Burkina : Les contrôleurs et inspecteurs du travail écrivent au Premier ministre

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Dans cette lettre ouverte, les contrôleurs et inspecteurs du travail exposent leur plateforme minimale au Premier ministre Paul Kaba Thiéba.

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Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Par la présente, j’ai l’honneur de vous faire part de la situation des revendications des Inspecteurs et Contrôleurs du Travail. Depuis plusieurs années, des luttes ont été menées pour la satisfaction des  préoccupations de ce corps. Mais avant tout, il sied de vous présenter les missions des Inspecteurs et Contrôleurs du travail.

En effet,  il faut  rappeler  que les Inspecteurs et Contrôleurs du travail sont un corps de contrôle créé et régi par des Conventions internationales de l’Organisation Internationale du Travail. Ce corps est l’un des rares au Burkina Faso qui est régi par des conventions internationales. Il s’agit de :

  • La convention N°81 sur l’inspection du travail de 1947 ratifiée par le Burkina Faso le 21mai 1974;
  • La convention N°129 sur l’inspection du travail dans l’agriculture de 1969, ratifiée par le Burkina Faso le 21mai 1974;
  • La convention N°150 sur l’administration du travail de 1978 ratifiée par le Burkina Faso le 03 avril 1980.

 Selon ces conventions, reprises dans notre législation interne, le corps des inspecteurs du travail est chargé de veiller à l’application effective de la législation du travail relative à la protection des travailleurs et à l’amélioration des conditions de travail.   A ce titre, les Inspecteurs et Contrôleurs du travail ont pour missions principales :

  • le contrôle de l’application de la législation du travail à travers lequel ils assainissent les relations professionnelles, préviennent la survenance des accidents de travail et des conflits de travail ;
  • l’information et les conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs afin de permettre une relation professionnelle sur des bases s’inscrivant dans la légalité;
  • l’information à l’autorité compétente des violations et abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.

         A ces missions, s’ajoute celle de la tentative de conciliation  en cas de conflit individuel ou collectif de travail que le code du travail du Burkina Faso confie aux Inspecteurs et Contrôleurs du travail.

Cette nouvelle mission des Inspecteurs et Contrôleurs du travail n’est pas prévue dans les conventions internationales régissant le corps. Par cette mission, les agents résolvent de millier de conflits, soulageant ainsi les partenaires sociaux (employeurs et travailleurs), et désengorgeant nos juridictions.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Comme vous le constatez, l’inspection du travail est une structure qui est chargée de veiller à un bon fonctionnement de l’économie burkinabè.

C’est conformément à cette situation que les Inspecteurs et Contrôleurs du travail, à travers leur syndicat, le SYNACIT, a fait certaines revendications afin d’exercer de façon «  efficace… leurs fonctions ».

I/ ETAT DES LIEUX DES REVENDICATIONS

 

Au regard de la situation nationale marquée par des contraintes socio-économiques et budgétaires, le SYNACIT a mis en veille un certain  nombre de ses préoccupations pour accompagner l’Etat dans la résolution des grandes questions. Cependant, certaines préoccupations ne sauraient être reléguées au second rang car faisant partie des droits fondamentaux des Inspecteurs et Contrôleurs du travail en tant que travailleurs.

Ces préoccupations sont les suivantes :

  • L’application entière de l’arrêté conjoint N°2015-048/MFPTSS/MEF fixant les prestations en nature des Inspecteurs du travail;

  • L’adoption d’un statut pour le corps des Inspecteurs et Contrôleurs du travail conformément aux conventions internationales de l’Organisation Internationale du Travail;

  • L’organisation de la Conférence Nationale des Inspecteurs et Contrôleurs du travail conformément à l’arrêté N°2015-001/MFPTSS/SG du 23 janvier 2015 ;

  • Le jugement des dossiers pendants des collègues agressés.

DE L’APPLICATION ENTIERE DE L’ARRETE CONJOINT N°2015-048/MFPTSS/MEF FIXANT LES PRESTATIONS EN NATURE DES INSPECTEURS DU TRAVAIL

Il est à rappeler qu’en 2015, le SYNACIT s’est battu pour l’application de l’article 392 du code du travail qui prévoit des prestations en nature pour les Inspecteurs et Contrôleurs du travail. Ces prestations en nature ont pour objet de permettre aux Inspecteurs et Contrôleurs du travail d’être à la hauteur des attentes des partenaires sociaux.

Le 19 mai 2015, l’arrêté conjoint N°2015-048/MFPTSS/MEF  a été signé en application de l’article ci-dessus cité du code du travail, par le ministère en charge du travail et celui en charge des finances. A l’époque, une ligne budgétaire destinée à supporter l’incidence financière de cet arrêté conjoint a été créée.  Malgré cela, l’arrêté n’a pu être exécuté entièrement l’an passé pour diverses raisons dont les principales sont imputables à l’administration. Ces raisons sont entre autres la lourdeur des procédures de passation des marchés publics, la négligence de l’administration qui a conduit à un gel de la ligne budgétaire…

En 2016, la même ligne budgétaire  est reconduite  pour prendre en charge l’arrêté conjoint quand bien même le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et de la Protection Sociale est convaincu que son montant est largement insuffisant. Malgré les interpellations du SYNACIT, une rallonge budgétaire n’a pas été accordée dans la loi des finances rectificative. La conséquence est que cette année encore, à l’instar de l’année passée, les prestations en nature servies aux Inspecteurs et Contrôleurs du travail ne seront pas entièrement exécutées. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a poussé les bénéficiaires à observer des sit-in et des grèves contre cette injustice.

Au regard des difficultés rencontrées, rien n’indique qu’en 2017 ces prestations en nature seront assurées convenablement et conformément à l’arrêté conjointN°2015-048/MFPTSS/MEF.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Considérant ce qui précède, le SYNACIT vous demande de vous impliquer davantage pour une exécution simplifiée de ces prestations afin d’éviter les mouvements à répétition sur ce sujet.

DU STATUT DU CORPS DES INSPECTEURS ET CONTROLEURS DU TRAVAIL

Au regard de certaines Conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ratifiées par le Burkina et de la spécificité du corps, l’adoption d’un statut est une exigence.

En effet, la convention N° 81 sur l’inspection du travail de 1947, la Convention N° 129 sur l’inspection du travail dans l’agriculture de 1969 et la Convention N° 150 sur l’administration du travail de 1978 (toutes trois ratifiées par le Burkina) montrent clairement cette exigence en ces termes :

«  Le personnel de l’inspection sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue », article 6 Convention N°  81.

« Le personnel de l’inspection du travail dans l’agriculture doit être composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue » article 8 Convention N°  129.

« Le personnel affecté au système d’administration du travail devra être composé de personnes convenablement qualifiées pour exercer les fonctions qui leur sont assignées, ayant accès à la formation nécessaire à l’exercice de ces fonctions et indépendantes de toute influence extérieure indue.

Ce personnel bénéficiera du statut, des moyens matériels et des ressources financières nécessaires à l’exercice efficace de ses fonctions », article 10 Convention 150.

La traduction des dispositions de ces conventions dans la législation nationale de devrait pas souffrir de débats. En effet, l’article 155 de la Constitution burkinabè dispose que : « les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ».

Etant donné que le Burkina a ratifié les Conventions 81, 129 et 150, il lui revient de les mettre en œuvre pour une question de crédibilité au niveau international.

Il faut rappeler que les codes du travail antérieurs avaient  traduit clairement   cette exigence d’un statut en le signifiant dans le chapitre portant sur l’administration du travail. Ainsi, le code du travail  de 1992 disposait  à son article  223 que : «  Un statut particulier fixe les conditions de recrutement des inspecteurs du travail et organise leur carrière ».

Aussi, il faut souligner que dans la sous-région, presque tous les pays voisins ont adopté un statut pour leurs Inspecteurs du travail (Sénégal, Mali, etc.). Les pays qui ne l’ont pas encore fait ont enclenché ce processus et ils sont très bien avancés (Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, etc.).

         En outre, les Inspecteurs et Contrôleurs du travail sont les seuls agents publics régis à la fois par les dispositions du code du travail (articles 391 à l’article 402 et de nombreux autres articles) et les dispositions de la loi 081-2015/CNT portant statut général de la fonction publique d’Etat. Or, l’article 3 du même code du travail stipule que les fonctionnaires ne sont pas soumis à ces dispositions.

Depuis l’année passée, un avant-projet de loi portant statut des Inspecteurs et Contrôleurs du travail a même été rédigé et transmis au Comité Technique de Validation des Avant-projet de Lois (COTEVAL). A notre grande surprise, Monsieur le Ministre Clément SAWADOGO nous a informés que le texte a été retourné dans son département ministériel sans être examiné, comme quoi, tous les textes transmis au COTEVAL sous la Transition ont été retournés dans leurs ministères d’origine. Pour nous, c’est un argument qui convainc peu.

Au regard des dispositions des conventions ci-dessus citées et de la particularité évidente de nos missions, le SYNACIT demande que le statut du corps des Inspecteurs et Contrôleurs du travail soit adopté et invite le gouvernement à se conformer à ses engagements internationaux.

DE L’ORGANISATION DE LA CONFERENCE NATIONALE DES INSPECTEURS ET CONTROLEURS DU TRAVAIL

Il faut souligner que conformément à  l’arrêté N°2015-001/MFPTSS/SG du 23 janvier 2015, une conférence annuelle des Inspecteurs et Contrôleurs du travail est instituée. Vu que les Inspecteurs et Contrôleurs ont souvent des problèmes d’interprétation des textes, des conférences se tenaient à cet effet mais à des dates irrégulières.

C’est ainsi que les autorités l’ont institutionnalisée de façon annuelle faisant d’elle un cadre de concertation et d’harmonisation des points de vue de tous les acteurs de l’administration du travail. En 2015, elle n’a pas pu se tenir au regard des contraintes budgétaires. En 2016, malgré les relances du syndicat, les travaux peinent à démarrer en vue de l’organisation de la conférence.

Compte tenu de la léthargie dont les autorités de notre ministère de tutelle font preuve sur cette question, le SYNACIT les invite à prendre les mesures idoines pour la tenue de la Conférence.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Est-il admissible que ce soit le syndicat qui demande à chaque fois au gouvernement d’appliquer des textes que lui-même a signé dans un contexte où on parle de civisme ?

DU JUGEMENT DES DOSSIERS PENDANTS EN JUSTICE

 

        Les Inspecteurs et Contrôleurs du travail sont souvent victimes d’agressions verbales et physiques dans l’exécution de leurs missions. En 2013, un agent a été agressé physiquement par la société EDYF WP. En effet, une convocation avait été délivrée contre le premier responsable de EDYF WP car un de ses travailleurs s’est plaint contre lui. Un agent de liaison de l’inspection du travail du Centre devait lui transmettre ladite convocation ; c’est à cette occasion qu’il a été agressé dans les locaux de EDYF WP.

Une plainte avait été déposée par le ministère en charge de travail depuis 2013 et jusqu’à ce jour, le procès n’a pas eu lieu.

Le SYNACIT demande aux autorités de prendre toutes les mesures diligentes pour que ce dossier connaisse enfin un jugement.

         Des quatre points inscrits dans cette plate-forme minimale, l’on relève une non application des textes ; les Inspecteurs et Contrôleurs, qui appliquent les textes en matière du droit de travail aux partenaires sociaux, ne demandent à l’Etat que l’application des textes à leur endroit.

Les revendications du SYNACIT se résument à l’application des textes relatifs aux Inspecteurs et Contrôleurs du travail. Nous ne revendiquons pas de droits nouveaux.

II/ PERSPECTIVES

 

Au regard de cette situation incompréhensible, le SYNACIT ne saurait croiser les bras sans réaction. Après des rencontres avec notre Ministre de tutelle Monsieur Clément SAWADOGO, des réponses satisfaisantes et définitives ne sont pas encore trouvées. Le syndicat, épris de dialogue, s’inscrit toujours dans un cadre de concertation et de négociation pour peu qu’elles soient franches et sincères à même de déboucher sur une issue heureuse et définitive.

 Ainsi, le SYNACIT vous demande d’user de votre pouvoir de Chef du gouvernement afin que des solutions adéquates et pérennes soient trouvées.

Pour la satisfaction des préoccupations citées qui sont toutes des non respects des textes, le syndicat,   suite à un préavis qu’il avait déposé sans être écouté, a observé des grèves dont la dernière date du 23 septembre dernier. Nous vous informons, que jusqu’à présent, aucune solution n’a encore été trouvée. Aussi, le syndicat se dit prêt à tout dialogue avec tous les acteurs concernés pour désamorcer la situation qui prévaut au sein du corps ; dans ce même esprit, il vous demande une audience afin de trouver une solution définitive aux préoccupations posées.

Dans tous les cas, nos camarades restent mobilisées pour d’éventuelles actions dans les mois à venir.

Tout en vous souhaitant une bonne réception, je vous prie, Excellence, d’agréer mes salutations les plus distinguées.

Ampliation :

Présidence du Faso

Le Secrétaire Général

BELEM Hamidou

NDLR: Le titre est de la Rédaction B24

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