Tribune – « Réconciliation nationale : J’accuse ! »

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Ousmane Djiguemdé fait part de son indignation face à la situation nationale, précisément sous l’angle de la réconciliation nationale.

Je m’indigne ce matin parce que la réconciliation nationale a été prise en otage exclusivement par les acteurs politiques, juste pour des desseins égoïstes. C’est pourquoi je les accuse, non sans avoir argumenté !

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Dans sa déclaration après l’attaque terroriste du 13 août 2017 du Café Istanbul, l’ARCN de Mousbila Sankara avait ces deux interrogations, assez évocatrices de notre malheur : « Avons-nous été exemptes de défauts en rapport avec des actions similaires qui ont endeuillé d’autres nations ou d’autres communautés  dans la sous-région? Si oui, sommes-nous à même de nous remettre en cause à travers une catharsis ? ».

Nos défauts de citoyens incomplets

Je réponds sans détour oui à toutes les deux questions et pour cause ! La semaine dernière, un échange fortuit avec l’un des grands techniciens de l’administration, aux compétences unanimement reconnues, m’a permis de comprendre que l’administration burkinabè a atteint un seuil d’entropie où tout est réuni pour que le système s’autodétruise lui-même, si rien n’est fait. La surenchère des prétentions de privilèges divers, la réalité de la masse salariale masquée aux partenaires et au peuple et la gloutonnerie de l’administration vont conduire à une inévitable explosion du système et à une situation où « les uns dévoreront les autres ». Foi de technicien ! Le peuple est donc averti.

Oui, pour la seconde fois, parce que le Burkina Faso est passé de l’admiration et du respect, sous la Révolution, pour ses valeurs, à l’intolérance où l’entropie est accentuée par le climat traduit dans cette interrogation adressée à une amie par son collègue et qui cache un profond malaise au sein de la population : « comment feras-tu, toi dont les enfants appartiennent aux deux ethnies les plus détestées du Burkina Faso ? ». Inutile de vous dire que la caractérologie adossée aux préjugés véhiculés par les populations s’est accrue avec la dernière crise au sein d’un certain parti.

Je réponds enfin oui, parce que nous n’avons pas su transmettre le témoin de notre identité aux générations naissantes. Ni à travers l’armée par le service militaire et le partage de notre doctrine martiale et sécuritaire, ni par le biais de l’école. De même, il a glissé entre nos mains lorsque nos devanciers nous le transmettaient. Résultat, l’histoire du pays a été trafiquée pour des desseins personnels. Et les jeunes ne savent pas pourquoi et comment la diaspora burkinabè est née et a grandi ainsi ?

Ils ne se souviennent pas que Maurice Yaméogo a bataillé dur pour obtenir la double nationalité entre la Côte d’Ivoire et la Haute Volta (Burkina Faso) ? Ils ne savent pas pourquoi la Diaspora devrait être considérée comme la plus grande région du Burkina Faso et faire partie intégrante de son identité ? Résultat, des propos malsains sont véhiculés sur les réseaux sociaux pour stigmatiser les enfants issus de cette diaspora et les présenter comme les damnés qui ont apporté le malheur dans le pays.

Reconstruire notre vivre-ensemble sous l’arbre à palabre

C’est en réécrivant notre histoire que nous apprendrons à la jeunesse du Burkina Faso que notre malheur est essentiellement l’œuvre des processus de gouverne qui ont fait et défait des hommes forts ou ont conduit à plébisciter d’autres citoyens, juste par ignorance, analphabétisme, cupidité et égoïsme. Le président du Faso Roch Kaboré en a maintenant conscience, puisqu’il a déclaré clairement, après l’attaque terroriste du 13 août 2017, que « aussi longtemps que nous saurons nous unir et nous mobiliser autour de l’essentiel (…), nous serons invincibles. Mais chaque fois que nous allons donner dans la division (…), nous faciliterons le travail des fossoyeurs de notre peuple. Aujourd’hui plus que jamais, le Burkina Faso a besoin de toutes ses filles et de tous ses fils ».

Mais, ne soyons pas naïfs ! Les acteurs politiques, malgré ces déclarations, demeurent ceux qui peuvent « brûler le pays » juste pour chauffer leur café, comme le disait Norbert Zongo. Avant eux, Félix Houphouët-Boigny l’a fait en montant les politiciens voltaïques les uns contre les autres, juste pour asseoir sa domination en Afrique de l’Ouest. Selon les dernières confessions de Jacques Foccart, c’est bien Houphouët-Boigny qui a semé le germe de la démarcation identitaire au Burkina Faso en professant que « la Haute-Volta devrait être dirigée par les Mossis[1] ». Aujourd’hui, c’est un secret de polichinelle : les politiciens utilisent la religion, l’ethnie et l’argent dans tous les processus qui conduisent au pouvoir et toutes les manœuvres pour le conserver. La jeunesse doit être consciente et s’en démarquer pour demeurer intègre.

Depuis toujours, je dis que le problème du Burkina Faso n’est pas économique, mais social. La résolution du malaise burkinabè ne se trouve pas dans la seule résolution des crimes de sang et des crimes économiques. Si l’on l’ouvre, c’est une autre porte de revendications sans fin qui s’ouvrira. Des analyses le relèvent. Les auteurs des crimes doivent simplement rendre compte à la justice avec l’accompagnement de l’État pour rétablir les victimes et les ayant droits dans les droits qui peuvent leur être octroyés pour apaiser leurs peines.

À ce jour et au regard de la démarcation identitaire flagrante au sein des populations, l’absence de citoyenneté et d’État, notre pays ne peut absolument pas faire l’économie d’un forum sur l’État et la citoyenneté. Mieux, des voix me rejoignent pour dire qu’il faut réécrire l’histoire du pays pour nous-mêmes et pour les générations futures afin de nous mettre d’accord sur ce qui nous unis, de fonder une nouvelle citoyenneté et un nouvel État, dans un nouveau contrat social. Donc, la précipitation sur la rédaction de la nouvelle constitution est encore un piège politique et les personnes avisées le savent très bien. La réconciliation nationale doit prendre un autre chemin : celui d’un forum à côté d’une « justice transitionnelle » qui va extirper le malaise du corps social !

C’est ce que les politiciens ne veulent pas entendre, puisqu’ils se réfugient tous derrière la justice, tout en sachant que la justice a été désactivés et beaucoup trop compromise dans des relations incestueuses avec l’élite politique, depuis longtemps, et que sa mise en état de marche prendra une éternité. Le temps pour eux de lui échapper. Mais plus que jamais, c’est à la jeunesse de prendre son destin en main, sans se laisser infiltrer comme se fût le cas pendant l’insurrection de 2014 ou l’opposition au coup d’État de 2015.

Que Dieu préserve le Burkina Faso et éclaire enfin ses enfants !

Ousmane DJIGUEMDE

[email protected]


[1] http://www.jeuneafrique.com/mag/288066/politique/burkina-cote-divoire-destins-croises/, consulté le 21/07/2017 à 08h16mn

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