Avant-projet de constitution : La diaspora de France se fait entendre
Une mission de la Commission constitutionnelle a rencontré ce 26 mars au 159, Boulevard Haussmann à Paris, la diaspora burkinabè de France. Cette rencontre entrait dans le cadre de la consultation populaire entreprise pour communiquer autour du projet, et recueillir les observations et autres propositions éventuelles d’amendements.
Annoncée initialement pour se tenir plus tôt, la rencontre se tiendra finalement ce dimanche 26 mars. C’est que, de l’avis des membres de la mission conduite par le Professeur Luc Marius Ibriga, le budget pour effectuer le déplacement n’a pas été diligemment bouclé dans les délais souhaités. D’ailleurs, apprendra-t-on, c’est grâce au concours d’une ONG que la mission verra le jour.
Dans la programmation des missions, la Commission constitutionnelle, pour recueillir les avis de la diaspora, a prévu sillonner certaines zones de concentration. En Afrique, c’est Abidjan, Accra, Dakar et Libreville qui sont retenus. En Europe, Milan, Paris et Bruxelles. En Amérique, New York et Montréal.
C’est après Milan, où ils ont rencontré les Burkinabè de cette partie de l’Europe, que l’équipe conduite par Luc Marius Ibriga, et comprenant Jean Hubert Bazié, Germaine Pitroipa/Nassouri, Colette Ki/Thiombiano et Fatimata Sanou/Touré a posé ses valises sur les bords de la Seine.
La mobilisation de la communauté burkinabè de France, somme toute fort appréciable, a été faite dans des délais assez brefs. D’ailleurs, pour cela, et souhaitant la bienvenue à l’assistance, Alain Francis Gustave Ilboudo a tenu à présenter ses excuses, car il fallait parer à l’urgence de l’arrivée de la délégation. Le Pr Ibriga, à sa suite, abondera dans ce sens, dans son allocution de présentation de la mission et des objectifs poursuivis.
Qu’à cela ne tienne, avant même d’entrer dans le vif du sujet, que constituait l’exposé sur le contenu de l’avant-projet, des voix se sont élevées dans la salle, pour poser des questions préalables. La première charge sera sonnée par Edouard Sanou, représentant de l’UPC en France. Pour lui, les délais de convocation de la communauté, la mauvaise communication du document de travail, interrogent sur la légitimité de l’assistance à effectuer convenablement un exercice de critique. « Qu’attendez-vous de nous » ? lance-t-il en substance. « La diaspora burkinabè attend ce moment avec une grande impatience », renchérira-t-il.
En filigrane, il laisse percevoir que la rencontre n’aurait peut-être pas lieu de se tenir, en tout cas pas dans ces conditions. Intervenant à sa suite, d’autres personnes reprocheront à la délégation son approche dans la consultation de la diaspora de France. Et l’on entrevoit la polémique qui a enflé à travers médias et autres déclarations, sur l’opportunité de l’exercice.
Recueillir avis et observations
Répondant avec flegme, Luc Marius Ibriga va opiner que l’exercice est de recueillir les avis et observations, quitte à ce que, de façon plus structurée et organisée, comme le proposent certains, la diaspora de France puisse se réunir ultérieurement, et faire parvenir à la commission un document plus consistant. Cette disposition, qui coupe la poire en deux, va permettre d’entamer l’exposé sur les grandes lignes et tendances de la nouvelle Constitution, qui doit instaurer une nouvelle donne politique au Burkina Faso.
Powerpoint à l’appui, la mission de la Commission constitutionnelle exposera les conclusions auxquelles les 92 commissaires, représentatifs des différentes couches sociopolitiques du Burkina Faso ont pu aboutir, par consensus. Equilibrage des pouvoirs, réorganisation de l’architecture judiciaire, constitutionnalisation de certains droits sociaux… sont autant d’avancées salutaires enregistrées, tirant leçon du tumultueux parcours politique récent du pays.
Le vote des burkinabè de l’étranger, chimérique perspective depuis des années, la prise en compte de la diaspora comme vecteur et moteur de développement de la patrie, seront autant de préoccupations soulevées au cours des échanges qui s’en suivront, pendant cinq heures d’horloge.
Des questions politiques de fond, aux vraies questions liées à la problématique de la contribution des 8 millions de Burkinabè vivant à l’extérieur, Luc Marius Ibriga aura réalisé à quel point cette diaspora ne veut plus servir de faire valoir. Estimant que les inquiétudes qui avaient été émises au départ ont été aplanies par la communauté elle-même, qui a trouvé la solution, il souligne que « déjà, c’est un grand pas qui a été fait, parce que cette préoccupation de l’organisation a été également soulevée à Milan, où certaines personnes estimaient que la rencontre devait se tenir plutôt à Bergamo. Mais dans l’ensemble, les objectifs escomptés ont été atteints ».
L’ambassadeur du Burkina Faso en France est du même avis. Promettant tenir la salle à la disposition de la communauté qui souhaite se retrouver une fois de plus autour de l’avant-projet de Constitution, il apprécie la richesse des débats, qui ont été plus longs que prévus et ont enregistré près de 30 interventions. Connaissant bien la communauté burkinabè de France, Alain Gustave Ilboudo ne se dit pas surpris, mais plutôt ravi que les problèmes aient été soulevés, sans complexe et sans tabou. « On ne peut pas attendre davantage de la communauté », pense-t-il.
Représentant le MBDHP en France, Didier Ouédraogo dit retenir, à l’issue des échanges, « un bon esprit de travail et de collaboration avec la commission, et une disposition positive de la part de la communauté qui a pu faire le déplacement de ce jour. Même s’il faut convenir que nous n’étions pas tous prêts pour que la contribution fût d’un meilleur niveau. ».
Quoi qu’il en soit, c’est une première que la diaspora de France ait été associée à une telle dynamique. « Cela augure de la suite, qui est que la diaspora doit être un acteur inclusif de toutes les décisions importantes de notre pays, en évitant d’être des sous-Burkinabè, car la grande partie de la communauté n’a jamais voté au Burkina. », soulignera-t-il.
Cette réflexion, on s’en doute, aura été la pierre angulaire des appréhensions de la communauté burkinabè de France, qui ne compte plus… s’en laisser conter.
A. BAMBARA, ambabfParis
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