Burkina : Commandant Emmanuel Zoungrana, l’arme à l’épaule et la plume à la main

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Chef de bataillon de l’armée burkinabè, chef de corps du deuxième Régiment d’infanterie commando à Ouahigouya et commandant du secteur ouest du groupement des forces pour la sécurisation du nord, écrivain, auteur d’une dizaine de publications, Arsalane Mohamed Emmanuel Zoungrana, est un habitué de la Foire Internationale du Livre de Ouagadougou (FILO) où nous l’avons rencontré sous son stand. Comme ses pairs assez nombreux à la foire, c’est avec enthousiasme qu’il échange avec le public. D’ailleurs, l’édition leur a consacré une belle part, outre les stands, une tribune  dénommée « 2H pour les Forces de Défense et de Sécurité » où à tour de rôle, ils présentent leurs œuvres.  Certes, ces hommes de lettres parlent littérature mais l’épineuse question sur la sécurité dont ils ont la charge, en tant que « gens d’armes » n’est pas omise, d’autant plus que le thème de l’édition traite de « Littérature pour la promotion de la paix et la sécurité ». Ce 24 novembre 2019, à quelques heures de la clôture de la foire au SIAO, le commandant Zoungrana sur le point de rejoindre son poste, nous accorde quelques minutes d’entretien.

Burkina24 (B24) : Quel temps avez-vous pour prendre le bic et la feuille alors que l’arme accrochée au flanc droit ne vous quitte pas?

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Arsalane Mohamed Emmanuel Zoungrana (A.M.E.Z): Ecrire pour moi n’est pas une question d’avoir du temps mais une passion. Quand on est passionné pour quelque chose, on trouve toujours le temps pour le faire. J’ai une dizaine de publications. C’est certes relativement trop par rapport à la charge que j’aie mais je m’organise de telle sorte que chaque année ou chaque deux ans, je puisse publier un ouvrage. C’est le fait d’observer tout ce qui se passe autour de nous qui nous donne suffisamment d’inspiration et à partir de là, quand on a un petit temps,  on se consacre à l’écriture.

B24 : Ecrire vous aide-t-il aussi à supporter cette charge de sécurisation que vous avez par ces temps qui courent ?

A.M.E.Z: Evidemment, écrire participe à s’évader. L’inspiration, c’est le fait de l’esprit, l’homme qui s’évade, visite les choses étranges, agréables, très riches et revient très assagi et quand on finit d’écrire,  il y a un grand soulagement. C’est comme si on a eu un nouveau bébé. Ecrire un bouquin appelle toute une sensation avant tout le processus éditorial, qui est en lui-même un autre parcours de combattant.

B24 : Plusieurs intellectuels affirment très souvent qu’on ne pourra pas combattre l’insécurité qu’avec les armes. Vous pensez que l’écriture, le lecteur, d’ailleurs c’est le terme de la FILO, peut y participer aussi ?  

A.M.E.Z : Le travail qui se fait sur le terrain avec les armes, c’est une participation à la sécurisation du territoire, ce n’est pas la solution finale. C’est une solution intermédiaire qui participe à la solution finale.

La solution finale à la lutte contre le terrorisme intègre plusieurs donnes au niveau politique, au niveau sociétal, organisationnel. Il y a beaucoup de choses qui méritent d’être développées pour qu’on vienne à bout de ça.

Cependant les terroristes en face, il y a vraiment un travail d’acculturation, d’extrémisme qui a été fait. Est-ce qu’il ne faut pas en amont couper cette source d’endoctrinement pour éviter que le phénomène d’extrémisme violent ne se propage .

Bien sûr, les écrits et lire y participent. En lisant, on y développe des interprétations ou des explications par rapport à ce qui est dit dans tel ou tel saint livre ou dans tel autre et cela participe aussi à s’ouvrir sur ce qui se passe autour de nous, sur les autres sociétés, et enfin d’accepter l’autre.

Encore qu’on ne peut pas définir ce qui se passe sur le terrain. Il y en a qui pensent que c’est le djihadisme. On a plus affaire à des terroristes qu’à des djihadistes. Le djihadisme ne se manifeste pas de cette façon nécessairement. Les questions religieuses sont des questions sensibles. Je remercie ceux qui ont eu l’inspiration de porter cette réflexion au cœur de la FILO. Comme on le dit, une nation qui lit est une nation qui gagne. On ne peut pas se former et se cultiver sans lire.

B24 : On voit ici et là des évènements de soutien aux FDS. Cela peut-il vous galvaniser plus, vous qui êtes au front?

A.M.E.Z : Mais bien sûr madame ! Le rôle premier du militaire, c’est de protéger la population, protéger le territoire national. Quand on se rend compte que malgré les difficultés qu’on a sur le terrain, parce qu’il faut le dire, on n’arrive pas à jouer ce rôle de protection à 100%. Il arrive qu’on dise que dans tel village, il y a eu des exactions, des terroristes sont rentrés et ont exécuté un homme, un vieux, moi, en tant qu’homme de terrain, acteur de lutte contre le terrorisme, ça me fait très mal.

Malgré qu’on n’arrive pas à empêcher ces cas d’exécution et qu’on voit que sa population manifeste son sentiment de soutien, de joie par rapport au résultat positif engrangé sur certains théâtres d’opération, ça nous réconforte beaucoup, ça montre aussi comment l’armée est dans la  nation et la nation est avec l’armée.

B24 : Tout n’est pas aussi rose. Il y a aussi des ressentiments par rapport à votre travail de sécurisation?

A.M.E.Z : Un peuple est fait de tout. Permettez-moi de ne pas vous donner des détails. C’est d’ailleurs ce qui lui donne le nom de nation et de peuple. Cette hétérogénéité, cette mosaïque de points de vue, de sentiments, d’appréciation, de vision fait du peuple une nation.

Par rapport aux appréciations sur les opérations menées dans le cadre de la sécurisation du territoire, nous en tant qu’acteurs, nous ne pouvons pas nous mettre au-devant des choses par rapport à ça, dans la mesure où ça pourrait participer à nous déconcentrer, à nous faire dévier de la mission principale qui est la sécurisation. Nous avons une mission très noble,  sécuriser le pays au prix de notre vie. Nous restons très focalisés sur cette mission et nous ne perdons pas de temps  pour orienter nos regards sur les appréciations négatives qui viendraient d’ailleurs.

Pour les appréciations positives, nous les prenons et remercions tous ceux qui comprennent que la lutte contre le terrorisme est une lutte collective mais pas une lutte qui est dédiée seulement aux forces de défense et de sécurité. Tout le monde a un rôle. A ceux aussi qui dans leurs critiques ont des points de vue négatifs sur  le déroulement des opérations, on leur dit merci aussi, dans la mesure où chaque cas participe à redresser les choses.

Si ce sont des critiques positives et constructives, c’est une bonne chose. Si ce sont des critiques dans le sens de conformer, de démobiliser, c’est dommage dans la mesure où ça va revenir contre le pays. Mais nous, nous restons  dans une logique d’accepter et de prendre en compte tout ce qui est critique, volonté, souhait, dans la mesure du possible pour développer comme méthodes sur la sécurité. Toute proposition qui pourrait être utile à la situation est à prendre en compte.

B24 : Avez-vous avez espoir que tout ça ne sera qu’un mauvais rêve un jour ?

A.M.E.Z : Moi je pense qu’avec davantage de patriotisme, avec davantage de conviction que Dieu est avec les forces de défense et de sécurité, Dieu est avec la nation burkinabè, et que nous viendrons à bout de ce phénomène. Beaucoup de nations  avant nous sont passées par là. On ne peut pas tout de suite donner un diagnostic sur la durée de cette crise mais avec la foi en Dieu, la foi en notre société, au peuple burkinabè, nous allons venir à bout du phénomène tôt ou tard.


 Œuvres éditées

« L’As de pic en débandade »

« Marwellé, l’enfant aigri »

« Enfants chéris »

« Sentinelles »

 « The ace of spades in  disarray »

 « Le triomphe des parvenus »

« Le péril de vie des hommes ».

Autres ouvrages en cours de publication 

« La traque ignoble d’un honnête citoyen »

« Le monde condamné »

« La lutte contre le terrorisme au Burkina Faso : Défis et perspectives »

Il partage sa passion

A l’occasion de la FILO, le commandant,  ce passionné de livres, a inauguré sa bibliothèque qui compte déjà près de 5000 livres, à Pabré, à quelques dizaines de kilomètres de Ouagadougou.


Propos recueillis par Revelyn SOME

Burkina24

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Un commentaire

  1. À niveau est situé précisément sa bibliothèque, et si ouverte au public, quelles sont les conditions d’accès? Nous voulons si possible avoir des contacts. Merci d’avance

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