Burkina : Encore de la tension à juguler pour le fusible Tiao
Le jeudi 29 mars 2012, le Premier ministre Luc Adolphe Tiao passait pour la deuxième fois devant l’Assemblée nationale pour donner l’état de santé du Burkina malade. Il y a certes une amélioration, mais il reste encore beaucoup de tension que le fusible qu’il est, doit supporter, juguler et canaliser.
En première ligne viennent les dents acérées de la famine qu’il faut tailler, polir pour les rendre moins coupantes, à défaut de pouvoir les arracher complètement et d’un coup. Pour cela, il faut 103 milliards de F CFA et il n’y a pour l’instant que 53 milliards de F CFA. Ce sera l’un des plus grands défis du gouvernement Tiao pour les mois à venir. S’il réussit à passer ce cap, il pourra dire ouf, à condition bien-sûr que le ciel soit moins avare de ses larmes lors de la saison pluvieuse prochaine.
La hausse des prix du carburant et du nombre d’étudiants
L’autre chose qui ne fera pas particulièrement plaisir aux Burkinabè et enlèvera des points dans le cahier de Tiao, c’est la hausse programmée des prix du carburant. Avec une hausse des prix à la consommation que lui-même a reconnu qu’elle a atteint 2,8 % et que le taux de croissance a dégringolé de 7,9% à 4,1%, donc synonyme de baisse du pouvoir d’achat (alors qu’il était déjà bas), cet alpinisme des aiguilles à la pompe fait grincer des dents. C’est vrai que la SONABHY roule sa citerne d’hydrocarbures à perte depuis août compte tenu du prix du baril de pétrole qui fait des vols planés, mais il sera difficile de faire comprendre cela à la vendeuse de benga à Wemtenga.
Un autre sujet à inquiétude est l’accroissement du nombre d’étudiants, qui est passé de plus de 50 000 à près de 70 000. Où vont s’asseoir toutes ces têtes en quête de savoir ? C’est vrai que sept pavillons sont prévus pour augmenter les infrastructures des différentes universités publiques du Burkina, mais sera-ce suffisant ? Il est vrai qu’actuellement les étudiants emploient leur énergie à se taper dessus (récents affrontements entre étudiants de deux syndicats différents à Koudougou), oubliant grève et siting, mais quand ils se rappelleront de l’administration et qu’ils trouvent que le ferment de leur aigreur (salles insuffisantes, prendre cours assis sur brique, retard académique, etc.) n’a pas été « désamorcé », ils risquent de ne pas apprécier.
Renouer avec le peuple, le vrai challenge
« La justice sera appliquée dans toute sa rigueur aux auteurs et aux commanditaires de ces tristes évènements », c’est ainsi que Luc Adolphe Tiao a dressé le scénario de l’épilogue du massacre à Guénon. Très-bien si la justice sera appliquée. Mais on ne peut s’empêcher de se poser des questions. Est-ce des policiers et des gendarmes qui procéderont aux arrestations comme il est certain qu’il n’en manquera pas ? Dans ce cas, n’est-ce pas ces mêmes forces de l’ordre, qui par peur de représailles tant de la part des populations que de l’Etat, ont préféré croiser les bras et regarder les gens se massacrer ? N’auront-ils pas peur encore de ces mêmes représailles pour accompagner la justice ?
A moins que, et c’est là que commencent les bonnes nouvelles du discours deTiao, que l’Etat ait enfin décidé de reprendre son autorité et de redonner confiance aux forces de sécurité qui ont actuellement le sort d’un nouveau-né dont on a brusquement arraché les vêtements et posé sur un arbre esseulé dans une froide nuit de décembre. Si tel est le cas, on peut s’en féliciter, tout en espérant néanmoins que le député Etienne Traoré n’aura pas dit vrai lorsqu’il a expliqué à Tiao que le régime auquel il appartient ne fait de concessions que quand il est aux abois et renoue avec ses habitudes quand il reprend la main.
Mais cette reprise de la main peut … prendre du temps. L’incivisme, les Burkinabè qui se prennent pour des magistrats et cette confiance qui est brisée entre les populations et les institutions, il faudra plus qu’un appel à la responsabilité pour les ramener dans le passé. Au-delà de tout, on peut dire que c’est le noyau de la masse de défis qui se dresse devant Luc Adolphe Tiao.
Fusible crédible peut ne pas faire long feu
En attendant, on peut concéder au Premier ministre que la SCADD est presque bouclée en ce qui concerne son volet financier, que le secteur minier apporte de l’argent au pays, même si la conviction demeure qu’il peut en apporter beaucoup plus et que notre sous-sol est en train d’être pillé, et que des efforts ont été fournis pour désagréger un peu l’iceberg de mécontentement qui a jailli des conséquences des mutineries de 2011.
Les défis restent énormes pour Tiao et son gouvernement. Mais il a l’avantage de jouir d’une crédibilité que ses prédécesseurs n’avaient certainement pas. Une crédibilité qui peut se vérifier à travers le député Norbert Michel Tiendrébeogo, qu’on sait spécialiste des tirs de bois verts et pas mûrs contre le régime, mais qui a étonné le 29 mars dernier. « Bien que je sois de l’opposition, (…) je vous souhaite beaucoup de courage », a-t-il dit sans un brin d’ironie. Du courage, il en faut au Premier ministre et son gouvernement et on ne peut que souhaiter qu’en mars 2013 il puisse dire qu’il a réussi à évacuer une bonne partie de la tension. A condition bien-sûr qu’il n’ait pas sauté d’ici-là. On espère bien que non.
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