Financement de 18 000 milliards du PNDES par les PTF: Eviter le piège de la conférence de Paris.

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Dans cette contribution, un macréconomiste analyse les implications des 18 000 milliards de F CFA promis au Plan de développement économique et social (PNDES).

La conférence des partenaires du Burkina Faso pour le financement du Plan national de développement économique et social (PNDES) qui s’est tenue à Paris les 7 et 8 décembre 2016 a créé une « grande surprise agréable » même au sein des organisateurs de ladite conférence qui ont annoncé avoir mobilisé 18 000 milliards de CFA au lieu de 5 800 milliards de F CFA initialement prévu.

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En rappel, le PNDES est l’escarbille de la SCADD jugée inappropriée à faire face aux nouveaux défis dans un Burkina où tout le monde est unanime que désormais « plus rien ne sera comme avant ».

Le coût global de la mise en œuvre du PNDES est estimé à 15 395,4 milliards de Francs CFA dont 64% de ressources propres et 36% des ressources extérieures. Les 15 395,4 milliards devront contribuer à réaliser un taux de croissance économique moyen de 8% sur la période 2016-2020 et réduire le taux de pauvreté à 35% d’ici à 2020.

Une analyse sommaire nous permet d’affirmer qu’après la Conférence de Paris, les Partenaires Techniques et Financiers ont pris en otage le Programme du Président KABORE et par ricochet le développement du pays des hommes intègres sur la période 2016-2020. Autrement dit, sans rien faire à l’interne, les résultats du PNDES seront en principe atteints en 2020. Point barre !

N’est-ce pas une autre victoire en un « quart de tour » ?

Dans l’hypothèse que les ressources propres prévisionnelles de 9825,2 milliards seront mobilisées, le coût estimatif du PNDES se chiffrerait à environ 28 000 milliards de CFA. On peut même exagérer pour dire qu’après la Conférence de Paris, le coût du PNDES a doublé. Un calcul rapide nous donne un taux de croissance économique moyen de 16% sur la période 2016-2020 et une diminution du taux de pauvreté à 13%, toute chose étant égale par ailleurs.

Au regard des résultats engrangés lors de ladite Conférence, on a des motifs pour féliciter le Gouvernement de Paul KABA THIEBA pour cette victoire imprévisible.

En tous les cas, il est difficile de critiquer le relatif succès de la conférence de Paris sans être traité d’ « ennemi de la République ».

Mais moi, je ne sais pas s’il s’agit d’une qualité ou d’un défaut, je fais partie de ceux qui se réservent des intentions qu’elles soient bonnes ou mauvaises.

Les raisons de ma retenue sur les « intentions de Paris » sont les suivantes :

Sur le mécanisme des tables rondes :

Je constate d’abord, que la table ronde de Paris était la 5ème table ronde des bailleurs de fonds du Burkina :

  • la première a eu lieu en 1993 à Genève. La délégation du Burkina était conduite par un certain Roch Marc Christian KABORE, alors ministre des Finances ;
  • la seconde a eu lieu en 1995 à Genève. La délégation du Burkina était conduite par l’actuel Chef de file de l’Opposition, alors Ministre des Finances ;
  • la troisième a eu lieu en 2001 à Ouagadougou. La délégation du Burkina était conduite par Paramanga Ernest YONLI, Premier Ministre. Celle des bailleurs de fonds, par l’actuel Chef de file de l’Opposition, Zéphirin DIABRE, alors Directeur Général Adjoint du PNUD ;
  • la quatrième a eu lieu à Paris en 2011. La délégation du Burkina était conduite par Luc Adolphe TIAO, Premier Ministre ;
  • et la cinquième en 2016, encore à Paris, dans les conditions que tout le monde connait.

Sur la période 1993-2016, soit 23 ans, nous avons organisé 5 tables rondes, soit en moyenne une table ronde tous les 4ans et 7 mois. Je remarque qu’au retour de toutes ces tables rondes, la délégation du Burkina a annoncé des chiffres faramineux et la presse nationale s’est réjouie du succès de notre pays auprès des bailleurs de fonds. Alors je me pose certaines questions :

  • si les tables rondes permettaient de sortir un pays de la pauvreté, comment se fait-il qu’après 5 tables rondes nous soyons encore au même point de départ ?
  • où sont rentrées toutes les sommes faramineuses qu’on nous a annoncées à la fin de toutes ces tables rondes ?

Sur le financement du public :

Lors de la Conférence de Paris, des annonces ou des intentions ont été prises par les partenaires bilatéraux et multilatéraux, à hauteur de 8 352 milliards de F CFA. Déjà, les concepteurs du PNDES peuvent se vanter de la qualité de leur document et des projets qui y sont contenus.

Mais en réalité, on peut se faire des illusions en pensant que les partenaires traditionnels du Burkina Faso ont pris des initiatives sur la base de la qualité du nouveau référentiel de développement. Notre objectif dans cet écrit n’est pas d’étaler encore, comme d’autres l’ont déjà fait, les insuffisances du PNDES, mais plutôt d’analyser les causes qui ont conduit les Partenaires à accorder, cette fois-ci, plus d’attention aux projets du Burkina Faso.

La cinquième table ronde (ou si voulez, la Conférence de Paris) est intervenue dans un contexte où le Burkina Faso vient de sortir d’une situation socio-économique difficile. Il est intéressant de rappeler que l’élan de saut que notre pays avait pris à l’issue de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 et du coup d’état de septembre 2015, personne au monde, y compris les burkinabè que nous sommes, ne pensait que le pays allait tomber « à côté ». Comprenez par-là, le remplacement au lieu du changement. Du reste, c’était un bel exemple au monde de voir un peuple prendre son destin en mains.

Cette lutte historique des burkinabè a amené les  partenaires à avoir un regard particulier sur le pays qu’on voyait capable de donner désormais des leçons de démocratie en Afrique et dans le monde.

Il est vrai qu’après les élections, ce sont les mêmes qui sont revenus après avoir fait leur mea culpa. Leur résipiscence a suffi pour convaincre les burkinabè de leur bonne foi à faire autrement les choses. Ce n’est pas les Partenaires qui verront le contraire.

Ceci dit, la Conférence de Paris  était vue comme un conclave des partenaires techniques et financiers pour venir en aide à un pays qui vient de sortir d’une crise. Ce qui est d’ailleurs une tradition connue de tous. Illustrons cela à travers cet exemple.

L’Union européenne consent soutenir le Burkina Faso à travers deux intentions d’un coût total de 205 millions d’euros, soit 112 milliards de F CFA. Ces annonces portent respectivement sur le contrat de bonne gouvernance et de développement, et le Programme d’appui aux politiques sectorielles Eau et assainissement. Leur mise en œuvre s’étale sur la période 2017-2021. Tout comme les annonces de l’UE, beaucoup d’annonces couvrent des périodes qui ne cadrent pas forcément avec celle du PNDES.

Il est judicieux de se demander si les 8 352 milliards de FCFA sont réellement des engagements pour accompagner le PNDES ou plutôt des engagements déjà prévus dans les agendas des partenaires bilatéraux ou multilatéraux pour accompagner le « nouveau Burkina » à moyen et long termes. Le Président KABORE est élu pour cinq (05) ans et son programme quinquennal prend fin en 2020. Si l’appui de l’UE était destiné au PNDES, les 112 milliards devraient être consommés durant la période du PNDES.

En toute évidence, si un autre régime venait de s’installer en 2020 avec un nouveau programme, ce qui d’ailleurs est très probable, ce régime devrait bénéficier d’une bonne partie des 8 352 milliards de F CFA de la Conférence de Paris.

En outre, l’on pourrait aussi se demander : pourquoi le Burkina ne fait pas comme la Tunisie en déclinant le montant des dons et des prêts? On sait que pour les 2000 milliards de F CFA de la Banque Mondiale, 60% sont des dons et 40 % des prêts, soit 1 200 milliards de dons et 800 milliards de prêts.

L’on pourrait même se demander si le niveau d’endettement actuel du pays donne une marge de manœuvre à nos dirigeants de mobiliser des ressources conséquentes sous prêts au regard des critères de convergence de l’UEMOA ?

Toutefois, j’ai peur que les appuis budgétaires et les prêts des partenaires ne servent à remplir des « stades » et à confectionner des maillots orange par les « prophètes des coups KO » en 2019 pour les précampagnes et en 2020 pour la campagne.

De même, l’histoire nous enseigne que l’aide extérieure profite à un pays si elle est efficacement et rationnellement utilisée. Cela n’est pas le cas lorsque des pesanteurs internes et externes tirent le taux d’absorption des ressources extérieures vers le bas. Notre pays fait partie des pays qui ont un faible taux d’absorption. Il est présentement autour de 26% chaque année. Autrement dit, pour chaque 100 FCFA qu’on donne à notre pays, il ne consomme que 26 FCFA. Ce qui revient à dire que, dans l’hypothèse que les 8 352 milliards du public seront mobilisés, si on n’y prend pas garde, nous risquons d’utiliser environ 2080 milliards des « intentions de Paris ». Soit en moyenne 416 milliards de FCFA par an.

Ce qui n’est pas extraordinaire car, Sur la période 2006-2015, la moyenne de l’Aide Publique au Développement (APD) reçue par le Burkina Faso a atteint 1 056,8 millions dollars US, soit en moyenne 531,57 milliards FCFA par an. Le Burkina Faso a reçu en 2015 un montant total de 1100,34 millions dollars US d’APD, soit 650,74 milliards de FCFA.

Pour certains partenaires comme la Banque Mondiale, le taux d’absorption est encore plus bas et se situe à 14%. Il y a certes la dualité entre les procédures des partenaires et les textes nationaux. Mais, il est souvent observé que malgré l’avis de non objection des partenaires c’est-à-dire leur OK, les procédures nationales ralentissent le décaissement des fonds. Plusieurs raisons expliquent le faible taux d’absorption des ressources extérieures. Il s’agit entre autres de l’immaturité des projets soumis à financement, le manque de transparence et de compétitivité.

 

Sur le financement des investisseurs privés:

Les investisseurs privés ont pris l’engagement de soutenir le gouvernement dans la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social à plus de 10 000 milliards de FCFA. Si les déclarations des partenaires publics donnent plus de crédibilité, cela n’est pas le cas des partenaires privés. En réalité les partenaires privés font des annonces sur la base des intentions de financement de leur banque. Là, il s’agit d’une double incertitude. En principe, le Gouvernement devrait se réserver des annonces des partenaires privés et avoir le triomphe modeste en faisant une communication sérieuse sur le financement du PNDES.

Et si les intentions des partenaires privés arrivaient à se concrétiser ?

A la différence des partenaires bilatéraux et multilatéraux qui concilient les prêts et les dons et qui octroient des prêts à des taux nuls ou concessionnels, le secteur privé agit rarement par charité. Le plus souvent les entrepreneurs des pays développés sont des démarcheurs auprès des banques de leurs pays. Autrement dit, ils contractent des prêts auprès des banques qu’ils cherchent à rentabiliser. La crainte à ce niveau est le coût du crédit. Dans les déclarations, on ressort rarement les modalités de paiement et l’option du partenariat public-privé.

Les 10 000 milliards sont-ils à rembourser par l’Etat burkinabè ou sommes-nous dans l’option « construire, exploiter et transférer » ?

On se rappelle que pendant la campagne présidentielle de novembre 2015, certains partis politiques d’obédience libérale avaient prévus dans leur programme de mobiliser des ressources extraordinaires par le biais des euros bonds d’un montant de 1000 milliards sur le marché financier, soit le 1/10 des intentions des investisseurs privés. Cette innovation a servi à d’autres partis, généralement de la gauche de thèmes de campagnes de dénigrement en accusant les responsables des partis politiques de la droite de vouloir endetter le pays jusqu’au cou.

Que pensent aujourd’hui les sankaristes des 10 000 milliards des investisseurs privés quand on se rappelle que dans leur projet de société, l’endettement du pays auprès des partenaires techniques et financiers n’était pas envisageable? Et que dire du PAREN qui prône le nationalisme révolutionnaire?

Aujourd’hui le débat n’est pas (n’est plus) à savoir s’il faut faire recours à l’endettement pour soutenir l’effort de développement du pays ou pas. Il porte plutôt sur la gestion de la dette.

Dans un pays où l’incivisme a pris une certaine allure et tend à devenir la mode de gouvernance, si le Gouvernement ne prend pas des mesures sérieuses contre les actes de vandalisme, l’on se retrouverait à dédommager sans fin des entreprises vandalisées et ces milliards n’auraient servis à rien.

Toutefois, l’on pourrait se demander si les « amis du Burkina Faso » ne cherchent pas à induire nos dirigeants en erreur en leur faisant croire qu’ils peuvent compter plus sur eux et fournir peu d’effort dans la mobilisation des ressources internes ?

Les 18 000 milliards sont à prendre comme un piège pour éviter que le PNDES ne connaisse le même sort que la SCADD.

J’ai même peur que le Gouvernement Paul Kaba THIEBA à Paris ne soit comme « KERE à Abidjan » pour parapher l’artiste musicien ivoirien.

Marcelin OUEDRAOGO, Macroéconomiste.

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