Etude : Des phonèmes en complément de l’alphabet du koromfe

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Ceci est une étude de GUIRE Inoussa, INSS/CNRST Ouagadougou intitulé « Des phonèmes en complément de l’alphabet du koromfe ».

Résumé

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Cet article est une vulgarisation d’une production scientifique qui traite du statut de certains sons rencontrés dans la langue koromfe d’Arbinda. Pour certaines démonstrations et la bibliographie utilisée, se référer à cette source initiale. L’alphabet du koromfe a été élaboré sur la base d’études descriptives de la variante koromfe de Pobé-Mengao. A partir d’une collecte de données lexicales auprès de locuteurs de cette langue, une analyse phonologique a été faite. Il ressort que les sons [c] et [ɟ] sont des phonèmes dans cette variante. Elle est assortie d’une proposition de prise en compte de ce résultat dans l’alphabet et partant, pour la rédaction d’un guide harmonisé de l’orthographe et de la transcription de la langue koromfe.

Introduction

Les Koromba sont les locuteurs du koromfe, une langue gur de la famille Niger-Congolaises qui se situe au Nord du Burkina Faso, notamment dans les provinces du Lorum, du Soum, du Seno, du Bam et du yatenga. Si la volonté de souvenir de son ancien royaume des koromfe a permis de donner le nom Lorum à une province, la variante linguistique qui nous intéresse dans ce travail est celle parlée principalement dans les 43 villages de la communes d’Arbinda. Dans le processus d’alphabétisation des populations dans leurs langues, des centres ont été ouverts à Aribinda et à Mengao par des promoteurs à partir de celui ouvert à Béléhédé par les missionnaires catholiques de la SIL. Ces promoteurs sont généralement soutenus par l’Etat à partir du Fond National d’Appui à l’Education Non Formelle (FONAEF). Les manuels en usage dans les centres d’alphabétisation sont élaborés par la SIL à partir du parler des habitants du village de Béléhédé à cheval entre Aribinda et Mengao. Quant à l’alphabet, il a été élaboré sur la base de travaux de description de la variante de Mengao faits par le linguiste Rennison John (1997). A la suite d’une collecte de données auprès des locuteurs et animateurs chargés d’alphabétisation de la langue koromfe à Arbinda pour l’établissement d’un dictionnaire (lexique de base), des difficultés de transcription de certains sons avec l’alphabet existant ont été constatées. Il fallait que des linguistes se prononcent sur le statut de ces sons de la langue. Les mots contenant ces sons ont été retenus et analysés.

Nous présentons la substance des résultats obtenus, la méthodologie et l’approche théorique sont contenus dans l’article scientifique cité dans la partie bibliographie.

Un inventaire de mots consédérés comme paires minimales nous ont permis de retenir les phonèmes identiques à la variante d’Arbinda et à celle de Mengao. Un phonème est un son pertinent dans une langue, et de ce fait, est un élément de l’alphabet de cette langue.  La liste suivante est un inventaire de mots de la variante d’Aribinda faisant ressortir les deux sons [c] et [ɟ] dans ce parler.

 Les mots contenant le son [C] :

[cɔgʊ]              « champ »

[cɔrɔ]               «flanc »

[coro-bi]   « côte »

[ceam]       « être fou »

[celfe]       « ligne (de brique en maçonnerie) »

[cerga]      « arbre     fruitier     commestible     (     Diospyros mespiliformis) »

[cefga]       « ustensile à base de fruit (cucurbita Lagenaria)

servant à enlever le tô chaud de la marmite »

[ceptam]   « raser (tête) »

[cɛbɑm]    « trembler »

[cɛlgɑm]   « frire »

 [cɛɛsɛ]       « jalousie »

[cɛŋnɑm]  « cri des oiseaux lors de la ponte des œufs »

[cɛptɑm]   « couper, enlever une partie d’un aliment pâteux ou solide »

[ceptam]   « raser (la tête) »

[cɛndɑm]   « finir »

[ceremam]       « espionner, surveiller, dépister (animaux) »

[ cɛptəfɛ]   « tique »

[cɛndɑm]  « finir »

[cɩbɑm]    « piéger »

[cɩptɑm]    « dégarnir de ses grains avec la mais un épis de mil ou de maïs »

[cii]          « folie »

[cɩrɑm]     « monnayer »

[cɩrɑmsɑm]      « éternuer »

[cɩrgɔsɛ]   « déjeuner »

[burcele ]  « charbon »

[dɩɲcɛrfɛ]  « boucle d’oreille »

[fɛccɛrɛ ]  « moitié »

 [laccɩrɩ ]   « le couscous de mil »

[nunaɲciici]     « bûche (bois de feu) dont le bout est allumé »

[cɩcɩlɩm]   « potasse »

[wɔrcɛɛŋa]     « tourterelle »

[wɔɲcɛrfɛ ]     « bracelet »

Les mots contenant le son [ɟ] :

[ɟɑɑsɑm]  « Décourager, empêcher, déconseiller »

[ɟawdi]      « richesse »

[ɟɔgʊ]         « boule de mil pilée et bouillie »

[ɟɔkɑm]    « picorer, becqueter »

[ɟɔnntɔ]   « fièvre »

[ɟennde]  « pierre »

[ɟeam]      « déménager »

[ɟɛɑm]      « dépendre de (quelqu’un) »

[ɟeɲsam]    « regarder à travers (un passage) »

[ɟembam]  « être fatigué »

[ɟɩbrɛ]       « hache »

[ɟĩãm]       « lorgner »

[ɟɩdɑɲsɔɔrɔ]     « moustiquaire »

[ɟɩlɛ]         « soi »

[ɟɩlɑm]     « entraver »

[ɟilam]     « contourner »

[ɟempi]    « petite pierre ronde (composé) »

[ɟɛbrɛ]      « céréales concassées »

[ɟɩbrɛ]      « hache »

[ɟilam]     « contourner »

[ɟɩgɑɑrɛ]  « charognard «

[ɟɩɲɑm]    « se parer »

[ɟɩndɑ]     « enfants »

[ɟɩrɟɑnda] « espèce d’arbuste à tiges dures »

[sɑɟɟɑ]      « difficulté »

[ɟɩmɛtɛ]    « épis de mil destiné à être grillé frais »

  1. les mots contenant le son [ɲ]

[ɲɩrɛ]        « bouche »

[ɲɑtɛ]       « mil »

[ɲɑŋ]        « aujourd’hui »

[ɲɩnfɛ]      « poisson »

[ɲirẽ]        « nuit »

[ɲɩrɛ]        « bouche »

[ɲirŋa]              « aveugle »

[ɲɔɔrɛ]      « décoction »

[ɲɑtɛ]       « épis de mil

[ɲɛrɑm]    « coudre »

Analyse en paire minimale

L’existence du phonème /c/ est attestée par les paires suivantes :

 cɔrɔ « flanc » / ɟɔrɔ « moitié »

Dans cet exemple, [c] et [ɟ] sont des occlusives palatales, la première est sourde et la deuxième est sonore. Seule la sonorité fait donc la différence. Ce sont des paires minimales parfaites. Elles suffisent à elles seules pour prouver que nous avons affaire à des phonèmes. Les exemples suivants sont des paires imparfaites, dans la mesure où on passe des occlusives palatales aux vélaires et même aux fricatives [s], Mais si nous faisons abstraction des traits distinctifs comme indiqué dans notre considération théorique, nous dirons que les paires suivantes renforcent encore l’existence des phonèmes /c/ et /ɟ/.

cɔgʊ « champ »/kɔgʊ « mors ou corde de cheval »

ceam « être fou »/ seam « maudire »

cerga    « arbre fruitier (Diospyros mespiliformis) » / perga « âne »

cɛptɑm « couper, enlever une partie d’un aliment pâteux ou solide » / sɛptɑm « enlever l’écorce »/ dɛptɑm « enlever la partie supérieure d’un liquide »

cɩrɑm « monnayer »/ bɩrɑm « mûrir »

cɩɑm « s’énerver »/ɟɩŋɑm « se parer »

Ainsi donc, en changeant le son[c] successivement par les sons [s, k, ɟ, d, p, b] on aura des sens différents pour chaque son. Ce qui, phonologiquement prouve que /c/ est un phonème du koromfe variante d’Aribinda.

Le phonème /ɟ/ aussi est attesté par les paires suivantes :

ɟɔgʊ  « boule de mil pilée et bouillie »/cɔgʊ « champ »

ɟɩlɛ « soi » / cɩlɛ « grillon »

A ces paires minimales parfaites, nous ajoutons la liste suivante :

ɟawdi « richesse »/ mawdi « orgueil »

ɟɔnntɔ: « fièvre »/ sɔnntɔ « perte »

ɟennde  « pierre » / bennde  « hernie hiatale »

ɟɩlɛ « soi » / yɩlɛ « corne »

ɟɩlɑm « entraver » /yɩlɑm « lait »

ɟilam « contourner » /pilam « enrouler »

ɟɛbrɛ « céréales concassées » / nɛbrɛ « pois de terre »

ɟɩbrɛ « hache » / yɩbrɛ « œil »

Cet inventaire contient la nasale[ɲ] rencontrée au cours de nos enquêtes. Son statut doit être déterminé à la suite d’une étude sur le comportement des voyelles nasales dans les syllabes en koromfe variante d’Aribinda, notamment après le son [j] représenté par y. Néanmoins nous préconisons sa prise en compte dans l’alphabet.

La question de distribution des sons

Nous constatons que [c] apparait à l’initiale et en intervocalique, autrement dit en médiane. Mais cette occlusive n’apparait pas en finale du mot. Cependant, elle n’est pas en distribution complémentaire avec la vélaire [k] encore moins avec palatale sonore [ɟ]. Ce ne sont pas des variantes d’un même phonème. On peut donc noter que /c/ est un phonème de cette variante. De même, le son [ɟ] apparait dans le même environnement mais n’est pas en distribution complémentaire avec le son [g] encore moins avec [ɟ]. Ce qui permet de dire que c’est aussi un phonème du koromfe variante d’Arbinda.

Le processus de révision de l’alphabet national pour son harmonisation avec les difficultés liées aux actions pratiques sur le terrain de l’alphabétisation et de l’enseignement bilingue doit prendre en compte les spécificités et les sensibilités régionales en matière de langues et de dialectes pour une cohésion sociale stable.

Nous proposons que l’alphabet du koromfe prenne en compte les phonèmes /c/ et / ɟ / ainsi dégagés afin que tous les mots de la langue koromfe puissent être bien orthographiés. Aussi suggérons-nous, au regard des difficultés liés à l’orthographe du son [ɲ] rendu différemment dans les manuels, que le symbole ɲ soit utilisé au lieu de ny, en attendant une investigation linguistique impliquant l’étude des nasales et de la nasalisation dans cette langue. Ainsi, les manuels cesseront d’être rejetés pour insuffisance de caractères ou de symboles représentant des sons avérés dans certains parlers

[c] et [ɟ] sont des sons qui existent dans langue koromfe variante d’Aribinda. Les oppositions phonologiques sont faites dans la plus part des cas, avec des paires minimales imparfaites, mais il existe quand même des paires minimales parfaites les opposant. Ce qui d’ailleurs en fait des phonèmes à part entière. En prenant en compte Tamine (1981), on peut conclure que ce sont des phonèmes attestés de ce parler. Même si nous considérons la version de Roman Yakobson (1963), les traits sourd et sonore sont suffisamment distinctifs pour affirmer que ce sont des phonèmes. Nous proposons qu’ils soient pris en compte dans l’alphabet du koromfe, afin de faciliter la transcription et les actions de promotion de la langue koromfe dans son ensemble. La recherche se poursuivant, et comme cette langue a subi des influences diverses, des éclaircissements pourrait permettre de mieux cerner l’origine de certaines exceptions constatées, notamment les quelques rares pairs de mots à tons qui subsistent encore dans cette variante. La description entière de la variante koromfe d’Aribinda doit être envisagée. N’est-ce pas là un sujet de tonogenèse intéressant pour une investigation ?

BIBLIOGRAPHIE

Inoussa GUIRE (2019). Les sons c et ɟ en koromfe d’Aribinda, actes du 1er congrès mondial des chercheurs francophones, les cahiers de l’ACAREF, vol. 1, n°3, Accra, pp. 107-124.

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