Province du Zondoma : Quand la recherche booste la production du niébé
Le niébé, Vigna unguiculata, est la légumineuse majeure au Burkina Faso. Généralement adapté aux conditions agroécologiques des savanes ouest-africaines, le niébé est produit au Burkina Faso dans toutes les régions en association avec les céréales (95 %) et en culture pure (5% des superficies et 9% des volumes produits). Sa culture présente des retombées économiques, nutritionnelles, et agronomiques considérables. La filière niébé fait d’ailleurs partie des six filières prioritaires de l’Etat. Malgré sa large adaptation et son importance, la productivité du niébé est généralement très faible à cause de nombreuses contraintes biotiques et abiotiques. Les principales contraintes dans la production du niébé comprennent : les insectes ravageurs (aphides, thrips, piqueurs suceurs, foreuses de gousses et bruches), les maladies (bactériennes, virales et fongiques), les plantes parasites (Striga et alectra), la sécheresse et les pratiques agricoles. Fort heureusement, la recherche a fait beaucoup d’avancées dans le domaine et grâce à la biotechnologie, des variétés améliorées capables de dompter la plupart de ces contraintes sont mis à la disposition des producteurs ouvrant ainsi de belles perspectives à la filière.
Boussou, 40 Km de Gourcy. Nous sommes dans la province du Zondoma dans la Région du Nord. Nous y avons rendez-vous avec Boukaré Compaoré, un producteur modèle de niébé. De part et d’autre de la piste qui nous mène dans cette commune rurale, de vastes champs de diverses spéculations se laissent observer avec une part belle au niébé. « Même dans les champs de mil, le niébé est également associé », nous murmure notre guide. Après presque une heure de route, nous arrivons enfin à Boussou.
Après un bref instant d’échange, place à une visite guidée dans le vaste champ de Boukaré Compaoré. Ce paysan a fait de la production des variétés améliorées de niébé sa préférence. « Ici il n’y a plus de place pour le niébé traditionnel », se plait-il à nous raconter. Compte tenu de « sa riche expérience » avec les variétés améliorées, il a été choisi par l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA) pour expérimenter de nouvelles lignées de niébé issues de la biotechnologie.
Sur une portion de sa ferme de 5 ha, une parcelle de la taille d’un terrain de football est dédiée à des tests de démonstration de lignées. « L’INERA a mis à notre disposition une semence de prébase (des semences de pureté élevée produites par la recherche, ndlr) pour qu’on l’expérimente. Aux côtés de chaque nouvelle lignée, nous juxtaposons une parcelle témoin de Komcallé ou Tilgré qui sont des variétés améliorées que nous connaissons déjà », nous explique le maître des lieux.
« Après maturation, on essaie de caractériser ces nouvelles lignées (leur rendement, la durée du cycle, la texture des graines, le modèle rampant, semi-rampant ou érigé, etc.). Elles seront, après homologation, intégrées dans la chaîne des variétés », précise le directeur provincial de l’agriculture et des aménagements hydroagricoles du Zondoma, Kiswendsida Nicodème Zoungrana.
A la sole semencière de Toubyengo
De retour de Boussou, nous faisons escale à Toubyengo, une localité à mi-chemin entre Boussou et Gourcy. Dans cette localité, l’Union des Producteurs semenciers du Zondoma dispose d’une sole semencière de 30 ha où elle produit de la semence certifiée (semence issue de semence de base et destinée à la production, ndlr) de Komcallé, une variété de niébé précoce de 60 jours issue de la recherche. C’est en moyenne 75 tonnes de semences qui sont produites chaque année par cette union, qui les revend aux paysans qui produisent pour la consommation ou le commerce.
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De l’avis du président de l’Union des Producteurs semenciers du Zondoma, El hadj Ahamadou Kenoré, l’introduction des variétés issues de la biotechnologie a fortement boosté le rendement des producteurs du niébé dans la province.
« Depuis que l’on produit les semences améliorées, on se rend compte que le rendement des producteurs a considérablement augmenté. Comparativement aux variétés traditionnelles, dont le rendement est tributaire des aléas climatiques, ces nouvelles variétés résistent à plusieurs contraintes. Tous les paysans qui se procurent auprès de l’union nous font toujours un retour positif par rapport à la qualité des semences améliorées que nous mettons à leur disposition », nous confie-t-il.
Bonne organisation des acteurs…
Si le niébé rencontre du succès dans le Zondoma, il le doit à une bonne organisation des acteurs de la chaîne. En effet, les producteurs de cette province sont organisés en coopératives, toute chose qui facilite leur encadrement, selon le directeur provincial en charge de l’agriculture et des aménagements hydroagricoles du Zondoma.
« Les acteurs sont très bien organisés ici. Nous avons une faîtière au niveau provincial avec des démembrements au niveau département et village. Cette structure mobilise une cinquantaine de producteurs semenciers toutes spéculations confondues ; mais le niébé est la semence la plus produite. Chaque année, nous avons une production moyenne de 150 tonnes de productions de semences avec 75 tonnes pour le niébé », nous explique Kiswendsida Nicodème Zoungrana.
Dans cette province, les paysans ont compris que la qualité de la semence influe directement la performance de la production. C’est donc auprès des producteurs semenciers que les paysans qui produisent pour la consommation se procurent la semence certifiée par l’INERA. Pour la production de consommation, la province enregistre chaque année en moyenne 30 000 tonnes de niébé.
« Le Zondoma, c’est la plus petite province de la région du Nord. Mais au vu de la quantité de niébé qui y sort, nous figurons parmi les premiers à l’échelle même nationale », se félicite le directeur provincial en charge de l’agriculture et des aménagements hydroagricoles du Zondoma.
(Audio) – Production du niébé au Zandoma: Entretien avec le Directeur provincial en charge de l’agriculture
Burkina 24
Selon le président de l’union provinciale des coopératives simplifiées de production du niébé du Zondoma, Abdoulaye Mandé, « c’est grâce au tandem entre l’union des producteurs semenciers et les coopératives simplifiées de production du niébé, que la production du niébé a pris son envol dans le Zondoma ».
Le Zondoma, l’antichambre de l’INERA
Au-delà de l’engouement des producteurs pour le niébé, faisant de cette légumineuse la spéculation légendaire dans le Zondoma et cela depuis les années 80, il faut reconnaître que cette culture y doit son succès à la recherche. Le Zondoma est en fait une province de prédilection pour les sélections et les démonstrations des nouvelles variétés de niébé sorties du laboratoire de génétique et biotechnologies végétales de l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA).
Cette province a du reste bénéficié d’un projet de l’INERA dénommé TL3 (tropical Légume Phase III) qui est une plateforme multi-acteurs regroupant les acteurs directs (producteurs-transformateurs/trices, les commerçants), les structures de soutien (l’administration, les techniciens, les institutions bancaires et la recherche).
Après le Zondoma, retour à Ouagadougou. Au Centre de Recherches Environnementales, Agricoles et de Formation (CREAF) à Kamboinsé, en banlieue nord de la capitale. Le chef de l’équipe de l’Unité de sélection de niébé, Dr Benoît Joseph Batieno est en pleine activité au laboratoire de génétique et de biotechnologies végétales. C’est là où s’effectue tout le travail biotechnologique. Selon lui, depuis 1978 les chercheurs burkinabè se sont intéressés au niébé et mis au point une quarantaine de variétés .
« On prend le niébé comme une des plantes qui tolère un peu la sécheresse. Mais aujourd’hui avec les changements climatiques qui influencent les pluies, la longueur des poches de sécheresse devient de plus en plus importante. Le niébé aussi subit ces poches de sécheresse et surtout en fin de cycle.
Donc, ce que nous faisons aujourd’hui, c’est de développer des variétés qui sont adaptées, qui ont un court cycle autour de 60 à 70 jours et qui puissent, malgré les poches de sécheresse, résister et produire quelque chose pour le producteur tout en étant résistant aux parasites. C’est ce qui nous a poussés à améliorer le niébé parce que tous ces parasites, plus les changements climatiques se mettent ensemble pour contrer notre production », explique le chercheur.
Grâce aux variétés améliorées, les producteurs de niébé ont nettement accru leur rendement.
Grâce à ce laboratoire doté d’un équipement de haute technologie, les chercheurs arrivent à raccourcir le cycle de sélection des variétés. « Dans le temps, on faisait la sélection de façon aveugle et c’est le champ qui nous disait la vérité. Tu peux sélectionner et puis à la fin tu pars le mettre au champ et il n’y a rien d’intéressant à l’intérieur. Tu pouvais faire 12 ans et à la fin tu n’as pas de variété à vulgariser », avoue Dr Batieno.
« Mais aujourd’hui, explique-t-il, pour être sûr que tu as quelque chose à vulgariser, tu suis les gènes d’intérêt à travers des marqueurs que nous utilisons au laboratoire pour suivre l’évolution de nos plantes. Mais ça, au lieu de faire 12 ans, ça peut nous permettre de sortir une variété en 6 ans. Et pour encore plus raccourcir, au lieu d’attendre une année pour avancer, on peut utiliser les serres ou l’irrigation qui nous permettent de faire au plus 4 saisons en une année. Avec ce processus, normalement en 4 ans, on peut faire sortir une variété ».
(Vidéo): Les étapes de sélection de nouvelles variétés de niébé à l’INERA
Burkina 24
Au Zondoma, grâce aux variétés améliorées, les producteurs de niébé ont nettement accru leur rendement, améliorant ainsi leurs conditions de vie.
« En tout cas, nous sommes très contents ici. Nous remercions Dieu et l’INERA pour la vulgarisation des variétés améliorées. En vérité, la famine à laquelle nos ancêtres et nos parents ont souffert, grâce aux variétés améliorées, nous ne connaîtrons pas cette famine. Nous allons vaincre l’insécurité alimentaire », se réjouit le président de l’Union des Producteurs semenciers du Zondoma, El hadj Ahamadou Kenoré, qui invite au passage les paysans à se lancer à fond dans la production du niébé, en se dotant notamment de la semence à variété améliorée. « C’est la solution à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire », ajoute-t-il.
(Vidéo) Réaction de producteurs de niébé : « Au Zondoma, notre cacao c’est le niébé »
Burkina24
Le Docteur Benoît Joseph Batieno y croit dur, « la filière niébé a de beaux jours devant elle et nous faisons tout pour que cela se fasse ». Et de conclure : « nous mettons tous les moyens parce que quoi qu’on dise, nous essayons de mobiliser chaque année beaucoup de fonds pour ne pas rester en marge par rapport à une amélioration et résoudre les problèmes des producteurs ».
Maxime KABORE
Burkina 24
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» Auprès des producteurs semenciers » pourvu que ce n’est pas Monsanto / Bayer derrière, qui veulent interdire les plantes naturelles & rendre obligatoire leurs graines modifiées pour mettre en servage les paysans…