Tribune : « Ma lettre au Professeur  Ouaro, Ministre de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation »

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Ceci est une lettre ouverte d’un citoyen adressée au ministre de l’éducation nationale et de l’alphabétisation (MENA).

  Monsieur le Ministre,

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 Je me sens dans l’obligation de m’adresser à vous en tant qu’agent de votre ministère et en tant que parent d’élève. La situation de crise que traverse votre département ne doit laisser personne indifférent.

  Le ministère de l’éducation nationale et de l’alphabétisation dont vous avez la charge traverse actuellement une crise même si vous trouvez le contraire. Il ya crise car des élèves et des enseignants burkinabè sont en insécurité dans certaines régions de notre pays. Le gouvernement dont vous êtes membre est aujourd’hui incapable de garantir leur intégrité physique et morale et par conséquent, près de 700 écoles sont fermées et 600.000 élèves ne vont pas à l’école.

   Il ya une crise dans votre département car vous refusez un dialogue franc et sincère avec les partenaires regroupés au sein de la coordination nationale des syndicats de l’éducation (CNSE). Vous préférez des fuites en avant noyées dans des positions tellement ambiguës dont vous seul avez le secret. Aujourd’hui le dialogue est presque rompu entre les partenaires sociaux et vous. Le superflu ne marche plus.

  Il ya crise dans votre ministère et je vais être sincère avec vous, votre attitude a engendré un climat de méfiance et de réserve entre les agents de votre département et vous.

Les personnels de l’éducation n’ont plus confiance en leur ministre dont vous êtes.

  Et pourtant, Monsieur le Ministre, à votre nomination en janvier 2018, vous aviez suscité beaucoup d’espoir pour les 103110 enseignants et personnel de l’éducation. Nous avions tous cru à votre sincérité sans pour autant prendre des opinions hâtives. Quand vous déclariez  que vous étiez là pour la mise en œuvre du protocole d’accord, beaucoup vous avaient cru. Vous aviez sans doute constaté lors des tournées régionales l’engouement du personnel enseignant et beaucoup se sentaient soulager car disaient-ils enfin, les enseignants auront un interlocuteur valable.

  Monsieur le Ministre,

  Ne pas avoir une oreille attentive aux préoccupations du corps enseignant et vouloir chercher à rouler tout ce monde dans du sable, c’est simplement de l’ingratitude de la part du gouvernement à l’égard des fidèles serviteurs de la nation burkinabè. Les enseignants ne méritent pas ce sort après combien de décennies de dure labeur et de souffrance.

Des enseignants accèdent à leur lieu de travail en pirogue. D’autres pataugent dans la boue sur des sentiers sans issue avant d’arriver à leur lieu de travail. Une fois arrivés à leur poste, ils n’ont que des cases comme logements car dans tout le village il n’y a aucune maison en dur. Beaucoup se convertissent en paysans juste pour atténuer leurs peines. Les nuits, ils se battent contre toute sorte de reptiles ou d’animaux sauvages. C’est dur mais c’est la patrie qu’il faut servir.

Ces mêmes enseignants, quand ils parviennent à leur lieu de travail, c’est avec peine, ils pénètrent dans leur service. Les locaux sont abandonnés et les populations se débrouillent comme elles peuvent car l’État a carrément démissionné. Les salles de classe sont véritablement des classes sales. Mais les enseignants, au nom de la patrie, ils y sont chaque jour.  

 Pour le travail, au nom de la modestie des ressources économiques du pays, les enseignants se contentent du strict minimum. Des chaises en fer ou en bois servent aux enseignants pour s’asseoir. Aujourd’hui, beaucoup d’enseignants ont une santé fragile à cause des conditions professionnelles.

  Le minimum dans une classe doit être les manuels scolaires mais au Burkina Faso, de nombreuses classes sont sans livres. Et là où ils existent, c’est largement insuffisant. Le livre est devenu un luxe pour les élèves burkinabè.

Au nom du patriotisme légendaire et de l’amour des enfants innocents, des enseignants récopient à la main les textes de lecture au tableau. Des enseignants achètent de la craie pour pouvoir dispenser leurs cours car la dotation de l’État est inexistante ou insuffisante et les cotisations des parents d’élèves n’arrivent plus à supporter les charges de l’école.

Monsieur le Ministre,

 Pendant ce temps, des fonctionnaires burkinabè sont assis au ministère et attendent gentiment les statistiques pour leurs rapports erronés à l’adresse des bailleurs de fonds étrangers. Ces mêmes fonctionnaires comptabilisent des centaines de missions annuellement et chèrement payées. Ils vivent de séminaires délocalisés ou des rencontres de tout genre car l’essentiel c’est se servir.  Malheureusement ce sont ces commis de l’État appelés des experts qui doivent décider de notre sort et de celui du système éducatif. Ils n’ont qu’une seule phrase dans la bouche:  » vous êtes nombreux et par conséquent l’État ne peut pas vous satisfaire ». 

  L’État a fabriqué dans notre fonction publique des princes et des rois. Ils ont tous les avantages accordés par le gouvernement qui les craint et même les vénère. Et par contre, les enseignants sont jetés entre les mains du bas peuple dans la misère nationale. 

   À l’heure de la reconnaissance nationale, des enseignants après 30 ans de service et de sacrifice ne connaissent même pas les couleurs d’une décoration. D’autres agents publics qui n’ont pas la moitié de la carrière professionnelle des enseignants sont proposés à la reconnaissance nationale. Combien d’enseignants sont allés à la retraite sans bénéficier d’une décoration? Ce sont les mêmes qui sont félicités et les autres sont oubliés.

Monsieur le Ministre, malgré tout ceci, nous ne regrettons pas d’être enseignant et c’est tout le sens de notre combat. L’injustice, les frustrations, les provocations, les menaces et les punitions à travers des affectations arbitraires, voici le quotidien des enseignants burkinabè. 

Le travail de l’enseignant n’est point monnayable. Nous savons tous qu’aucun État ne peut payer le sacrifice de l’enseignant mais nous avons simplement besoin du minimum pour mieux servir notre peuple et vivre heureux.  

   Les engagements pris par le gouvernement à travers le protocole d’accord signé le 27 janvier 2018 à mi-nuit en présence de toute la sagesse nationale doivent impérativement être entièrement respectés et cela pour le bonheur du système éducatif burkinabè. Nous y tenons et nous tiendrons jusqu’au bout car trop c’est trop. Nous pouvons tolérer les injustices subies dans le passé mais jamais continuer à quémander pour notre existence. Si hier a été dur, aujourd’hui doit être meilleur pour que demain soit rose. 

   Monsieur le Ministre,

  Je savais votre tâche difficile, tellement difficile que vous en sortirez vieillissant mais en cas de réussite vous aurez rendu un énorme service à toute l’humanité et ce sera votre réconfort. Je n’avais jamais imaginé que vous accepteriez trahir vos convictions de départ pour juste être loyal à des individus que de l’être avec le peuple. Je m’étais dit que lorsque vous aurez à choisir, vous opterez  sans doute pour la raison qui est plus logique et facilement compréhensible par tous c’est-à-dire démissionner et garder votre intégrité.

 Vous nous avez fait perdre du temps, même beaucoup de temps et vous avez abusé de notre patience car vous avez pensé que les enseignants sont assez naïfs pour être facilement traînés dans une impasse. Au contraire, c’est tout le gouvernement qui sera plongé dans une impasse car il faudra trouver des solutions et des ressources dans un temps record. Même si ce n’est pas vous qui aviez allumé le feu mais vous l’avez activé.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, toute ma respectueuse considération.

Traoré Abdoulaye Fundjé

Conseiller Pédagogique au MENA

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