Boulgou : Rocambolesque litige foncier à Bampéla

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Un problème de terre divise deux frères, en l’occurrence El hadj Kiou Issouf Goumbané et Guirssoum Goumbané. Après plusieurs médiations sans solution, les deux frères se trimbalent devant la justice. Une ordonnance de référé a ordonné le premier à exploiter le domaine qui fait l’objet de conflit. Non content de cette décision à la première instance, Guirssoum interjette appel et refuse de céder « son champ » que l’autre veut lui retirer. Face à cette situation, il a été arrêté en juin dernier et mis sous mandat de dépôt pour « discrédit sur une décision de justice ». Enquête sur un litige plein de contradictions.

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Rarement on a rencontré une affaire de terre aussi rocambolesque que contradictoire. Ce conflit foncier aurait éclaté en 2006 entre les frères Goumbané à Bampéla, un village situé à moins d’une dizaine de kilomètres à l’Est de Garango.

Les autorités coutumières et administratives, notamment le roi et le préfet de Tenkodogo de l’époque avaient été tour à tour saisis. A défaut d’accord, le préfet aurait dit aux deux parties de laisser le terrain litigieux en l’état. Que personne ne l’exploite. En début de saison hivernale 2015, l’affaire connait un rebondissement. En juin de la même année, El Hadj Kiou Issouf saisit la justice.

Rappel

El hadj Issouf et ses partisans
El hadj Issouf et ses partisans

Il expose, devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Tenkodogo, Moussa Ouédraogo, les faits selon lesquels « il exploite un terrain de culture hérité de son défunt père et sis dans la localité de Bampéla ». Que cependant depuis 2006, Goumbané Guirssoum Souleymane, « s’évertue à vouloir le déposséder de son unique terrain de culture… ». Dans sa narration, Kiou a accusé Guirsssoum de le menacer de mort. Après avoir entendu les deux parties, Moussa Ouédraogo rend une ordonnance de référé en date du 10 juillet 2015.

Il autorise Issouf Goumbané, qui dit qu’il exploitait le terrain, à continuer à le faire en attendant qu’une assignation à fond vienne départager les deux frères. Une décision que Souleymane réfute et fait appel le 15 juillet 2015. Il estime qu’il n’a pas où aller et que c’est sa seule terre. La situation est restée telle jusqu’à ce que cette année encore Issouf saisisse la justice.  Souleymane fut arrêté et mis sous mandat de dépôt pour « discrédit sur décision de justice » le 29 juin 2016.

De quel champ s’agit-il ?

Mais le hic est que les deux camps ne semblent pas parler du même objet de litige. Nous nous sommes rendus dans le village pour les besoins de cet article. Ce jour-là, les partisans des deux camps étaient tous là. Pendant que le camp de Guirssoum Souleymane nous montre un champ non cultivé, celui de El Hadj Issouf nous montre un terrain cultivé où les semis ont même une hauteur d’environ 20 cm.

C’est ce champ avec à l’arrière-plan la concession de Guirssoum que Issouf estime qu’il lui appartient
C’est ce champ avec à l’arrière-plan la concession de Guirssoum que Issouf estime qu’il lui appartient

Chaque camp se trouvait sur l’espace qu’il estime faire l’objet de litige. Les partisans de Guirssoum, se trouvant sur une réserve où se trouvent des eucalyptus et bien d’autres espèces d’arbre, estiment que c’est la réserve non cultivée qui fait l’objet de litige.

Tandis que Issouf et ses hommes, assis dans une zone nouvellement labourée et où se trouvent une mosquée et la concession du Guirssoum insistent à leur niveau que c’est bel et bien la partie du litige.

C’est cette zone que les partisans de Guirssoum ont indexé comme faisant l’objet de litige
C’est cette zone que les partisans de Guirssoum ont indexé comme faisant l’objet de litige

En effet, les alentours de la concession de Souleymane constituent un champ de maïs et de mil. A environ 100m à l’Est de la concession, il y a une petite portion de terre nouvellement labourée. Selon les propos de Boukaré Goumbané, fils de Guirssoum, cette partie avait été réservée par son père pour cultiver de l’arachide.

Et qu’à leur grand étonnement, Issouf Goumbané s’est mis à labourer. « Mon père et moi aussi avons mis notre charrue et labourer à la fois. C’est à la suite qu’il est allé dire en justice que c’est le champ litigieux que mon père a cultivé », explique le fils de Guirssoum. Que faire face à cet imbroglio ? Comment savoir quel camp dit la vérité ?

La justice, dernier recours

Kiou Issouf Goumbané : « Cette terre appartient à mon grand père décédé il y a 63 ans »
Kiou Issouf Goumbané : « Cette terre appartient à mon grand père décédé il y a 63 ans »

La Justice semble être le seul recours pour connaitre la vérité. Puisque l’ordonnance produite par le Président du Tribunal dit que la zone litigieuse est d’environ 4 hectares.

Elle est la seule capable de nous dire exactement la partie qui fait l’objet de conflit. Visiblement la partie indexée par El Hadj Issouf parlant de l’objet de litige ne vaut pas les quatre hectares.

 Nous avons donc approché le Procureur près du Tribunal de grande instance de Tenkodogo, Adama Ouédraogo. Ce dernier, en présence de deux de ses collègues, dit qu’il s’est prononcé sur la base du référé du Président du Tribunal et non sur le fond. Il nous a même rapporté des propos contradictoires qu’ils ont tenus devant lui.

« Je les ai fait venir dans mon bureau, dit-il. J’ai dit de vous deux qui cultivait le terrain au moment où le dossier arrivait à la justice. Goumbané Kiou Issouf m’a dit que c’est lui qui cultivait. Goumbané Guirssoum m’a dit qu’il ment que c’est lui qui cultivait ».

Nous avons demandé au Procureur s’il y avait un croquis du champ litigieux. Celui-ci a répondu par l’affirmative, mais qu’ils ne pouvaient pas nous le donner.  Nous avons pris ensuite langue avec le Président du Tribunal, Moussa Ouédraogo. Ce dernier a confirmé les propos du Procureur.

Il ajoute ensuite que pour ce type de problème foncier, il fait faire des levées topographiques en vue de situer les limites du champ litigieux avant de produire l’ordonnance de référé.

« Nous demandons généralement au chef ZAT, les agents techniques de l’agriculture de se déplacer aller sur le terrain par une ordonnance que nous prenons pour fin d’expertise, où on désigne ce technicien d’agriculture de se déplacer sur les lieux en présence des parties et de manière contradictoire, il nous dresse le croquis du terrain litigieux. Là c’est au cas où nous même nous ne pouvons pas nous déplacer […] C’est une fois ce croquis revenu que nous estimons que voici l’emprise de notre  décision […] Dans le cas de Kiou Issouf,   si j’ai dit quatre hectares c’est qu’on a eu un croquis. Si dans l’ordonnance,  on a parlé de quatre hectares on ne l’a pas inventé. C’est un préalable à la prise de la décision », a insisté Moussa Ouédraogo.

Arbre à palabres peu ombrageux

Or, les deux camps que nous avons interrogés, eux, parlent d’autres visites.  « Avec votre venue, cela fait le troisième groupe de personnes qui vient pour parler de ce problème foncier […]. Les gendarmes n’ont pas borné les limites du champ, mais ils ont dit qu’ils sont venus faire une enquête […]. Les agents de l’environnement sont venus évaluer la coupe du bois», nous confie Kiou Issouf Goumbané.

Boukaré Goumbané, fils de Guirssoum : « J’ai 25 ans présentement et je suis né ici trouver que mon père cultivait ce champ »
Boukaré Goumbané, fils de Guirssoum : « J’ai 25 ans présentement et je suis né ici trouver que mon père cultivait ce champ »

En effet, juste avant le début de la saison hivernale, Kiou avait coupé les arbres du champ dont il réclame la propriété. Guirssoum, estimant qu’il est venu couper les arbres de son champ, est allé exposer le problème au préfet de Tenkodogo. Les agents du service de l’environnement se sont rendus sur les lieux, faire un constat et évaluer la valeur financière de la coupe des arbres à 282 000F CFA.

Le Président du Conseil villageois de développement (CVD) Adamou Zaré, par ailleurs conseiller municipal du village, a finalement pris fait et cause pour empêcher qu’on ne dépossède le vieux Guirssoum de son champ.

« Nous avons œuvré à concilier les deux camps en vain. Au nom de la réconciliation, l’imam du village avait demandé à Souleymane de s’excuser auprès de Issouf pour taire le problème. Chose que ce dernier a accepté faire. Mais El hadj Issouf a dit niet. Qu’il faut qu’il déguerpisse du village. C’est ainsi que quand le problème du champ a éclaté, il a dit qu’il ne veut plus le voir cultiver ici. Nous nous sommes opposés à cela et il n’est plus en bons termes avec moi ».

Il en est de même pour les éléments de la cour royale de Bampéla que nous avons rencontrés. « Issouf m’a dit qu’il va faire quitter Guirssoum de ce village. Il m’a demandé de convoquer une réunion pour cela. Je lui ai dit c’est compris, mais je ne peux pas le faire… », relate Harouna Zampaligré, représentant du chef coutumier de Bampéla (ndlr: il s’agit d’Idrissa Zampaligré, candidat à la présidentielle de 2015).

Selon certaines sources, le procès de Guirssoum Souleymane Goumbané pourrait avoir lieu à la fin de ce mois.

Martin OUEDRAOGO

Correspondant de Burkina24 à Tenkodogo

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