Putsch : Une « connexion » MNLA et RSP exposée par le Parquet
Le lundi 25 mars 2019, le Tribunal militaire a procédé à la diffusion d’écoutes téléphoniques impliquant, selon le Parquet militaire, le général Gilbert Diendéré en conversation avec plusieurs personnes dont le défunt leader du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Mahamadou Djéri Maïga. Mais bien avant ces diffusions, le Parquet militaire a produit un complément dans le dossier. Il s’agit de relevés d’appels et de messages impliquant plusieurs inculpés.
L’expert Younoussa Sanfo qui a travaillé sur les écoutes téléphoniques dans le dossier du Coup d’Etat de septembre 2015 perpétré par des éléments de l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP) a été appelé à la barre en qualité de témoin dès le début de l’audience le lundi 25 mars 2019. Mais jusqu’à 12h moins, heure de sa libération, celui-ci n’a pas pris la parole. Alors qu’il était à la barre, les différentes parties au procès ont longuement épilogué sur le complément produit par le Parquet militaire et versé dans le dossier.
Dans ce complément, le Parquet a fait ressortir plusieurs traces d’appels téléphoniques entre le général Gilbert Diendéré et Adama Ouédraogo dit Damiss. Ainsi, dès le 16 septembre 2015, à en croire le Procureur militaire, de 13h à 22h, une dizaine d’échanges téléphoniques ont eu lieu entre les deux accusés susmentionnés. Alors que, rappelle le Parquet, l’inculpé Damiss aurait indiqué à la barre n’avoir contacté le général Diendéré qu’une et une seule fois le jour du coup de force à 22h. « De 13h 08 à 13h 39, il y a eu quatre communications entre M. Ouédraogo et le général Diendéré », enfonce Me Kam de la Partie civile.
« Le glissement insidieux »
Les mêmes traces de communication ont été relevées entre l’ancien Directeur général (DG) de la Police nationale, Lazare Tarpaga, et le général Diendéré. « Ce jour (le 16 septembre 2015, ndlr), ils ont communiqué au moins quatre fois et un SMS », précise le Parquet militaire. Toute chose, selon celui-ci, qui contredit la version avancée par Golf, surnom du général Diendéré, qui niait toute communication ce jour avec l’ancien Directeur général. A contrario, aucune trace d’appel en provenance du Sénégal vers le contact du Bâtonnier Mamadou Traoré, inculpé, n’a été relevée, alors que celui-ci indiquait avoir été contacté par le Président sénégalais Macky Sall.
Les avocats de la défense ont contesté la pièce produite par le Parquet. Si les conseils du général Diendéré y décèlent des non-correspondances entre le listing des appels de Golf et du DG Lazare Tarpaga, Me Moussa Coulibaly, avocat du Bâtonnier lui, attaque « l’origine » de la pièce. « Nous ne connaissons pas l’origine de ce document et il n’est même pas daté (…) Nous demandons à votre juridiction d’écarter ce document obtenu frauduleusement », ajoute Me Coulibaly.
Le Conseil de Adama Ouédraogo dit Damiss, Me Stéphane Ouédraogo a, quant à lui, dénoncé « le glissement insidieux » qui consiste à dire que parce qu’il y a eu communication entre son client et Golf, il y a eu acte de complicité. « En cinq jours, du 15 au 21 septembre 2015, il y a eu 2.600 SMS et appels émis ou reçus », par un numéro attribué au général Diendéré, indique l’avocat avant de préciser que ce n’est pas ce nombre qui lui importe, « c’est le contenu des appels qui nous intéresse ».
Après les débats sur la nouvelle pièce produite par le Parquet et au regard de l’exception soulevée par Me Coulibaly qui requiert l’éviction de ladite pièce du dossier, le président du Tribunal a annoncé la décision à la fin des débats. Cap a alors été mis sur la diffusion des écoutes téléphoniques non pas du général Bassolé comme il était de coutume, mais du général Gilbert Diendéré, appelé Delta par les enquêteurs.
Une dizaine d’éléments sonores attribués au principal accusé, Delta, a été lue. L’écoute qui a soulevé le plus de débats dans la soirée du lundi 25 mars 2019 est celle impliquant, sur le même élément, selon le Parquet, le colonel Abdoul Karim Traoré, le général Diendéré, accusés, et le défunt leader du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Mahamadou Djéri Maïga. Cette écoute aurait été enregistrée le 23 septembre 2015.
« … le funeste dessein des deux généraux… »
Dans cet élément, le colonel Abdoul Karim Traoré (AKT), selon les commentaires du Parquet, a fait le point de la situation qui prévalait au général Diendéré et a souhaité quitter le pays. Pour ce faire, il a demandé un « appui financier » du général. Quant à Mahamadou Djéri Maïga, celui-ci informait le général Diendéré de la présence d’hommes « à la frontière » pour « venir appuyer le général ». Le colonel AKT a souhaité différer sa réaction, ses avocats étant absents.
En commentaire, selon Me Prosper Farama, la conversation entre le général Diendéré et le défunt leader du MNLA était « périlleuse » pour le Burkina Faso. Et à Me Kam d’enfoncer le clou : « si les écoutes n’avaient pas été réalisées, le funeste dessein des deux généraux allaient aboutir ». Contrairement aux avocats des Parties civiles, Me Latif Dabo, un des avocats de Golf relate n’avoir rien vu dans le dossier qui permet d’indiquer que son client a sollicité une aide extérieure durant les événements de septembre 2015.
L’audience a été suspendue le lundi 25 mars 2019 à 17h. Elle reprend le mardi 26 mars 2019 à 9h.
Ignace Ismaël NABOLE
Burkina 24
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