Moussa Petit Sergent, comédien : « En Allemagne, quelqu’un m’a appelé Ebola ! »

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Il est artiste, comédien et humoriste, une double casquette qu’il gère à sa manière. Il a été révélé par son humour au grand public il y a quatre ans, mais fait déjà son petit bonhomme de chemin. Son art lui a ouvert les portes des scènes de l’Europe où il y va pour des spectacles ou des créations. Il s’appelle  Moussa Ouédraogo, dit Moussa Petit sergent, de retour de l’Allemagne, nous l’avons approché pour en savoir plus sur son métier.

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Burkina24 (B24): Quelle est votre vraie casquette, humoriste ou comédien ?

Moussa Petit sergent(M.P.S) : Le grand public me connait en tant qu’humoriste, mais bien avant d’être humoriste j’ai toujours été un comédien. Je suis comédien de formation. Mon humour est un dérivé du théâtre et c’est grâce au théâtre que j’ai fait la rencontre de mon humour, mais je n’abandonne pas le théâtre.

C’est vrai que ce sont deux arts qui sont similaires mais chacun de ces arts a ses exigences. J’essaie de gérer tous les deux. Ce n’est pas facile mais depuis un certain moment,  ça marche et je vais continuer à jouer Moussa petit sergent et Moussa le comédien.

B24 : A quand remonte le début de votre carrière ?

M.P.S : J’ai découvert le théâtre quand j’étais à l’école primaire. Après le CEP, en 6eme j’ai décidé de continuer dans le théâtre. Je suis allé m’inscrire dans une compagnie de théâtre pour essayer d’allier les cours et le théâtre.

 Le metteur en scène a trouvé ça très bien. Il m’a accepté dans sa compagnie, les Merveilles du Burkina. Après j’ai décidé de quitter la compagnie. Elle existe toujours aujourd’hui.

Mais au Burkina, le théâtre a traversé des moments difficiles. C’est difficile de voir une compagnie de théâtre qui vit et qui maintient ses comédiens parce qu’il n’y a plus de budget pour payer les comédiens à la fin de chaque mois.

Il n’y a pas assez de spectacle, cela fait que les comédiens font du freelance maintenant.

Le comédien burkinabè n’a pas tout le temps des projets, des créations dans lesquelles il va jouer. Il est donc assis, il attend qu’un metteur en scène s’intéresse à lui et qu’il l’appelle pour qu’il vienne jouer. Ce qui fait que beaucoup de comédiens burkinabè chôment ?

Moi je ne  voulais pas tomber dans ça. C’est pour ça je me suis dis, je peux faire quelque chose pendant que je ne suis pas sur scène en train de faire du théâtre. Je peux toujours me maintenir sur scène.

Burkina24 : Faites-vous autre chose à part cela ?

M.P.S : Le théâtre et l’humour prennent tout mon temps alors je n’ai aucun temps pour faire autre chose.

Burkina24 : Parlez-nous de votre dernière tournée en Europe. 

M.P.S : Je suis allé en Allemagne en début septembre et je suis revenu le 30 décembre. C’était pour deux créations avec deux théâtres en Allemagne, le théâtre d’Alternburg et le théâtre de Gerhard.

Qu’est-ce que ça m’a apporté? Je dirai pour nous comédiens, c’est toujours bien de découvrir, de travailler avec des collègues avec qui on n’avait jamais travaillé.

J’ai vu que le théâtre en Allemagne est différent de celui du Burkina. Il y a une différence entre leur manière de faire et la nôtre. Il est clair que j’ai beaucoup appris. Je ne peux pas les énumérer ici.

Je pense qu’en quatre mois, avec deux créations qui ont vraiment bien marché là-bas, j’ai beaucoup appris de mes collègues allemands, des metteurs en scène et même du public allemand.

B24: Est-ce à dire que vous parlez très bien l’Allemand ?

DSC00560M.P.S : Wir are konnen deutch sprechen (Rires). Les spectacles, on les donnait en Allemand. On est venu ici au Burkina avec des spectacles pour les présenter au CITO, mais là on a refait un autre travail parce qu’on ne peut pas jouer en allemand devant le public burkinabè.

On a donc refait un autre travail pour que le spectacle soit accessible aux Burkinabè. On a misé sur le français. En Allemagne, on ne pouvait pas le jouer en français parce que là-bas, très peu de personne parle le français.

C’est vrai qu’au début ce n’était pas simple parce que quand je quittais le Burkina, je me disais que je comprenais allemand parce que je l’ai appris au lycée. Mais quand je suis arrivé en Allemagne, c’est à l’aéroport même que j’ai su que je ne comprenais pas allemand. Les premiers moments étaient durs.

Burkina24 : Comment s’est passée votre intégration ?

M.P.S : Ah, so ! Il faut dire qu’au début ce n’était pas facile parce qu’on était dans une ville dans l’est de l’Allemagne, Altenburg. Vous savez, avant que le mur de Berlin ne tombe, ceux qui étaient à l’est ne pouvaient pas voyager, ne pouvaient pas aller à l’Ouest.

Ce sont des gens qui sont donc restés dans leurs coins, ils sont un peu conservateurs. C’est une région où  il y a plus de racisme, accepter les gens était difficile. J’avoue qu’au début c’était super compliqué.

Mais au bout de quelque semaines, quand les gens ont commencé à nous voir à la télévision, quand ils ont commencé à savoir que nous sommes des comédiens, et que nous sommes venus faire du théâtre,  quand ils ont commencé à venir suivre le spectacle ; sincèrement les regards des gens ont commencé à changer envers nous très positivement.

Et maintenant très facilement je rentrais dans une alimentation, j’achetais quelque chose, et pour payer, il y a quelqu’un qui me disait, non, laisse je paie. C’est peut-être pas aussi de leur faute parce qu’il y a la peur de l’autre.

Il y a des gens qui sont nés, qui ont grandi et qui n’ont jamais eu un contact avec un Africain. Mais à force de venir suivre nos spectacles et discuter après ensemble, on est arrivé à passer le mur pour beaucoup de personnes et je pense qu’en fin de compte, c’était bien. On a même eu des invitations, et je peux dire que ce sont des gens qui me manquent déjà.

Burkina24 : Avez-vous déjà été victime de racisme ?

M.P.S : Personnellement,  non ! Mais j’ai été avec des Africains qui m’ont expliqué l’expérience qu’ils ont eu et qui, au début me disaient, « ok, ici il ne faut pas faire à ça, il ne faut pas ci ».

 Moi au début j’avais très peur parce que à Alternburg, il y avait très peu d’africains. Il  y avait 4 ou 5 Africains, noirs de teint je veux dire.

 Quand nous sommes arrivés, ils nous ont raconté ce qu’ils avaient vécu. Etant déjà prévenus,  on a eu peut-être un comportement qui nous a aidé. Je pense que c’était un jour,  je marchais dans la ville et il y a un monsieur qui a crié «Ebola!», depuis l’autre côté quand il m’a vu. Je me suis dit, ah ça c’est mon nouveau nom ou quoi ?

Je ne sais pas si c’est parce qu’il entend parler d’ébola en Afrique et comme il vient de voir un noir, il a eu le nom « ebola » qui lui vient en tête. Je ne sais pas. J’ai continué ma route. Chacun a sa mentalité.

Burkina24 : A la Maison du peuple, vos hôtes allemands ont voulu dire comment vous vous réchauffiez chez eux et vous vous êtes opposés. Pouvez-vous nous en parler aujourd’hui ?

M.P.S : D’abord pour la Maison du peuple, je suis un peu fâché, je suis très fâché contre les rappeurs.

Burkina24 : Pourquoi?

M.P.S : Parce que j’ai fait une histoire drôle avec les rappeurs du Burkina. J’ai pris l’exemple d’un rappeur qui a volé les téléphones lors de son concert et à la fin du spectacle, on sort et on trouve qu’il y a le téléphone de ma maman que des rappeurs ont volé. A la Maison du peuple, il y a quelqu’un qui a volé le téléphone de ma mère, le même soir, juste après mon spectacle.

Burkina24 : Avez-vous la preuve que c’est un rappeur qui a volé le téléphone ?

Moussa petit sergent
Moussa petit sergent

M.P.S : Pour moi, ce sont les rappeurs qui se sont énervés et qui ont piqué le téléphone.  Sinon moi je ne comprends pas (rires). Mais sincèrement juste après le spectacle,  ma maman a perdu son téléphone dans la salle et ça sincèrement je n’ai pas du tout aimé.

Burkina24 : N’importe qui pouvait le prendre ou c’est même tombé à son insu?

M.P.S : Je ne sais pas, ce sont les hip hopeurs, ils ne sont pas sérieux !

B24 : Vous avez une dente contre eux. Ils vous ont-ils fait quelque chose auparavant ?

M.P.S : Je vais même en profiter leur demander pardon, si c’est eux, que ça s’arrête là, je ne vais plus parler d’eux. (Rires) Non, je m’amuse ! Rien ne me dit que c’est un rappeur qui l’a pris.

B24 : Vous ne devrez pas vous fâcher autant parce que ça peut arriver à n’importe qui ou même tomber ?

M.P.S : Non ce n’est pas tombé. Elle a même indexé quelqu’un. Elle a dit que c’est cette personne qui a pris le téléphone. Après j’ai décidé qu’on laisse la personne partir.

B24 : Et cette personne était un rappeur?

M.P.S : Non parce que je n’étais pas à côté. Je suis parti après mon spectacle et c’est mon manager qui m’a appelé et j’ai dit de laisser la personne partir. Je n’ai pas vu le gars, je ne sais pas comment il était habillé.

B24 : Revenons à notre sujet. Comment êtes-vous arrivé à surmonter le froid?

M.P.S : Bon je vais vous le dire. Je portais deux jeans par jour.

B24 : Certaines personnes en porte autant même ici en période de froid, mais on n’en fait pas un problème. Il paraît que vous avez eu recours à d’autres choses?

M.P.S : Je crois que j’ai répondu à votre question. Je buvais aussi la bière pour me réchauffer, c’est peut être ça, mais après j’ai laissé tomber parce que ce n’était pas trop mon truc !

Burkina24 : Quelles sont vos perspectives pour 2015 ?

M.P.S : Ah so, ya, ya! Avec mon manager, nous sommes en train de discuter par rapport à 2015. Il était prévu en septembre 2014, un spectacle à la Maison de peuple. On n’a pas pu faire le spectacle et je devrais voyager, donc nous sommes en train de voir une date propice pour reconduire ce spectacle-là.

 On prévoit aussi un voyage sur la côte d’Ivoire. C’est un terrain qu’on ne connait pas trop et qu’on voudrait aller voir. On va faire deux mois et essayer de donner des spectacles là-bas pour que les gens me connaissent aussi.

Tout ça doit se faire avant avril parce qu’en mi-avril, j’ai une création de théâtre en Côte d’ivoire. En mai normalement cette pièce doit être présentée en France. Je serai donc entre la côte d’ivoire et la France.

B24 : De quoi parle votre spectacle joué actuellement au CITO ?

DSC00565C’est un spectacle qui parle de l’immigration clandestine, les conditions dans lesquelles les immigrants vivent, les conditions de voyage, ce qui peut pousser un enfant à risquer sa vie pour aller en Europe.

Ce n’est pas évident. Il y en a qui meurent dans la mer. Les gens pensent que l’Europe est un eldorado pourtant les réalités prouvent que non. Très souvent, ils se trompent.

Moi-même à Berlin, j’ai vu des hommes dormir sous des ponts.  Il y en a même pour qui, je suis sûr que même s’ils étaient restés chez eux, ils auraient pu réussir.

Des hommes qui ont accepté acheter la misère avec leur propre argent en allant là-bas. Ce n’est pas aussi pour décourager les jeunes. Dans la vie, il faut sortir pour s’ouvrir l’esprit, mais avant de prendre toute décision, il faut qu’ils sachent ce qui les attend.

B24 : On voit que vous avez un calendrier chargé. Est-ce à dire que l’art nourrit son homme ?

M.P.S : Moi en tout cas je vis de mon art. Je ne fais rien d’autre. Je vis du théâtre et de l’humour.

B24 : Qu’est-ce que vous aimeriez changer dans cette filière ?

M.P.S : Avant les comédiens prenaient le temps de se former, mais maintenant, en deux mois de stage, les gens se réclament déjà comédiens. Quand on prend sa carte d’identité,  c’est écrit artiste-comédien, après il monte sur scène et ça devient un problème.

 Il a un projet à tout hasard pour aller en Europe pour des créations. Il monte sur scène, le niveau n’est pas bon et après on dit : ce sont des comédiens burkinabè, c’est le niveau du théâtre burkinabè. Ça c’est déplorable.

Il faut que les gens se forment. Il ne faut pas que les gens s’auto-déclarent comédiens tout simplement parce qu’on a suivi un stage de deux trois semaines. Il faut qu’on arrête ça. Ça ne fait pas honneur au Burkina quand on les voit sur scène.

Un metteur en scène européen qui suit ça, demain s’il a un projet vers l’Afrique de l’ouest, il ne va pas penser au Burkina, parce qu’il a vu des comédiens burkinabè avec un niveau lamentable. C’est un cri de cœur.

Par rapport à l’humour, je suis nouveau, ça fait quatre ans que je fais l’humour. Je vais féliciter le public burkinabè par rapport à l’humour. J’ai remarqué que de plus en plus les Burkinabè s’intéressent à l’humour.

Ce qui fait que les humoristes burkinabè n’ont pas peur d’annoncer un spectacle à la Maison du peuple parce qu’on est sûr qu’on va remplir la salle. Avant, ce n’était pas du tout évident. Les Burkinabè commencent à nous faire confiance. Je leur dis merci pour ça. Nous aussi nous ferons le travail nécessaire pour mériter leur confiance. Pour ce qu’il faut changer dans l’humour, ce sont les prix d’entrée. On va monter à 5 000Fcfa (rires).

 Propos recueillis par Reveline SOME 

Burkiana24

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