Spécial 15 Octobre – Alphonse Tougouma, 2e VP du FFS: « On partageait la révolution avec les ainés »

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Alphonse TOUGOUMA, pionnier à l'époque de la Révolution. Ph. B24

 

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Monsieur Alphonse TOUGOUMA, deuxième vice-président du Front des Forces Sociale (FFS), est un homme averti en matière politique. Après avoir fait chemin dans un premier temps avec le FFS, il avait voulu s’en allé pour l’UPS. De retour avec son chef d’antan, Norbert Michel Tiendrébeogo, il semble être investi d’un pouvoir jeune et sankariste. L’homme traine avec lui également un important souvenir de la Révolution d’août 83, celui du jeune pionnier qu’il fut. Souvenir qu’il partage avec nous dans les lignes qui suivent, en même temps que sa foi en une justice pour Thomas Sankara.

Burkina 24: Bonjour Monsieur Tougouma. Le Burkina Faso commémore aujourd’hui les 24 ans des évènements du 15 octobre 1987 qui ont mis fin à la Révolution. Vous qui étiez surement assez jeune à l’époque, que retenez-vous de la Révolution ?

Alphonse TOUGOUMA (AT): Permettez nous de vous remercier et de vous souhaiter également la bienvenue dans le paysage médiatique du Burkina Faso.  Déjà vous faites un travail très remarquable et je vous souhaite bon vent.

Pour revenir à votre question, je dirai que moi j’ai vécu la Révolution en tant que pionnier. Ce que je retiens, c’est cet élan populaire de vouloir faire du Burkina un grand pays, un pays respectueux et respectable. C’est ce que j’ai retenu. Je vois encore en image les gens sortir massivement pour des travaux d’intérêt commun, animés par cette conscience collective. Je revois une jeunesse fière d’être burkinabè.  Et puis, il y avait ceux-là qui portaient la tenue de pionnier et qui étaient les plus enviés. Voila une nation qui avait vraiment amorcé le décollage, de par la conscience collective. Voila ce que je retiens globalement de la période. Maintenant si vous me dites de faire un petit bilan, je crois qu’il suffit tout simplement de  comparer ce qui a été fait en quatre années à ce que nous pouvons constater aujourd’hui. Je crois qu’après vingt ans, nous n’avons pas fait comme ce que nous avons fait en quatre ans de Révolution. Je prenais un exemple avant-hier avec un  de vos confrères avec qui  j’évoquais la question des logements sociaux. Il a fallu attendre vingt ans au pouvoir en place pour revenir sur le sujet. Vous savez aujourd’hui que le problème du burkinabè, qu’il soit jeune ou vieux, c’est d’avoir un chez lui. Si on avait continué avec la révolution aujourd’hui, le problème de logement ou de loyer au Burkina Faso serait assez moindre. Vous voyez qu’à l’époque aussi, la corruption, le détournement, la gabegie, étaient des tares endigués. Je crois que ce sont des aspects à retenir et cet héritage que Thomas nous a laissé a été un héritage trop lourd pour ceux qui ont sauté la Révolution. Nous ne sommes pas étonnés qu’ils ne puissent pas faire bouger les choses avec.

 B24: Parlez-nous un peu de la vie d’un pionnier pendant la révolution.

AT: Un pionnier, c’était : oser, lutter, savoir vaincre. Vivre en révolutionnaire, mourir en révolutionnaire, les armes à la main, la patrie ou la mort nous vaincrons. C’était ça. On ne le disait pas seulement pour le dire. On le disait parce qu’on croyait en quelque chose. En classe nous crions contre les crimes, pour les droits de l’homme: « l’Apartheid est un crime contre l’humanité ! », ça c’était un de nos slogans. On stigmatisait les maux tant au niveau mondial qu’au niveau national. Et c’est avec ça que l’on commençait la journée. Quand le sofa arrivait, nous montions les couleurs, et, tout droit figés,  les yeux rivés sur le drapeau, nous chantions fièrement l’hymne national. Je me rappelle qu’à l’époque notre sofa nous avait appris l’hymne national en mooré, en dioula, et en français. Voici un peu ce qu’était la vie de pionnier. Et, j’oublie de vous dire que dans nos quartiers, nous étions les animateurs de la Révolution! Une responsabilité  qui faisait aussi de nous des stars, on nous montrait du doigt. On partageait la révolution avec les ainés. On les suivait pour les travaux d’intérêt communs. On assistait également aux échanges sur la Révolution. Il nous arrivait de ne pas comprendre grand-chose, mais on n’y était parce que c’était notre devoir de pionnier.

B24: Selon vous, est-ce que le sankarisme tel que nous le vivons aujourd’hui, avec différents partis et organisations, fait honneur à Thomas Sankara ?

Oui c’est vrai que cette question nous revient tout le temps. Je ne dirai pas forcément pas oui. Nous voulons mieux que ça pour lui. Mais je vais vous dire une chose. Derrière des prophètes révélés comme Jésus- Christ et Mohamed, vous n’avez pas un seul courant. Pourquoi vous voulez que derrière Thomas Sankara il y ait une seule formation politique? Derrière les grands hommes, il y a toujours des tendances. On peut vous dire qu’il y a plusieurs associations sankaristes que vous ne rabrouez pas. Mais alors, pourquoi, à chaque fois  jeter l’anathème sur les politicien? Pourquoi vous ne pensez pas que c’est une diversité ? Mais nous vous rassurons, ne vous en faites pas; dans trois ou quatre ans, on va finir par retrouver l’unité idéale pour le sankarisme. Et je vais vous dire que si le sankarisme n’avait été qu’un seul bloc depuis les années 91, aujourd’hui c’en serait fini pour le sankarisme. Parce que ceux qui ont prétendu être les leaders de ce mouvement à un certain moment ont déserté il y a bien longtemps pour aller ailleurs chercher leur pain. si nous créions un seul bloc,  le mouvement sankariste, serait liquidé avec leur complicité.

Nous travaillons à l’unité. Mais aujourd’hui, nous ne sommes plus à ce stade où forcément il faut avoir un seul parti ou courant. Je crois que ce qui est important c’est que tout sankaristes ait en conscience que ce qui nous unit est plus que ce qui nous divise. Ce qui nous unit c’est l’idéal. Ce qui nous unit c’est la cause de Thomas sankara. Ce qui nous unit c’est de vouloir continuer cette bâtisse qu’il nous a laissée. Ça c’est plus important dans la conscience collective. Pour le reste, ne cherchez pas à ce qu’il y ait un parti ou un seul mouvement sankariste. Il y a 169 partis dans ce Burkina, les sankaristes ne sont que neuf. Le reste ce sont des libéraux et des socialistes. Donc c’est pas nous qui faisons le plein.

B24: Nous sommes aujourd’hui le 14 octobre, veille de la commémoration du 15 octobre. A quelle nouveauté doit-on s’attendre pour cette 24ème commémoration ?

Avant de venir sur l’apport de notre parti, vous savez que cette année cette commémoration interveint dans un contexte particulier où il y a eu la profanation de la tombe (NDLR celle de Thomas sankara). On nous a arrêté le présumé coupable qui serait un fou. Donc, cette commémoration se tiendra dans un contexte particulier, d’autant plus que la Tombe n’a pas été refaite. On espère simplement, qu’un jour, il y aura la verité sur cette affaire. Il faut saluer la dextérité avec laquelle on a mis la main sur ce présumé coupable qui est est venu même nuitamment faire son forfait. C’est une dextérité qu’il faut saluer. Mais nous ne comprenons pas pourquoi depuis vingt et quatre ans on n’arrive pas à mettre la main sur les assassins de Thomas. Donc nous souhaitons que cette dextérité là puisse faire école et qu’enfin on nous dise qui a assassiné le président Thomas Sankara et toutes les autres victimes que nous connaissons.

Notre parti participe au comité d’organisation. J’y suis personnellement. Tout est fin prêt pour la commémoration.  Il y aura une singularité. Cette année, vous n’allez pas voir des tombes décorées, repeintes. Les tombes sont en l’état.  Mais juste après la commémoration, nous lançons les vingt-et-cinquième années de cette commémoration. C’est l’occasion de mener des activités en vue de préparer le vingt-et- cinquième anniversaire de l’assassinat de Thomas. C’est le seul aspect qui peut constituer une particularité.

 B24: Depuis près de 24 ans, on attend toujours que justice soit faite à propos de cet assassinat. Croyez-vous vraiment qu’elle le sera un jour ?

Il y a une expression que je n’aime pas mais que je serai obligé de vous sortir : même si la justice des hommes n’y arrive pas, il y a la justice de Dieu. Je n’aime pas ce défaitisme là. Mais moi je crois à une justice pour Thomas Sankara, à une réhabilitation de Thomas Sankara. J’y crois. Et de toutes les façons nous nous battons pour ça. Ceux qui l’ont tué ne vont pas mourir avant de l’avoir réhabilité. On réhabilitera Thomas pendant qu’ils sont encore vivants. De toutes les façons nous les sankaristes nous nous préparons à prendre le pouvoir, par les urnes. Je crois que 2015, ce sera notre année. L’une des premières choses que nous avons à faire c’est de réhabiliter Thomas Sankara et de lui rendre justice conséquemment.

B24A part donc l’UPS-MP de Joseph OUEDRAOGO qui se démarque des commémorations de cette année, tous les autres partis y participent-ils. Ne pensez-vous pas qu’à longue vos partis poursuivent plus la réhabilitation de Thomas Sankara plus que la conquête du pouvoir d’Etat ?

C’est vrai que nous parlons de réhabilitation mais ce qui est important, je l’ai dit, c’est de continuer l’œuvre qu’il a commencée pour ce peuple. C’est cela qui est beaucoup plus important, parce que lui-même, de son vivant, s’il pouvait dire à quelqu’un « prend et continue, fais en sorte que ce soit mieux », il allait le faire. Il a voulu au peuple cet héritage de savoir bâtir ce Faso. Rituel oui ! Comment vous voulez que ce soit ? Lorsque quelqu’un vous a marqué, en souvenir de cette personne, c’est ce que nous faisons. Si vous appelez ça un rituel, pourquoi pas? Mais ce jour est particulier pour nous et nous tenons à aller auprès de sa tombe, nous incliner au moins pour dire que nous ne l’avons pas oublié. Mieux, moi je pense que nous partons chaque 15 octobre nous ressourcer pour pouvoir continuer le combat. C’est pour tout ça qui fait qu’il ne faut pas vous en faire pour nous.

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Justin Yarga

Journaliste web qui teste des outils de Webjournalisme et datajournalisme, Media strategy consultant.

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