Rêv’olutionnons les rôles de la diaspora burkinabè
« À l’instar des vagues entières de chinois et d’indiens de la diaspora qui sont retournés dans leurs pays d’origine dans les années 1990 pour fonder des entreprises qui, à leur tour, ont attirées davantage de talents et de capitaux de l’extérieur, plusieurs signes indiquent que les diasporas africaines qui entreprennent, aideront à transformer le continent. ». (« Africa is becoming the new China and India », Newsweek, 18 février 2010, traduction de l’auteur) Ce constat pose la question, en ces temps de renouveau burkinabè, des différents rôles que pourraient jouer les burkinabè de la diaspora dans l’essor de leur pays d’origine.
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État des lieux des initiatives gouvernementales et privées
Le Burkina Faso a mis ses diasporas, à l’ordre du jour de l’agenda gouvernemental depuis peu. En effet, le Ministère des affaires étrangères et de la coopération a ajouté les burkinabè de l’extérieur à ses responsabilités en 2016. De plus, le Ministère de l’Économie, des finances et du développement, a organisé en avril 2017, un forum sur la migration ayant pour thème « Développement économique et social du Burkina Faso : quelles contributions de la diaspora? ». Le site web www.burkinadiaspora.org créé par le Ministère des affaires étrangères, de la coopération et des burkinabè de l’extérieur récemment, a pour vocation de constituer un portail d’information et une plateforme de partage d’opportunités entre autres, le tout à l’intention des burkinabè de la diaspora.
Parmi les initiatives et projets privés, on retrouve ceux de plusieurs burkinabè de la diaspora visant à soutenir leurs compatriotes et leur pays, dans des domaines d’activités spécifiques, dans des localités choisies ou dans certaines activités.
Quelques exemples sont présentés à la figure 1.
Figure 1. Quand la diaspora rêv’olutionne le Burkina et les burkinabè
Quels sont les rôles et contributions actuels de la diaspora burkinabè ?
Le Burkina Faso fait partie des 10 premiers pays d’émigration répertoriés en 2010 en Afrique subsaharienne mais étrangement, il ne fait pas partie des 10 premiers pays destinataires des envois de fonds. En la matière, le Sénégal et le Togo pour ne citer qu’eux, font figure d’exemples avec un volume d’envois de fonds de leur diaspora qui représentait respectivement 9,1% et 10,3% de leurs PIB en 2009 (Recueil de statistiques 2011 sur les migrations et les envois de fonds, Banque Mondiale).
Si l’on considère la zone UEMOA, le Burkina Faso se classe parmi les derniers dans le calcul de la part relative de fonds reçus de la diaspora par pays, devant seulement 2 pays : la Guinée-Bissau et le Niger (Synthèse des résultats des enquêtes sur les envois de fonds des travailleurs migrants dans les pays de l’UEMOA, Mai 2013, BCEAO).
Les chiffres concernant les diasporas burkinabè, permettant d’établir un portrait relativement complet de leur situation et de leurs contributions au Burkina sont introuvables. Ce constat est effectué également par le professeur Ram Christophe Sawadogo dans l’étude publiée en 2016 concernant les associations de la diaspora burkinabè dans 3 pays.
Les indications sont claires à l’effet que, de façon générale, la diaspora des pays en voie de développement envoie au pays l’équivalent de 3 fois l’aide officielle au développement (source : http://www.calvertfoundation.org/diasporas ). Se pourrait-il que le véritable progrès, le progrès endogène, durable et authentique vienne d’une meilleure collaboration avec la diaspora? Voyons ce qu’il en est actuellement pour le Burkina.
Les deux tableaux suivants sont issus de la récente étude du professeur Sawadogo et présentent, pour les 3 pays dont les regroupements et associations burkinabè ont été étudiés, le type d’actions et de contributions de ces derniers dans leur pays d’origine.
Quelles conditions sont favorables à une contribution de la diaspora?
Il ressort du point précédent, que les moyens, ainsi que les volontés, existent pour que les diasporas burkinabè aient un impact positif sur l’essor du Burkina. Malheureusement, pour le moment, cela n’a pas pu ni se transformer en résultats conséquents et durables, ni en partenariats formels et constructifs avec l’État.
Ce constat étant posé, il faut maintenant comprendre comment changer la donne, comment transformer la diaspora burkinabè en partenaire pour un progrès durable du Burkina. La période est favorable à une véritable implication de toutes les tranches de la diaspora grâce aux outils technologiques qui facilitent les transferts de connaissances, d’argent, les partages d’informations et le travail collaboratif à distance. Autre levier d’une relation épanouissante entre le Burkina et sa diaspora : le gouvernement burkinabè a mis la diaspora à l’agenda de son plan de développement. Ces leviers doivent maintenant être activés dans des conditions favorables.
En effet, les recherches de la Banque Mondiale et les nombreuses études qu’elle cite (Le rôle de la diaspora dans la construction de la nation : Leçons à tirer par les États fragiles et les États sortant de conflits en Afrique, par la Banque Africaine de Développement et le Fond Africain de développement) indiquent que si le Burkina Faso et ses principaux voisins n’ont pas encore réussi à mobiliser leur diaspora de façon optimale ni même de façon simplement efficace. Il y a plusieurs raisons qui résident dans le cadre nécessaire.
La Corée et la Chine entre autres, ont relevé le défi d’un développement national exemplaire, en faisant appel à leurs diasporas respectives. Le cadre de succès de l’engagement de la diaspora proposé ici (figure 2) est fondé entre autres sur les exemples cités par la BAD et le FAD et sur des documents tels que Global diaspora strategies toolkit, Diaspora matters, Kingsley Aikins et Nicola White (2011) et Proceedings of the tanzanian diaspora conference in Canada, Tanzania Engaging the Diaspora –A win-win Strategy, Tanzanian Community Association of Northern Alberta (2014).
Figure 2. Les conditions d’une rêv’olution gagnante de la diaspora
Comment rêv’olutionner l’engagement de la diaspora burkinabè ?
Une fois les éléments d’un cadre favorable posés, il faut s’intéresser à ce qui concrètement, collectivement et efficacement peut être fait pour que la diaspora burkinabè s’engage auprès des siens restés au pays de façon profitable et durable pour toutes les parties.
Le schéma suivant (figure 3) présente un aperçu des solutions proposées.
Figure 3. Rêv’olutionnons l’engagement de la diaspora burkinabè
Le schéma présente des propositions qui servent davantage à illustrer et à inspirer ce qui est à rechercher qu’à servir de plan à suivre à la lettre.
Concrètement, que faire maintenant à part partager, commenter et aimer l’article?
Le Burkina est dans un processus de développement suivant un nouveau plan. Toutes les franges de la société burkinabè, incluant ses diasporas, ont un rôle à jouer dans cette démarche.
Du point de vue gouvernemental, la stratégie de mobilisation de la diaspora doit être définie avec en tête la nécessité d’une réciprocité d’intérêts. En effet, de nombreux burkinabè de la diaspora sont à l’extérieur par leurs propres moyens, certain-e-s ont même « fui » des conditions de vie matérielles ou politiques devenues invivables, et ne se considèrent pas comme redevables au Burkina. Il est donc primordial de se demander, d’identifier et d’exposer très clairement au partenaire socioéconomique « diaspora burkinabè » ce qu’il gagnerait dans les partenariats qui leur seront proposés si on veut s’assurer de leur implication.
Il est également important que les différents ministères inscrivent dans leurs actions, les possibles participations de la diaspora en tant que source de compétences, de connaissances, d’investissements. Aussi, le gouvernement doit se donner un rôle de coordination des initiatives de la diaspora visant l’essor et le bien-être du Burkina.
Enfin, les représentations diplomatiques du Burkina à l’extérieur, devraient être proactives dans la collecte d’informations pertinentes sur la diaspora telles que leur effectif réel dans les différents pays d’émigration, les compétences, les accomplissements dignes d’intérêt, les entreprises, afin que l’action gouvernementale soit fondée sur une réalité documentée.
Le cadre législatif peut lui aussi jouer un rôle majeur en mettant en avant des lois qui privilégient les compétences et les initiatives burkinabè dans tous les projets et toutes les initiatives publiques. La préférence nationale érigée en loi, constitue un puissant levier d’engagement des burkinabè localement et dans la diaspora.
Les initiatives privées, au lieu d’avoir systématiquement recours à des fournisseurs et partenaires étrangers, pourraient rechercher ces compétences techniques, ces fonds à investir, auprès de leurs compatriotes de la diaspora. Également, les institutions bancaires et d’assurance devraient voir dans la diaspora un potentiel de développement de produits et services spécifiques à ces derniers et à leurs familles restées au pays.
Les associations et organisations de la diaspora devraient systématiquement se faire connaître de la représentation diplomatique de leur pays d’accueil et travailler de concert avec celle-ci dans le cadre de la stratégie nationale de mobilisation de la diaspora.
L’article Faso Rêv’olution du 28 mars 2017 proposait de définir et de faire connaître une image du Burkina qui montre toutes les possibilités dont le pays regorge. Chaque burkinabè, incluant celles et ceux de la diaspora, doit incarner cette image et profiter de ces possibilités pour que s’opère un véritable progrès endogène et durable.
Par Yannick Tou
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