Burkina : Quand des élèves régulent la circulation à Ouaga

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Depuis quelques années, un  phénomène s’est installé dans la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou. Il s’agit d’enfants, scolarisés ou non, qui  régulent la circulation dans les artères de la ville. Qu’est-ce qui nourrit cette pratique ? Burkina 24 est allé à la rencontre de ces enfants à Gounghin, un quartier de Ouagadougou pour avoir des réponses.

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Il est 16h30 ce mercredi 4 mars 2020 sous l’échangeur de Gounghin à Ouagadougou.  C’est déjà l’heure de pointe. Mais les VADS (Volontaires adjoints de la sécurité routière), chargés de fluidifier la circulation, ne sont pas encore présents. Ce sont leurs remplaçants officieux, des enfants âgés entre 8 et 15 ans, parfois plus, qui assurent « le service » en attendant.   Ils valent environ une dizaine  à ce lieu. Certains sont des élèves, d’autres,  pas.

Postés au carrefour des voies, deux ou trois lèvent les bras pour demander aux uns de passer et autres de s’arrêter, tout en demandant de « quoi boire de l’eau ».

Moyens d’existence

Ce « de quoi boire de l’eau » constitue en réalité un moyen de subsistance pour la plupart de ces enfants. Fréderic (nom d’emprunt), âgé de 15 ans en classe de 4e, orphelin de père, est l’un d’eux. A l’écouter, il est obligé d’exercer cette activité pour venir en aide à sa mère qui rencontre des difficultés pour subvenir aux besoins de la famille. Il s’agit, entre autres, du paiement de sa scolarité  et de l’accès à l’électricité pour lui permettre d’étudier les nuits. Frédéric a donc trouvé dans la régulation de la circulation, un moyen pour tenter de résoudre ces problèmes.

« Je suis venu ici pour aider la famille parce que mon père est décédé. Je suis venu ici pour chercher un peu d’argent pour mettre un peu de courant et pouvoir payer la scolarité», explique-t-il.  

Abou Kaba, originaire de la Guinée,  raconte qu’il est également orphelin de père et de mère et qu’il est venu au Burkina pour trouver un emploi. N’ayant pas eu gain de cause, et pour ne pas s’adonner au vol, il s’est rabattu dans la régulation de la circulation. « On fait ce travail pour aider les usagers et aussi avoir de quoi manger  et se vêtir (…). Nous remplaçons les VADS de 10h à 12h et de 12h à 17h », a-t-il avancé.

Cette activité s’avère parfois fructueuse à en croire un pompiste d’une station de la place, qui garde l’anonymat. «  Il y a un écolier qui quitte l’école pour venir réguler la circulation ici. Il vient ici retirer sa tenue d’école, la range dans son sac sous mes yeux avant d’aller réguler la circulation. Un jour, un des enfants m’a montré la somme de 14 000 F CFA qu’il a pu assembler de 12h à 17h » a-t-il confié.

Pas la place des enfants

Si certains usagers apprécient positivement cette aide des enfants, d’autres par contre, ne la voient pas sous cet œil.  Il s’agit, pour eux,  d’une démission de la société qui pourrait entraîner d’autres problèmes.

Ousmane Badini, usager régulier de la voie de Gounghin, a fait savoir que la place de ces enfants n’est pas à la circulation mais à l’école. Les panneaux de signalisation, les policiers et les VADS suffisent à cet emploi, selon lui.

« Je vois ces enfants réglementer la circulation.  Tout le monde observe. Personne ne dit mot. Moi je pense que ce n’est pas normal (…). Je ne pense pas qu’on puisse laisser la règlementation de la circulation  dans la main de ces enfants. S’il y a un problème, qui est responsable ? Il (l’enfant, NDLR) n’a pas le B.A-BA de la sécurité routière. Il fait comme il veut. Ce qui est mauvais, il fait ça et il demande de l’argent. Quand on donne l’argent à la police, ça devient un problème et vous laissez les enfants demander de l’argent. Je pense que ces enfants, il faut les chasser. Ici, il y a les panneaux. Laissez les Burkinabè prendre leur sécurité routière en main. Je pense que c’est la bonne façon. Si on laisse ces enfants, nous formons des délinquants, nous formons des voleurs (…). Leur place, c’est à l’école», explique Ousmane Badini.

Abou Kaba, bien que n’étant pas scolarisé, soutient que l’école est une bonne chose et exhorte ses camarades à abandonner cette activité et retourner dans les classes.

L’écolier de 15 ans, Frédéric,  indique pour sa part qu’il n’a pas l’intention de rester longtemps dans cette activité. Il ajoute qu’il est arrivé que des policiers leur disent de ne plus réguler la circulation. « Mais  comme on veut de l’argent, on ne peut pas laisser(…). Si je réussis à rassembler assez d’argent pour installer l’électricité à la maison, je ne vais plus venir ici », foi de l’élève.

Il est 17h. Les personnes qui ont reçu la formation pour régler la circulation, les VADS, s’installent. Leurs « remplaçants » battent en retraite. Ils feront le compte de leurs avoirs, chacun de son côté, avant de prendre la direction de leur maison. Si maison il y a…

Irmine KINDA

Burkina24

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Un commentaire

  1. A quoi servent alors les policiers? Municipaux ou nationaux. Ces enfants s’exposent au danger et l’autorité publique laisse faire. Leur place n’est pas en ces lieux et M. Badini a bien raison. J’ai essayé un jour de le faire remarquer à ces gosses. Le constat est qu’il sont toujours là, jusqu’au jour où une grande catastrophe surgira…
    La gouvernance par le laisser faire ne fait que tirer la nation vers le bas. Il faut chasser fermement ces enfants pour qu’ils aillent en classe. Peut-être même que certains (la plupart) s’adonnent à l’école buissonnière à l’insu de leurs géniteurs.

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