Tribune – « Un impair de plus, Thiéba chasse publiquement les investisseurs »

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Ousmane Djiguemdé, dans cette nouvelle tribune, réagit sur la dernière conférence de presse du Premier ministre Paul Kaba Thiéba. Pour lui, le chef du gouvernement aurait mieux de s’attarder sur les potentialités du Burkina au lieu d’en exhumer les tares. De plus, il estime que les nouvelles taxes imposées par le gouvernement ne sont pas la solution pour mettre le pays sur le chemin du développement, et pire, elles seront source d’une potentielle instabilité. Lisez donc !

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Le Premier Ministre burkinabè, Paul Kaba Thiéba, était face à la presse le jeudi 4 août 2016, à l’occasion du 9ème point de presse de son gouvernement, pour parler essentiellement du Plan national de développement économique et social (PNDES), de la 2ème loi de finances rectificative et de la loi de facilitation de passation des marchés publics.

Beaucoup de commentaires ont déjà été faits sur cette conférence de presse. Comme à l’habitude, j’aimerais mettre le doigt sur l’impair qui fausse l’opération de charme médiatique du gouvernement Thiéba et dire ce qu’il aurait mieux fallu faire.

Sur un aspect très précis de sa conférence de presse, le Premier Ministre a manqué encore une occasion de se taire, pour éviter de nous marteler son éternel discours sur le manque de potentiel de développement de notre pays.

C’est vrai, une fois de plus, il expose sa méconnaissance de notre peuple, de son histoire et de ses conditions de vie. Une sage maxime africaine disséminée aujourd’hui dans les cultures d’ailleurs  nous suggère pourtant que « si le silence est plus beau que ce que tu as à dire, alors abstiens-toi de prendre la parole ! ». Eh bien, Thiéba aurait dû s’abstenir de la prendre pour nous enfoncer ! Pourquoi ?

Le devoir de réserve est une contrainte qui s’impose à tout gestionnaire public de son rang quand des propos peuvent être sujets à polémiques ou simplement quand ils peuvent effriter la confiance déjà précaire en chaque Burkinabè, entre Burkinabè, et entre le Burkina Faso et ses pays partenaires.

C’est pourquoi il est sage que le Président Roch, s’il n’a vraiment pas encore choisi la voie de la réconciliation nationale, parce qu’il pense disposer d’une autre solution pour sauver le pays, ne devra jamais dire publiquement qu’il a communiqué avec Blaise Compaoré.

 La théorie d’Érasme sur le mensonge, développé dans « Éloge de la folie » où il est clairement établi que « l’esprit de l’homme est ainsi fait qu’on le prend beaucoup mieux par le mensonge que par la vérité », l’en déconseille fortement.

Ce n’est pas la valeur unificatrice des secrets d’État, qui a fait les beaux jours de l’unité nationale aux États-Unis, qui le démentira ! Thiéba a manqué d’occasion de se taire parce que son silence aurait été plus beau que ce qu’il a martelé indirectement aux investisseurs sur nos désavantages qu’aucune solution miracle ne saurait gommer : notre enclavement et les coûts supplémentaires occasionnés dans nos relations avec le reste du monde.

Lorsque l’on va à un combat, bien conscient de ses insuffisances, ce sont ses forces que l’on met le plus grand soin à développer et à promouvoir de sorte que l’adversaire se surprenne à voir ses capacités surplombées par le peu de force dont nous disposons et que nous avons mis de la patience et du cœur à travailler.

Thomas Sankara, que l’on vient à peine de célébrer à travers le 4 août, l’avait bien compris, lui qui l’a démontré au début de sa révolution avant de se voir courtiser par les institutions internationales après le succès de ses grands chantiers (vaccination commando, alphabétisation, reboisement, autosuffisance alimentaire, émancipation des femmes, etc.). Quant à Blaise Compaoré, il l’a poursuivi en travaillant sur le « capital humain » dont il était friand.

L’essentiel pour conduire une politique, un programme de développement, un projet ou une activité, tourne autour de cinq types de ressources. Contrairement à ce qui est rentré dans nos mœurs et des habitudes modernes qui ont conditionné nos esprits à la facilité et au pouvoir du capital, beaucoup d’activités peuvent être réalisées ou doivent être réalisées avec l’existant car toutes les ressources doivent absolument être monétisées.

Et l’existant n’est pas toujours la ressource financière. Cette ressource est juste un moyen rapide et parfois sûr d’accès aux autres ressources, mais un moyen qui peut également être créé par elles. Encore faudra-t-il être subtil dans la mobilisation des ressources humaines pour l’exécution de l’activité, en d’autres termes, savoir être un bon manager. C’est la leçon que Sankara a tenté de nous donner en quatre années de Révolution.

En soutenant publiquement, et pour la nième fois, que le Burkina Faso est faiblement pourvu en potentialités de développement parce qu’il a « l’énergie (158 F CFA/KWT), l’eau (1.000 F CFA/m3) et la liaison téléphonique les plus chères de la sous-région » et qu’on ne peut pas développer un pays avec ça pour la simple raison que cela empêche les investisseurs d’investir dans le pays, du fait qu’il y a plus de dépense à faire, le Premier Ministre Thiéba vient de tirer à nouveau et inconsciemment sur l’ambulance qui transporte le « malade Burkina ».

Le pays n’a pas besoin qu’il soit le magicien qu’il ne prétend pas être, mais simplement qu’il le comprenne, qu’il comprenne comment il fonctionne et comment il vit.

Et Thiéba ne le comprend pas ! Comment parviendrait-il donc à « transformer structurellement l’économie burkinabè, pour une croissance forte, résiliente, inclusive et créatrice d’emplois décents pour tous et induisant l’amélioration du bien-être » s’il commence par semer la discorde avec ses 8 petits milliards de l’élargissement de l’assiette fiscale dans un pays exsangue qui ne produit pratiquement plus de richesses et qui assurément sera confronté à une autre source d’inflation dès le début de sa mise en œuvre de cette mesure ?

Rien que sur ces deux points, le Premier Ministre Thiéba a manqué de discernement. La conséquence du premier c’est d’avoir effrayé des investisseurs encore très hésitants. S’il a manqué d’exposer les forces du Burkina Faso et s’il a préféré étaler ses faiblesses qui, du temps de Blaise Compaoré, existaient aussi, mais que l’on réussissait à noyer dans notre potentiel, c’est par sa méconnaissance du pays et de ses hommes.

Ne sait-il donc pas que les burkinabè ont déjà démontré qu’ils ont un cœur vaillant et qu’à cœur vaillant, rien n’est impossible à ce peuple ? C’est pourtant sur cette force qu’a été bâti le pouvoir issu des 30 et 31 octobre 2014 qu’il détient.

Cette force c’est bien le capital humain assez conséquent du pays, auquel viennent s’ajouter quelques ressources du sous-sol ces dernières années. Sur ce point, certains ont bien eu raison de dire que ce gouvernement fait du Blaise sans Blaise mais en pire.

En d’autres termes, poursuivre la politique du Président Compaoré sans lui, tout en ignorant royalement que le pays n’a qu’un seul potentiel « le capital humain », revient simplement à faire moins bien que Compaoré. Thiéba aurait dû mettre en avant cette force pour éviter de faire de la mauvaise publicité au pays.

Mais, le premier ministre Paul Kaba Thiéba n’a pas une culture de développementaliste, en lien étroit avec le consensus de Monterry, encore moins une culture progressiste fondée sur la stabilité et la cohésion nationales, parce qu’il en est resté bien éloigné.

Peut-être est-ce parce qu’il s’est longtemps plongé dans des techniques monétaires, qui le spécialisent plus dans la thésaurisation de l’argent que dans les politiques d’investissement, qu’il s’est laissé convaincre qu’on pouvait grappiller maintenant quelques sous à travers des taxes nouvelles pour relancer l’économie ?

Le contexte actuel est bien trop explosif pour faire passer une telle mesure, Excellence ! Ces 8 milliards de la discorde, en taxes supplémentaires, ne sont pas la bonne méthode pour relancer l’économie nationale parce que, il faut une fois de plus le savoir, le problème du Burkina Faso aujourd’hui est loin d’être un problème économique, même si l’économie en est profondément affectée. Et il ne sert à rien de réveiller les vieux démons avec un gain qui ne nous profitera point.

En effet, un cadre international, en off, m’a confié que « le pays va mal, pire on vient de créer des impôts sans importance dans un pays qui ne cesse de s’appauvrir. Il y avait mieux à faire… ». Je pense qu’il a parfaitement raison.

Mais qui pourra convaincre Thiéba, lui qui n’est ni « badiste », de la Banque Africaine de Développement (BAD), ni « boadiste », de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), pour comprendre la corrélation entre les enjeux politiques, sociaux et économiques de notre développement.

À sa place, il aurait fallu un citoyen imprégné des questions nationales pour mieux agencer nos besoins de développement aux exigences du vivre-ensemble harmonieux, dans un contexte de mondialisation et de coopération internationale très exigeant. Ce qu’il aurait néanmoins réussi si lui et ses trois patrons avaient pris la peine de s’approprier l’appareil administratif au lieu de se le mettre à dos.

Le constat que Thiéba fait est vrai lorsqu’il dit que « le Burkina est caractérisé par une dynamique sociale peu évolutive et marquée par des inégalités persistantes ». En disant cela, il semblait pourtant comprendre que le problème du Burkina Faso n’est pas économique. Mais la solution qu’il a donné nous enseigne qu’il n’a rien compris.

En effet, Thiéba dit que « cette situation est la résultante de plusieurs insuffisances à relever au niveau de l’appareil productif et des secteurs de soutien à la production ». Il n’est pas évident que cela soit su du Premier Ministre Thiéba mais, depuis sa prise de fonction, il n’y a plus d’appareil productif puisqu’à force de l’attendre, d’attendre vainement ses décisions sociales courageuses, cet appareil a fini par se scléroser puis par s’arrêter de tourner.

Certainement que les rapports qui lui parviennent lui dressent un bien meilleur bilan qui contraste avec la réalité. Dans ce cas, c’est que l’appareil administratif lui échappe également et cela est très dangereux présentement. Ce n’est pas Blaise Compaoré qui me démentira.

Nous avions simplement cru qu’en acceptant le poste, il savait là où il mettait les pieds. Personne ne lui a demandé d’être magicien, mais simplement de se servir de notre potentiel pour reconstruire un État en difficulté.

Et, même si, comme il le dit, « nous sommes parmi les derniers en termes de recettes fiscales » parce que la norme de l’UEMOA est à 20% pendant que nous sommes à 14,4%, ces nouvelles taxes, dans le contexte qui est le nôtre, selon les spécialistes, sont les plus inopportunes qui soient parce qu’elles sont porteuses d’une inflation potentielle qui risque d’entraîner aussi l’UEMOA dans sa chute, du fait que le Burkina Faso soit un pays carrefour. Pire, elles sont susceptibles de constituer probablement une autre source d’instabilité.

En définitive, il y a lieu de retenir que cette solution de fuite en avant, qui cache mal un orgueil des RSS à se rabaisser après le « coup KO » pour demander et mettre impérativement en œuvre la réconciliation nationale, parce qu’il ont peur de leur électorat, un électorat conquis par la ruse, et les événements de ces derniers jours ne démentent point qu’ils l’ont dupé, va coûter cher, très cher au Burkina Faso.

Ousmane DJIGUEMDE

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