Lutte anti-corruption : Le cri du coeur de l’ASCE-LC

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Il plane au-dessus de la loi 04-2015/CNT portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso une épée de Damoclès. Et l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE/LC) n’est pas mieux lotie non plus. En attendant l’adoption des textes qui la régissent, elle agit en ce moment « dans l’illégalité la plus totale ».

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Cette loi fait la fierté du Burkina Faso qui se retrouve « souvent cité en exemple par l’ONUDC » tant elle est « presqu’une réplique » de la convention des Nations-unies contre la corruption. David Moyenga a été député sous le Conseil national de la Transition (CNT). Il se rappelle, comme si c’était la veille, les tiraillements autour de la loi 04-2015/CNT modifiée par la loi 033-2018/AN du 26 juillet 2018 pour introduire la déclaration électronique (télédéclaration) d’intérêt et de patrimoine.

« Ce n’était pas non plus facile. Pour les politiques parlementaires chevronnés de l’époque qui comprenaient très bien le sens et les enjeux, ils ne voulaient pas du tout voter. Il y en a qui ont estimé que cela allait être une chasse aux sorcières que nous sommes en train de vouloir élaborer », se remémore-t-il.

Quatre ans plus tard, alerte le contrôleur général d’Etat Luc Marius Ibriga, « il y a une épée de Damoclès qui pèse sur la tête de la loi 04-2015/CNT et certains acteurs n’attendent que l’occasion pour la trahir selon leur intérêt ».

Lorsque l’institution qu’il préside a décidé de mettre en œuvre la déclaration d’intérêts et de patrimoine, elle n’en a pas reçu en provenance des élus de la septième législature. M. Ibriga s’est même retrouvé, « à deux reprises » questionné sur le « pourquoi » les députés se sont retrouvés soumis au processus qui concerne 13 000 assujettis burkinabè.

« Nous avons écrit au président de l’assemblée à l’époque (Salifou Diallo) pour lui dire de rappeler les dispositions de la loi et ce qu’ils risquent en cas de défaut de déclaration. C’est en ce moment – puisque nous avons brandi le fait de retenir des émoluments jusqu’à ce qu’ils déclarent – que les déclarations sont tombées au niveau du Conseil constitutionnel pour nous parvenir », rapporte le contrôleur général d’Etat.

M. Ibriga s’exprimait au cours d’un panel organisé vendredi 9 août 2019 par l’association des journalistes du Burkina (AJB) dans le cadre de ses activités entrant dans la mise en œuvre du Programme de gouvernance économique et participation citoyenne (PGEPC). La conférence a été l’occasion pour lui de s’appesantir sur les textes régissant l’institution qu’il préside en lançant un « cri» de cœur.

« Cela fait quatre ans que la loi organique 082 a été adoptée. Elle dit qu’un an après sa promulgation, tout doit être mis en place. Nous sommes quatre ans après. Les textes d’application de la loi ne sont pas encore aboutis. Donc, c’est vous dire que l’ASCE actuellement est dans l’illégalité la plus totale », a-t-il fait savoir.

« Il y en a qui ont estimé que cela allait être une chasse aux sorcières que nous sommes en train de vouloir élaborer « , David Moyenga, député CNT

Fidèle Zerbo a en charge les affaires judiciaires au sein du Réseau national de lutte anticorruption (REN/LAC). La loi oblige les membres de l’exécutif à faire leur déclaration de biens dans un délai de 30 jours avant leur entrée en fonction de même que 30 jours après être  déchargés de celle-ci.

Et pourtant, à la date du 31 décembre 2018, récapitule-t-il, « des huit nouveaux ministres entrant, seulement quatre avaient satisfait à l’obligation de déclaration d’intérêt et de patrimoine dont un seul ministre a déclaré dans le délai de 30 jours requis après la prise de fonction ». Quant aux trois ministres qui ont changé de fonction, « seulement un » s’est soumis au processus.

« Le législateur a donné un ton beaucoup institutionnel en invitant à la création des pôles judiciaires spécialisés notamment les pôles économique et financier », apprécie pour sa part le juge Karfa Gnanou, président du comité anti-corruption du ministère de la justice. Et le magistrat de citer des procédures judiciaires. Il s’agit de celles intervenues à Bogandé où un justiciable a fait des propositions directes à l’acteur de la justice qui l’interrogeait pour des questions de drogue.

« La loi facilite le travail du parquet puisque le parquet n’est plus obligé de correctionnaliser les infractions », juge Karfa Gnanou

A Gaoua et à Diébougou dans le Sud-ouest, il notera respectivement la poursuite et condamnation d’agents publics qui percevaient des sommes d’agent auprès des usagers des marchés et yaars mais ne procédaient pas à leur reversement au niveau de la commune et la poursuite et condamnation d’un agent public pour détournement de deniers publics relativement à la gestion d’un établissement de santé. A Koudougou, dans le Boulkiemdé, un acteur de la justice est poursuivi pour des faits de concussions à lui reprochés.

A ce jour, l’ASCE/LC attend toujours la livraison de la plateforme de déclaration qui « est en construction » et dont la livraison était prévue pour fin 2018. « Mais nous avons été victimes des mouvements sociaux au niveau du MINEFID », impute le contrôleur général d’Etat.

Outre « le spectre trop large » des citoyens assujettis à la déclaration d’intérêt de patrimoine, l’ASCE/LC est en face d’un obstacle majeur qu’elle doit surmonter. De même que la justice. Il s’agit de la question des honoraires des consultants immobiliers. Selon le contrôleur général d’Etat, concernant le dossier des ministres de la défense et des infrastructures, les deux évaluations ont coûté à l’ASCE/LC « au bas mot 15 millions de F CFA».

« Nous avons un beau texte mais la mise en œuvre pose problème parce que c’est un texte qui demande des ressources », déplore M. Ibriga. Il est soutenu par le juge Gnanou qui note qu’à ce jour, la justice ne dispose pas d’enveloppe pour faire face à ce genre de dépenses. D’où la déduction de Fidèle Zerbo : « Cela vient conforter le REN/LAC. Le dispositif législatif est clair. L’institutionnel est là. Si l’ASCE/LC n’est pas en état de fonctionnement normal, il va sans dire qu’il y a absence de volonté politique. »

Oui Koueta

Burkina24

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Oui Koueta

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