Justice militaire : « Bassolé marque des points, mais pas encore de bénéfices concrets »
Dans cette tribune, un citoyen s’exprime sur le sort du Général Djibrill Bassolé, incarcéré dans le cadre du putsch du 16 septembre 2015. L’auteur note des avancées dans le traitement du dossier, notamment en ce qui concerne les droits de la défense de l’intéressé.
Ce mois de mai aura permis des avancées significatives dans le dossier de l’instruction du putsch et plus spécifiquement pour Djibril Bassolé qui peut commencer à espérer.
Le récent arrêt de la cour de Cassation fait droit à Djibril Bassolé pour ce qui concerne son droit « constitutionnel » à la défense et au libre choix de son défenseur. C’est un tournant important dans l’instruction. La fin d’une instruction à huis clos avec un juge militaire qui n’avait pas intérêt que des yeux d’experts de la chose judiciaire viennent mettre à nu la vacuité du dossier d’accusation.
De ce point de vue, on peut augurer que les choses se remettent au bon endroit, malgré les freins de toutes sortes. Du même coup aussi, le dessein d’une certaine opinion se trouve contrariée. Elle avait décrété la culpabilité de Djibril Bassolé et exigeait du juge qu’il trouve les éléments à charge et la peine qui va avec. On est dans une curieuse instruction où on inculpe d’abord avant de rechercher les charges.
L’arrêt de la Cour de cassation exige que la chambre de contrôle, autrement constituée, réexamine la requête de Bassolé. Nous sommes ici, en face d’un droit fondamental qui ne peut pas être nié. Donc la Chambre de contrôle peut difficilement le nier. En soit c’est déjà un ouf de soulagement.
A propos des écoutes téléphoniques
La fameuse pièce à charge que personne n’a jusqu’à présent authentifiée et dont on ne sait pas dans quelles conditions de légalité elle a été obtenue. Bassolé, à juste raison, refuse qu’elle figure dans le dossier. Il a de ce fait saisi la chambre de contrôle pour faire constater « l’irrégularité et l’illégalité des écoutes et en conséquence, de les sortir du dossier ». Le délibéré est programmé pour le 24 juin.
Durant la même période, la juridiction sous régionale, la Cour de Justice de la CEDEAO devra aussi se prononcer sur les « écoutes » et le droit des « avocats étrangers » de plaider devant le tribunal militaire burkinabè. Les audiences sont prévues pour les 7 et 8 juin.
Le parasitage continue malgré tout
On devrait s’attendre à des évolutions favorables à Djibril Bassolé et c’est ce qui explique les agitations de « la galaxie », celle-là, qui a juré sa perte et voudrait user de la justice pour l’assouvir. Est-il un instant, pensable que la justice se fasse le bras séculier d’un tel dessein ? Inimaginable. Cela ne peut aucunement être le rôle de la justice. C’est en cela qu’il faut saluer la hauteur de vue du Chef de Fil de l’Opposition politique (CFOP), qui s’est récemment prononcé sur l’évolution politique issue des municipales du 22 mai dernier et aussi sur les affaires en cours devant la justice : « le cfop s’inquiète (…) des détentions sans fin et systématique dans l’instruction du putsch militaire. Il exhorte à l’observation du principe de l’exception en matière de détention ».
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L’instruction du putsch est transformée ainsi, en une instruction contre Djibril Bassolé, qu’il faut maintenir en détention, même quand les besoins de l’instruction ne l’exigent plus. Cette « galaxie » anti Bassolé confirme de la sorte le caractère politique de l’instruction en cours. Peu importe que le dossier soit vide, que la pièce à charge soit « irrégulière et illégale » pourvu que Bassolé croupisse en prison. Car, il ne faut pas s’y méprendre, toute cette agitation « sit-in pour protester contre les libertés provisoires », vise à contrarier, surtout, la perspective imminente d’une liberté pour Djibril Bassolé. Jusque-là ce sont les juges militaires aux ordres qui veillaient, vaille que vaille à le maintenir en prison.
Depuis qu’ils ont été évincés du dossier, les vrais commanditaires sortent de l’ombre et font du bruit. Même si à rebours d’un slogan « leur nombre a été leur faiblesse », ce 2 juin 2016, devant le palais de la justice de Ouagadougou. S’il fallait comparer et prendre le suffrage universel pour baromètre, les électeurs de la Nouvelle Alliance pour le Faso (NAFA) aux dernières municipales, qui ont fait de la formation politique fondée par Djibril Bassolé, la cinquième force politique du Burkina sur les 80 qui étaient en compétition, ont une parole plus crédible, que les joyeux lurons « mange-mille-tee-short » qui se sont produits devant le palais de justice ce 2 juin. Les juges militaires ne devraient pas se laisser impressionner par cette « colère marchandée ». L’opinion publique n’est d’ailleurs pas dupe. Il suffit de lire le déchainement des réseaux sociaux contre cette manifestation « anti-liberté provisoire ».
La Haute Cour aussi…
Mise en accusation par le Conseil National de la Transition, (CNT) qui faisait office de parlement sous la transition, Djibril Bassolé a été entendu par les juges de la Haute Cour ce 31 mai 2016 et inculpé pour le détournement « supposé » de 343 millions alors qu’il était ministre des Affaires étrangères. A ce niveau, il parait curieux tout de même, que la Haute juridiction ne réactualise pas ses données. Cette accusation est tirée d’un rapport d’enquête non finalisé et aujourd’hui complétement dépassé. Depuis, il y a eu une très nette évolution dans la justification des dépenses. La Haute Cour aurait surement gagné dans la réactualisation permanente des fondements de la mise en accusation.
Dans de nombreux cas, les pièces justificatives absentes au moment du passage de l’inspection de l’ASCE ont été retrouvées. Dans ces conditions quel intérêt à foncer avec les informations de départ, dépassées. Mais on doit se réjouir aussi qu’au niveau de la Haute Cour de bonnes évolutions sont à l’œuvre. Elle semble se départir de la systématicité : « inculpation-mandat de dépôt ». Les derniers mis en accusation et qui ont comparu devant elle, sont repartis libres, chez eux, après leur inculpation. C’était seulement impensable, il y a quelques mois sous la férule d’une certaine transition.
Mais globalement, en ce mois de juin 2016, les perspectives sont meilleures qu’elles ne l’étaient jusque-là. Les recours rétablissent progressivement Djibril Bassolé dans ses droits. Au niveau de l’instruction, la sérénité indispensable à la bonne administration de la justice est désormais de retour.
Il y a donc de l’espoir. Mais la vigilance ne doit pas sommeiller. Face à la galaxie des anti Bassolé, il faut constamment opposer le droit. Il n’est pas possible d’écrire un code de procédure sur mesure, comme on l’aurait fait d’une disposition de la loi sur le Statut de l’armée qui fait d’un simple Lieutenant-colonel, un général de division.
Karim TRAORE
Juriste
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