso
De plus en plus de jeunes se lancent dans la cuniculture, l’élevage des lapins. Passionnés de cet animal, ceux qu’il convient d’appeler la nouvelle génération de cuniculteurs n’évoluent plus dans l’élevage affectif, mais dans un vrai business. De l’élevage derrière les basses-cours, le secteur s’est modernisé avec des lapins pesant entre 2 et 10 kg dans des cages. Les différents acteurs de la chaine de production confirment que la demande est plus forte que l’offre. La cuniculture est un secteur très prolifique en Afrique, notamment au Burkina Faso. La cuniculture peut révolutionner l’élevage et lutter par ricochet contre le chômage. Bienvenue dans l’univers des lagomorphes !
Le 15 juillet 2023 à Korsimoro, dans la région du Centre-Nord au Burkina Faso, l’association « cercle des cuniculteurs » organise la 2e édition de la journée de sensibilisation sur les potentialités de la cuniculture. Des expositions de cages pour lapins, des aliments, des équipements pour l’élevage, une séance de dégustation et des communications sont présentés aux cuniculteurs et amoureux des lagomorphes aux longues oreilles.
Etant présents à cette rencontre, nous sommes touchés par cet animal. A l’issue du panel, nous nous rendons compte d’un secteur peu exploré et pourtant très porteur. De sa fourrure, en passant par sa viande, son urine et ses crottes, le lapin semble être utile sur toute la ligne. Autrefois la cuniculture était laissée à une activité d’enfance. Mais de plus en plus, les éleveurs migrent de l’élevage affectif pour en faire tout un business.
Dans l’optique de comprendre plus ce mammifère herbivore, reconnaissable grâce à ses longues oreilles et à sa petite queue touffue, nous entreprenons de rencontrer plusieurs acteurs de la chaine. C’est ainsi que le contact est établi pour rencontrer un cuniculteur. Abdrame Konseibo, est le promoteur de la ferme « Wendso », dans le quartier Wayalghin à Ouagadougou. Il pratique cette activité à domicile avec sa famille.
A notre arrivée, c’est une habitation normale sans visiblement la présence d’une ferme. Monsieur Konseibo est à la retraite depuis 2018. La soixantaine bien sonnée avec des cheveux blanchâtres, il nous fait visiter son clapier à la suite des désinfections des mains.
Il explique que son histoire remonte à 2017, où il fait la rencontre avec le lapin. Et c’est à sa retraite qu’il décide d’officialiser son amour en faisant une activité professionnelle. Débuté par l’aviculture, finalement c’est un amour de l’enfance qui vient mettre fin à cette relation pour une nouvelle aventure avec l’animal aux longues oreilles.
Son clapier se compose de lapins issus de plusieurs croisements pour obtenir des hybrides. A vue d’œil, l’on aperçoit des lapins qui ressemblent à des Fauves de Bourgogne, des Argentés de Champagne, des Hylas et autres.
« Nous avons des races qui ne sont pas rentables économiquement. Je fais mes croisements pour avoir une croissance rapide », explique-t-il. Actuellement, le clapier de la ferme Wendso dispose d’un cheptel d’environ 200 lapins dont environ 115 lapereaux et une trentaine de lapines. Il fait savoir que la cuniculture est un élevage qui ne demande pas beaucoup d’espaces, mais exige de la tranquillité, de l’hygiène et une bonne connaissance de l’animal.
Abdrame Konseibo nous confie que la cuniculture est un bon levier dans la lutte contre le chômage mais la règle d’or et indispensable c’est « d’aimer l’animal » et ne pas se focaliser sur les retombées économiques.
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Cependant, pour persévérer dans le domaine, il conseille d’abandonner l’élevage au sol et d’opter pour celui en cage qui offre plus de facilités dans le suivi de l’animal. Aux passionnés de la cuniculture, il conseille de débuter avec un lapin et deux lapines de 3 mois d’âge environ. Le cuniculteur déplore que dans la cuniculture, le plus couteux c’est l’acquisition de l’habitat des lapins. Il précise que l’habitat est prépondérant à la réussite de l’élevage.
« Le plus couteux, ce sont les cages qui varient de 60 000 à 150 000FCFA et même plus. Pour démarrer, avec des lapereaux de 3 mois à environ 10 000 FCFA l’unité, tu commences ton activité. La maturité sexuelle d’une lapine est de 5 mois. L’écoulement du lapin ne se pose pas. La cuniculture est rentable. La cuniculture est le secteur de l’élevage le plus libre. Le lapin est beaucoup méconnu dans la gastronomie au Burkina Faso. Le lapin peut être commercialisé au même titre que la volaille que l’on vend un peu partout », nous explique-t-il avec un lapin en main.
Abdrame Konseibo indique que l’avantage de l’élevage en cage, c’est le cuniculteur qui détermine de la période de reproduction en observant la période de chaleur de la lapine. Il nous souffle à l’oreille, « mon fils, il y a de l’avenir dans ce domaine, je t’encourage à te lancer dedans ». Le retraité cuniculteur prend l’exemple d’un cuniculteur qui dispose de 24 lapines avec une production moyenne de 5 lapereaux par mise bas ; ce qui totalisera 120 lapereaux.
« A l’abattage après 3,5 mois d’âge, la carcasse du lapin coute environ 5000 F CFA. La viande ne suffit pas, il y a de la place pour tout le monde. Les gens ne s’y intéressent pas pourtant c’est très rentable, la cuniculture », dit-il en nous présentant une lapine qui a mis bas 8 lapereaux la veille.
« Après la mise bas, les lapereaux doivent être sevrés à 35 jours. Après 21 jours on doit les sexuer et passer à l’engraissement pour une durée d’un mois. Ensuite le lapin est consommable. Pendant ce temps-là, la lapine est remise en accouplement. La gestation d’une lapine varie entre 30 et 32 jours. Pour l’élevage intensif, 10 jours après la mise bas, la lapine peut être accouplée. Une lapine en activité peut être productive entre 1,5 à 2 ans tout dépend de l’hygiène, la prophylaxie et l’alimentation », égraine-t-il les avantages de la cuniculture.
Egalement, Abdel Aziz Konseibo, est un météorologue de formation et cuniculteur. La trentaine révolue, il exerce sa passion avec son géniteur. Il révèle qu’il aime le lapin depuis son bas-âge. « Avec la passion de jeunesse, j’ai commencé avec 2 lapins. L’élevage se faisait juste derrière la maison. Ça met bas et on est content. Souvent des chats viennent prendre le tout. C’était juste une passion. C’est après les études que l’idée m’est venue d’en faire une activité surtout que le papa était intéressé. Après la retraite du papa il voyait cette activité comme une reconversion », dit-il.
Pour Abdel Aziz Konseibo, le lapin présente énormément d’avantages. « La vente de la viande du lapin est beaucoup prisée. La fourrure est demandée comme les peaux des autres animaux. L’urine du lapin est utilisée comme insecticide pour la production agricole », confie-t-il.
Tout comme son père, il déclare que l’amour du lapin est prépondérant. « Avec environ 45 000F pour l’acquisition des sujets à savoir un lapin et deux lapines et le plus gros restera la cage qui tourne autour 90 000 à 100 000F pour une cage de 6 loges. La cuniculture devient rentable quand on commence à atteindre la vingtaine de lapines reproductrices. Avec un lapin et deux lapines au bout de 8 à 10 mois on peut obtenir 20 lapines reproductrices », déclare-t-il.
Concernant l’écoulement, il accuse le problème de la production. Pour lui, il faut maîtriser la production et avoir un plan de vente. « Les gros clients réguliers sont en général les restaurants et les hôtels. Ils ont besoin d’une certaine régularité dans la fourniture de la viande du lapin.
Les restaurateurs disent qu’ils ne peuvent pas mettre la viande de lapin comme menu et n’arrivent pas à obtenir la quantité souhaitée. Ce qui crée des difficultés. Par contre, si on arrive à maîtriser la production, on peut au moins signer un contrat avec une régularité. En réalité la viande de lapin ne suffit pas, mais c’est la production le gros problème », martèle-t-il.
Jean Noël Kaboré est un cuniculteur dans la ville de Ouagadougou dans le quartier Dassasgho. Il est également tombé amoureux du lapin. Il explique que c’est un domaine rentable et passionnant mais qui exige un minimum de connaissances au préalable.
La VHD, la hantise des cuniculteurs
Le véritable problème dans la cuniculture c’est la maladie à hémorragie virale du lapin, désignée par Viral haemorrhagic disease (VHD). La VHD est une maladie infectieuse hautement contagieuse qui affecte les lapins.
Plusieurs éleveurs expliquent qu’à l’épidémie du VHD, le cuniculteur peut tout perdre. « A la période du VHD tu peux tout perdre et c’est un perpétuel recommencement. Et il faut avoir un moral au top pour recommencer », déplore Justin Zongo, un cuniculteur à Pabré.
Nous rencontrons un étudiant en production et santé animale, en stage de fin de cycle dans une ferme. Ibrahim Sawadogo puisque c’est de lui qu’il s’agit, indique que de façon générale, la cuniculture est une activité marginalisée. En termes de chiffre, il note que le nombre de lapins est en deçà par rapport à l’aviculture, à la porciculture et la pisciculture.
« Ce qui m’a poussé à venir faire mon stage en cuniculture, c’est parce que je ne connaissais rien dans ce milieu comparativement à l’aviculture. En fin de cycle, la plupart des étudiants optent pour l’aviculture et autres au détriment de la cuniculture. D’autres étudiants en santé animale choisissent la cuniculture pour juste obtenir le diplôme et ne sont pas capables de conduire une activité cunicole proprement dite », souligne-t-il.
Concernant la VHD, il estime que c’est parce que les éleveurs ne sont pas organisés en filière de sorte à ce que les pharmacies vétérinaires les prennent en compte. Il précise que si la demande de vaccin en VHD est importante, les pharmacies vétérinaires et l’Etat vont contribuer à son introduction au Burkina Faso.
« Si les pharmacies vétérinaires arrivaient à disposer de ce vaccin, je pense que ça va réduire cette pathologie. La cuniculture a de l’avenir au Burkina Faso. Quand on prend la carcasse 1 Kg de lapin tourne autour de 5500 F CFA par rapport au poulet qui fait 2500 F CFA le Kg. Les vertus de la viande en lapin ont des valeurs nutritives par rapport à la volaille », dit-il.
Si le lapin est prolifique, nous voulons comprendre les valeurs nutritives de sa viande. C’est ainsi que nous rencontrons Abdoulaye Gueye, nutritionniste en charge de la fortification et de la sécurité sanitaire des aliments à la direction de nutrition au ministère de la santé.
« Comme toutes les viandes blanches, la viande de lapin est peu calorique (120 kcal pour 100 g) et contient de nombreuses qualités nutritionnelles. Les personnes au régime ou ayant des problèmes de cholestérol seront enchantées de l’intégrer à leur alimentation.
Cette viande est riche en protéines et riche en acides aminés. Elle est aussi riche en vitamines B, en particulier en vitamines B2, B3, B5, B6 et B12, qui lui confèrent un rôle important dans le bon fonctionnement des muscles, des globules rouges et des cellules nerveuses, et sa teneur en Oméga 3 est efficace pour lutter contre les maladies cardiovasculaires.
La viande de lapin est une bonne source de phosphore également essentielle dans le maintien et la formation des os et des dents. Cette viande est deux fois moins riche en sodium que d’autres viandes blanches. Le lapin est une viande blanche alliant un goût délicat et plusieurs qualités nutritionnelles. Cette viande a tout à fait sa place dans le cadre d’une saine alimentation alors qu’elle est peu consommée. Le lapin se cuisine facilement et se marie avec une multitude d’aliments », soutient-t-il.
Dans la cuniculture, l’alimentation joue un rôle indispensable. En effet, le lapin est un mammifère rongeur végétarien. Il se nourrit essentiellement de céréales et d’herbes. Dans nos recherches, on apprend que le lapin se nourrit de 33 plantes fourragères. Selon plusieurs cuniculteurs, l’alimentation en granulé est très nutritive pour le lapin.
Dans l’optique de comprendre le processus de fabrication d’une meilleure alimentation des lapins, nous rencontrons un fabricant d’aliments.
Situé non loin du marché « 10 Yaar » dans le quartier Nonsin de Ouagadougou, Lassané Tiendrébéogo est le promoteur de la marque SATIL qui produit des aliments. Comptable de formation, il est cuniculteur. Ayant constaté des difficultés pour s’approvisionner en aliments, il décide de se lancer dans la production des aliments en 2019.
Son unité de production est composé d’un mini broyeur polyvalent avec lequel il réalise les aliments de manière granulée. Sa capacité de production est de deux tonnes par jour.
« La première étape, c’est le broyage ensuite le mélange avant de passer à la granulation. C’est environ deux tonnes d’aliments que je produis dans la semaine. La demande est très forte, mais la disponibilité de la matière première cause le véritable souci. Il y a de l’avantage à alimenter les lapins avec les granulés. Le son, c’est de la poudre et la consommation provoque des maladies chez le lapin.
Mais le granulé est un composé d’aliment qui est complet. Il s’agit d’un mélange de céréales, de tourteaux de son, du calcium et des vitamines. Avec l’indisponibilité des céréales, notre objectif est de produire des aliments de qualité qui ne rentrent pas en concurrence avec la consommation humaine. L’utilisation du maïs est limitée dans l’aliment du lapin. On ne doit pas dépasser 30% de maïs dans la composition de l’alimentation des lapins. L’excès cause des problèmes gastriques. Nous n’arrivons pas à satisfaire la demande. Il y a de plus en plus de cuniculteurs, donc une opportunité », affirme-t-il.
La cinquantaine bien révolue, il produit de l’alimentation mixte, c’est-à-dire que les lapins de tout âge peuvent consommer à savoir les lapereaux, les lapines mères et les reproducteurs. Dans l’avenir, il compte produire des aliments en fonction de l’âge du lapin. Actuellement, il commercialise le kilogramme à 300 F CFA.
Moumouni Simporé, président de l’association « cercle des cuniculteurs », relève que les difficultés dans le domaine sont liées aux cuniculteurs eux-mêmes. Pour lui, le potentiel du lapin n’est pas encore maîtrisé par les acteurs.
« Il y a de nombreux éleveurs qui ignorent le potentiel que dispose le lapin. Naturellement, ces derniers hésitent à mettre beaucoup de moyens pour pouvoir développer leur élevage. Ceux aussi qui mettent les moyens n’apportent pas l’attention qu’il faut, pour que l’animal puisse bien se développer et leur procurer beaucoup de revenus. La deuxième difficulté, c’est l’organisation des éleveurs. On a du mal à réunir les éleveurs. Le regroupement permettra de discuter avec les autorités, les distributeurs d’intrants pour amoindrir les coûts », précise-t-il.
Il souligne que pour une meilleure organisation de la filière, l’association « cercle des cuniculteurs » procède à la sensibilisation des éleveurs, à des formations pour permettre aux éleveurs d’évoluer avec la technique et la technologie moderne dans la cuniculture.
Jules César KABORE
Burkina 24
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