Restriction des évènements à caractère festif : Une décision sous Damiba, mille questions ! 

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Le 2 février 2022, le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, alors Président du Faso, a, à travers un communiqué, annoncé que les « évènements à caractère festif et les réjouissances sont interdits du lundi au jeudi après minuit et du vendredi au dimanche après 2 heures du matin ». Cette décision s’inscrit dans une vision de soutien aux victimes et acteurs de lutte contre le terrorisme. Mais elle ne semble pas la bienvenue pour bon nombre de « maquisards ». Pour un constat, Burkina 24 s’est invité dans quelques lieux de réjouissance de la place. Lisez !

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Parti dans le cadre d’une formation dans la ville de Tenkodogo le 29 mars 2022, nous décidons, après une dure journée de travail, de sortir prendre la température de la ville. Ainsi, dans nos balades sans vraiment savoir où se « pointer le nez », on entendait, de loin, une forte musique sonner. « Oups ! ».

On se met alors à suivre le son qui va nous servir de « GPS » pour la destination inconnue pour l’heure. C’est ainsi qu’après quelques minutes de tournée, nous voici devant un maquis situé juste derrière un grand hôtel de la ville.

Quelques verres commandés, puisqu’on était 4 pour notre virée nocturne, auprès d’une serveuse qui nous avait réservé un accueil timide. « C’est pas bien frais », murmure-t-elle avant d’ôter les capsules des bouteilles, après notre permission bien sûr !

« Personne ne se souciait des mesures de restriction »

Après avoir pris nos premières gorgées, on se sentait maintenant apte à profiter de notre soirée tant méritée. Tout comme sur notre table, les discussions allaient bon train. La musique à fond ne nous laissait pas d’autre choix que de crier pour se faire entendre. Mais ce calvaire n’allait pas durer encore longtemps puisque dans nos montres, il était 23h, le Disc-Jockey (DJ ndlr), devrait indépendamment de sa volonté, suspendre la musique… Enfin ! C’est ce qu’on pensait tous.

Minuit 00 sonna ! C’est « Mam Sin Data », le dernier titre du prodige de la musique burkinabè Amzy qui résonnait dans les baffles. Comme par coup de baguette magique, les quelques clients qui semblaient timides abandonnaient leurs bouteilles pour rejoindre la piste de danse.

C’est comme si le DJ venait de lancer l’alerte pour véritablement commencer le « show ». Personne ne se souciait des mesures de restriction, chacun était plutôt préoccupé à faire la fête. De notre côté, les discussions accéléraient, on sentait sans doute les effets des bouteilles. Ne voulant donc pas se démarquer au risque de se montrer désagréables, nous nous confondons à la masse le temps de terminer nos dernières bouteilles. C’est d’ailleurs ce moment qui a germé l’idée de la rédaction de ces lignes. Fin de cette mission !

Nous voilà de retour dans la capitale Ouagadougou, un nid de lieux de réjouissances partout. Les amoureux des boites ne diront pas le contraire. On se donne pour tâche de sillonner les rues de « Ouaga la belle », pour la suite de notre petit constat…

Vendredi 29 avril 2022, aux environs de 22 heures, conformément au communiqué du Chef de l’Etat d’alors, la restriction des réjouissances populaires et évènements à caractère festif, devrait prendre effet à partir de 2 heures du matin. Naturellement, ce jour est un jour cible pour débuter un weekend d’enfer et déstresser après une semaine chargée sans doute. Nous nous joignons au bateau, tout en ayant un œil sur l’ambiance et l’autre sur notre horloge.

« Qui veut aller loin ménage sa monture » dit-on. Pour aller loin dans notre ballade, l’idéal pour nous serait de veiller au renforcement de nos capacités. Nous décidons alors de nous installer dans un restaurant, question d’avoir plus d’énergie pour notre mission. « La vanille », un restaurant glacier situé au quartier Karpala de Ouagadougou, nous ouvre ses portes.

Nous prenons donc quelques pâtisseries et des jus. Loin de nous détourner de notre objectif, on constate donc une ambiance assez calme, les clients occupés dans leurs causeries ou à déguster avec appétit les mets soigneusement cuisinés. Nous terminons vite nos plats pour prendre d’autres directions.

« Filles en tenues extravagantes »

Il est 00h quand nous nous pointons au quartier Dapoya. Un quartier assez bien animé, et réputé pour ses mœurs. Après quelques tours sans véritablement savoir où se poser, on finit par garer au maquis « la garde » sous la recommandation d’un pote, « un coin très chaud », nous dit-il.

Malheureusement, le constat était tout autre à notre arrivée. Zéro client, musique pas de notre goût, grande fût notre déception. On change de coin pour revenir plus tard. On ramasse ainsi nos clics et nos clacs, pour une nouvelle destination…

« Ka la Dapoya », ceux qui ont une fois fait un tour dans ce lieu savent déjà le bain dans lequel nous serons plongés. Situé juste à quelques mètres du maquis « Matata » qui a refermé ses portes, « Ka la Dapoya » est un maquis pour assurer la relève de leur voisin « Matata », selon notre constat. Filles en tenues extravagantes, certaines même à moitié nues… Bref !

Ce jour, vendredi soir, il y était organisé un concours de danse. Les serveuses, sur la piste démontraient leur savoir-faire sous les acclamations des fans (clients, ndlr). Sous nos yeux c’était du striptease au sens propre du terme. Le spectacle était quand même beau !

A « Ka la Dapoya », dès l’entrée, les poufs sont classés dans tous les coins et recoins du maquis en forme circulaire, avec une petite table au milieu. Assez d’espace pour se faire le maximum de clients. Un peu au milieu du maquis, se trouve une piste de danse. Faite sous forme de cercle, la piste est le lieu où les clients qui veulent esquisser des pas de danse s’y invitent. Des jeux de lumières assez en abondance pour rendre encore plus vivant le lieu.

Vue sur la piste de dance du maquis « Ka la dapoya »

Coté éclairage, tout était sombre. Noir, juste une petite lumière bleue accompagnait, pour ne pas être dans le noir absolu. Certainement pour camoufler un peu les mœurs qui s’y trouvent. On vous le disait tantôt, un concours de danse était organisé ce jour. Les filles (serveuses) étaient les stars du jour puisque tous les regards étaient rivés sur elles. Petites culottes, petites jupes, petites robes,… Tout est réuni pour spéculer autour du statut de ces filles.

2 heures 13, quand on se souvient de notre horloge. L’ambiance quant à elle n’a pas connu un quelconque changement. Les filles continuaient sans se gêner avec leur besogne. Les clients ne cessaient de défiler comme s’ils se filaient le message. Après le jeu concours, les clients prennent d’assaut la piste de danse, et la musique à fond…

Samedi 18 juin, un jour assez propice au divertissement. Cela va sans doute apporter du nouveau dans notre travail, dit-on. Déjà à 23h on était positionné du côté du « Cogito », un maquis situé juste en face du Tribunal de Grande Instance Ouaga 2 qui a été inauguré le 18 mai 2021, au quartier Rayongo. La décision des autorités est respectée dans ce maquis. Constat !

Dans ce maquis qui abrite la plupart des jeunes branchés de la zone, l’ambiance qui était assez hot, l’animation et tout, ce qui arrivait à faire bouger même les plus timides. Les hôtesses (ndlr, serveuses) étaient chacune dans l’une de leurs plus belles combinaisons.

Comme l’a souhaité la mesure présidentielle, le travail du Disck Jockey devra prendre fin à 2h indiquées. On plonge ainsi dans le show sans le vouloir, comme tous les autres clients. 1 heure passée, tout était chaud, tout était noir, difficile de voir à quelques mètres devant, puisque tout le monde avait divorcé d’avec les chaises et se tenait debout pour mieux bouger.

« Couper le son, ça joue sur les chiffres des maquis »

2 heures 04, on se rappelle notre mission, quand le DJ a baissé le volume. C’est sans doute une alerte. La piste se vidait, chacun regagnait sa place. Plus que quelques minutes, aurevoir la musique. Les derniers clients sur la piste ne manquent pas de lancer leur mécontentement au DJ : « Ehh Dj, c’est quoi, DJ met le son »… Mais que faire ? Situation nationale oblige, on doit prendre rendez-vous demain peut-être, pour  continuer la partie.

Quant aux clients assis, c’est les bavardages, histoire de terminer leurs dernières bouteilles. Les hôtesses de leur côté s’attèlent à débarrasser les tables, et signer pour marquer leur présence avant de regagner leurs logis.

Arobase DJ est celui qui est derrière les platines dans ce maquis. Ayant abandonné sa cabine, car finie sa mission, il se confond aux clients, avant donc de libérer le maquis, à son tour. Pour lui, cette mesure prise par le président du Faso n’est pas du tout la bienvenue.

« Couper le son, ça joue sur les chiffres des maquis en fait. On doit payer les impôts, le BBDA, tout ça. Imaginez, si on n’arrive pas à payer ces taches, ils peuvent venir fermer nos maquis. Couper le son ça gâte beaucoup notre marché, si les gens sont en train de danser fort fort, quand tu animes, les gens sont contents, et quand l’heure arrive qu’on coupe, ça commence à insulter, à parler au hasard. Le gouvernement doit aussi sciencer, c’est dans ça on mange, et on prend en charge nos familles », clame Arobase DJ.

Arobase Dj, du maquis Cogito

Les maquis ne sont pas les seuls lieux de réjouissances, le sait-on. Vendredi 1er juillet, on se dirige à Waguess, une boîte qui fait sans doute partie des plus animées de la capitale politique du Burkina Faso. A 00h, nous voilà pour la destination connue. Puisque c’est vendredi, le show va continuer jusqu’à 2heures, donc on aura toujours le temps de profiter de la soirée.

Comme tout bon début de weekend, l’ambiance est meilleure. Les clients s’enchainent. La musique à fond. Le DJ fait une animation de haute mesure. Les filles dans les beaux vêtements font rêver beaucoup… C’est parti pour une soirée d’enfer.

On s’installe donc tout joyeux. Une hôtesse très séduisante nous escorte dès notre entrée. « Vous êtes au nombre de combien ? Nous sommes 3. Ok venez avec moi ». Pas plus d’une minute, nous sommes installés, et passons notre commande.

Quelques instants après, l’heure du grand rendez-vous sonna. Aucun changement à l’horizon. « Buga », l’un des meilleurs hits du moment, fait trembler les baffles de la boîte. Impossible de s’asseoir, tout le monde est debout, comme si on assistait à un concert de la Sexion d’Assaut au Zénith de Paris. Le show était phénoménal. On ne dirait pas qu’on vit dans un pays frappé par la crise sécuritaire. Problème zéro, et on se laissait emporté par le son de la musique.

3heures passées ! L’ambiance allait bon train. Damiba et ses mesures n’étaient pas invités à cette partie. Que pouvons-nous faire de plus ? On décide donc de se retirer pour notre domicile. C’est ainsi qu’on échange avec Dramane, (nom fictif), qui nous semblait un habitué du coin, qui nous fait savoir sans aucun complexe que les choses se passent comme ça ici. « Ici à Waguess, le show continue chaque jour, il n’y a pas d’heure pour arrêter le son, c’est quand les clients rentrent peut-être que le coin devient calme », confie-t-il.

Le 24 juillet, nous ciblons le « Black Diamond », pour poursuivre notre constat. Une des boîtes de référence de la capitale, le Black Diamond n’est plus à présenter. Autrefois installé sur l’avenue Tansoaba, l’ex Haut niveau va se déporter à la ZAD, depuis que les travaux de réaménagement de cette avenue ont commencé. Avec toutes les commodités dignes d’une boîte de nuit de haut rang, selon notre petit sondage, le Black Diamond s’inscrit dans le top 5 des boîtes de nuit les plus huppées du Burkina Faso, sans pour autant la venter.

Comme tout bon samedi soir, les clients ne se font pas prier pour prendre la destination du Black, pour vivre un beau weekend. Ce jour n’a pas connu une exception. Les amoureux du weekend ont répondu présents à l’appel. A minuit déjà, la boîte refusait du monde, certains continuent de venir.

Aperçu de l’intérieur de la boîte de nuit Black Diamond

Il y a de la place pour tous tant que le show n’est pas terminé. Pas besoin d’assez d’espace pour se trémousser. Certains debout avaient l’air plus gais que ceux assis. C’est tout ceci et tout cela qui font la magie de la boîte.

Les hôtesses étaient quand même stylées. Pas extravagantes comme dans certains maquis et boites. On voyait une même habillée en costume, à l’allure d’une directrice de société. Ces aspects donnent encore envie d’y passer son temps. C’est sans doute pour le marketing, plus le client dure, plus il dépense et plus le propriétaire de la boîte se tape des sous… C’est une logique !

2 heures, on doit plonger dans le silence. Déception ou joie, pour nous de voir le DJ continuer son animation avec aisance. Tout semblait normal, mais nous, on était plutôt dans un autre état de constater que les Ouagavillois ne tendent pas oreilles attentives aux mesures gouvernementales. Loin de ne pas se soumettre à la volonté du chef de l’État, A.G, gérant d’une boite de la place, qui a requis l’anonymat fait savoir que c’est contre leur gré.

« Vous savez, ici dans les grandes boites, les clients commencent à venir à minuit. Imaginez si on devrait couper la musique à minuit dans les jours ordinaires comme a demandé le président, c’est comme si on n’allait même pas jouer de son dans la boite. Les weekends aussi, c’est l’occasion de se faire de bonnes recettes, mais si on doit arrêter la musique en plein show, ça va vraiment tuer notre marché. Déjà même il n’y a pas assez de marché avec la situation que connait le pays. On demande vraiment au président de revoir sa décision », déclare A.G. 

« A quoi sert cette mesure même ? »

« A quoi sert cette mesure même ? » interroge Moussa, très remonté. A l’en croire, cette note est incomprise. « On ne comprend pas du tout pourquoi cette mesure a été prise. S’il y a deuil, on peut comprendre, et compatir, mais un coup comme ça on nous donne des mesures sans raison. Si c’est à cause du terrorisme aussi on coupe le son mais ça continue. Vraiment l’idéal est de revoir cette mesure. On pleure nos victimes tous les jours. Qu’il revoit cette note », avance Moussa.

Vous aurez constaté que les boites de nuit jusque-là ont tourné dos à cette mesure de restriction. Comment arrêter le son à minuit si les clients prennent goût après donc minuit ? Alidou Tinto, directeur de la salubrité et de la tranquillité urbaine, à la direction générale de la police municipale, a porté lumière sur cette interrogation qui taraude certainement des esprits.

« Pour ce qui et des boites de nuit, vous savez que les boites de nuit ce sont des débits de boisson qui s’ouvrent à des heures tardives. Du coup, ils sont confrontés par la règlementation qui limite les manifestations à caractère festif, et qui détermine des heures de fermeture. A l’heure niveau, il peut avoir une tolérance, parce que ce sont des endroits discrets, ce sont des établissements qui sont aménagés de sorte que la musique ne soit pas perceptible au dehors. Nous, nos actions se limitent aux débits de boisson qui émettent des nuisances sonores au-delà des heures prescrites par la réglementation », précise-t-il. 

Parking du maquis Cogito

Par ailleurs, il confie que des opérations inopinées sont souvent organisées allant dans le cadre du respect de la réglementation. Ces opérations, en plus des dénonciations anonymes, comme l’a dit Alidou Tinto, ont permis de mettre la main sur des débits de boisson qui ne respectaient pas la réglementation.  Bien sûr, ces fautifs font l’objet de sanctions, à en croire le directeur de la salubrité et de la tranquillité urbaine.

« Nous avons organisé simultanément deux grandes opérations d’envergure, ce qui nous a permis de mettre la main sur certains débits de boisson qui violaient la mesure. Lorsque nous constatons, nous intervenons, du coup, nous passons à la saisie du matériel servant à la commission de l’infraction, sous peine de sanction, pour une amende de 24.000 francs comme le détermine la réglementation relative aux nuisances sonores ». 

« C’est mieux de revoir cette décision et laisser les gens s’amuser »

Pendant ce temps, certains soutiennent que le successeur de Roch Marc Christian Kaboré, a mis cette mesure à l’oubliette, en voyant le temps que cela a pris. Traoré Mamadou est l’un de ces derniers. « La manière dont les choses sont, c’est sûr que les autorités ont oublié cette mesure. Si tel est vraiment le cas, c’est mieux de revoir cette décision et laisser les gens s’amuser ».

Oubli ou pas ? Les « maquisards » interpellent les nouvelles autorités sur cette mesure qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive…

Sié Frédéric KAMBOU 

Burkina 24

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