Tontine en ligne : Risquer le paquet pour du CFA craquant !

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La tontine est un système d’épargne rotatif fait par un groupe de personnes. Selon les mensualités, les souscripteurs déposent un certain montant et à tour de rôle chacun récolte la somme totale et ainsi jusqu’à la fin du cycle. La tontine peut être journalière, hebdomadaire, mensuelle, bimensuelle, etc. Sa pratique en ligne notamment sur certains réseaux sociaux (Facebook et WhatsApp) au Burkina Faso, en général, et à Ouagadougou, en particulier, est devenue monnaie courante. Des personnes le font dans le but d’aider les autres à pouvoir économiser pour réaliser un quelconque projet. En revanche, il y a des brebis galeuses qui en profitent pour tenter d’arnaquer des souscripteurs. Nous avons trempé notre plume dans un domaine où souvent des inconnus peuvent se côtoyer, en dépit des risques … Lisez ! 

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Assise sur son fauteuil, les yeux rivés sur l’écran de son ordinateur, elle est à son poste. Elle nous accueille ce beau matin, avec un large sourire, de quoi nous mettre à l’aise et faciliter les échanges. Les présentations faites, nous abordons le sujet qui nous amène à son lieu de travail. Alizèta Zoungrana alias « Adja Bénie », femme d’affaires, entrepreneure et présidente directrice de Adja Bénie Corporation est promotrice et gestionnaire de tontines depuis 20 ans.

Exemple de texte publié par les "tontinières"
Exemple de texte publié par les « tontinières » (NB : Capture d’écran Facebook)
Alizèta Zoungrana alias Adja Bénie, gestionnaire de tontines
Alizèta Zoungrana alias Adja Bénie, gestionnaire de tontines

Sur les réseaux sociaux, Alizèta Zoungrana est beaucoup plus connue sous le pseudo de « Adja Bénie ». Cette mère de trois enfants organise des tontines et des « Cauris d’or » depuis 2004. Aujourd’hui, gérer une tontine n’est plus un secret pour elle. Elle en organise de plusieurs sortes. Des prises allant de 100 000 F CFA à 10 millions de F CFA sont possibles avec elle.

Comment débute une tontine en ligne ?

L’émergence des réseaux sociaux notamment Facebook et WhatsApp a permis à Adja Bénie de s’attirer plus de souscripteurs. Elle nous fait savoir que dès qu’elle souhaite proposer une nouvelle offre, elle fait des postes sur ses réseaux et les personnes intéressées lui écrivent en privée. Ces dernières lui passent leurs contacts et elle les intègre dans le groupe de prise de leur choix.

« Je les intègre dans un groupe WhatsApp que je vais surnommer par exemple tontine 100.000 par mois. Si c’est le premier groupe, je mets numéro 1 et ainsi de suite. Ce sont 10 personnes que je prends à chaque fois pendant 10 mois. 

Et, pendant 10 mois, la cotisation se fait chaque fin du mois c’est-à-dire du 31 au 05 ; donc la date limite du paiement c’est le 05. Quand les gens cotisent alors, cela fait un total de 1 million que je remets à la première sur la liste », explique-t-elle.

Tontines en ligne… pas seulement en argent !

Les tontines en ligne ne se font pas uniquement en numéraire. De plus en plus, elles concernent des biens matériels tels des téléphones portables, des terrains, des appareils électroménagers, des kits alimentaires, des motos ou même des vêtements, etc.

Marthe Adena est une commerçante en ligne. Elle organise également des tontines en ligne des appareils électroménagers, des portables et des ordinateurs depuis environ 5 ans. « Je fais tout ce qui est article ménager, de cuisine, les portables, les télévisions, les ordinateurs », précise-t-elle.

Adena Marthe, promotrice de tontine en ligne
Adena Marthe, promotrice de tontine en ligne

Elle dit qu’elle passe par les groupes de tontines sur Facebook pour lancer ses différentes tontines. Les problèmes auxquels les « tontinières » sont confrontées, selon elle, sont entre autres des arnaques qui sont de plus en plus récurrentes.

Mener un minimum d’enquête avant…

Adja Bénie et Marte Adena disent avoir développé des stratégies propres à elles afin de ne pas se faire prendre dans les pièges des arnaqueurs.

« Moi, je fais la liste par ordre d’arrivée mais si je ne connais pas la personne, je ne la mets jamais en première position parce que la personne peut prendre et s’inventer des problèmes (j’ai un enfant malade, j’ai eu un décès, etc.) juste pour ne pas payer. Donc je fais la liste en fonction des personnes sérieuses que je mets toujours en tête », dévoile Adja Bénie.

C’est presque la même stratégie mise en place par Marthe Adena. Elle témoigne qu’elle mène de petites enquêtes sur toute nouvelle personne qui s’inscrit sur ses listes de tontine. « Je fais un minimum d’enquête sur la personne. Si la personne n’a jamais fait une tontine avec moi, je ne lui donne pas les cinq premières places. 

Cela permet de limiter les pertes. Et déjà quand la personne est de mauvaise foi, elle refuse catégoriquement d’intégrer quand il y a cinq personnes devant elle parce que ça ne va pas l’arranger », avance-t-elle.

Elle renseigne que lorsque le montant de la tontine dépasse 100 000 F CFA, elle appelle la personne qui vient de rejoindre le cercle de ses souscripteurs pour discuter avec elle. « Je vais connaître son lieu d’habitation et celui de son activité avant le début effectif de la tontine. Pour la tontine moto par exemple, le jour de la prise, la personne remplie une décharge avec sa CNIB (Carte nationale d’identité burkinabè, NDLR) », indique-t-elle.

Alizèta Zoungrana promotrice de tontines depuis 20 ans
Alizèta Zoungrana est promotrice de tontines depuis 20 ans (©Jonas Yaméogo)

Outre ces enquêtes, Adja Bénie et Marte Adena relèvent que le plus souvent, elles se renseignent sur l’identité des nouveaux souscripteurs avec les autres « mamans tontines » qu’elles côtoient pour savoir si ce sont des personnes dignes de foi.

« On sent venir l’arnaque lorsque les explications ne tiennent plus. À un moment donné, vous sentez que cette personne va vous créer des problèmes. Quand les retards sont répétés et que c’est toujours la même personne qui a des problèmes du genre mon enfant était malade, j’ai eu un décès… », note Adja Bénie.

Les souscripteurs de tontines se font aussi arnaquer…

Faire de la tontine en ligne aujourd’hui n’est pas non seulement risquant pour les promotrices mais aussi pour certains souscripteurs qui tombent malheureusement sur des « mamans tontines » pas très catholiques.

Ces promoteurs ou promotrices préparent bien leur coup à l’avance, selon Zalissa Kiemtoré (nom d’emprunt), une victime. Une fois qu’ils parviennent à encaisser, ces derniers disparaissent sans faire signe, tout en prenant le soin de bloquer les personnes auprès de qui, ils ont pris l’argent.

Zalissa Kiemtoré nous explique comment elle s’est faite arnaquer. Elle nous raconte qu’un jour, elle surfait sur Facebook quand elle est tombée sur une annonce de tontine où chaque personne devait contribuer à hauteur de 300 F CFA par jour et à la fin, les souscripteurs devaient recevoir un ensemble de plats thermos. Cette jeune commerçante décide de se lancer pour une souscription totale de 42 000 F CFA.

« Étant une petite commerçante, je ne pouvais pas me permettre de payer cash. La proposition était de 300 F CFA  par jour et au bout de 30 jours, une personne prenait. Nous étions dans un groupe de cinq personnes et moi j’étais la première, ce qui me réjouissait. 

Sincèrement je ne me suis doutée de rien. J’ai payé normalement l’argent jusqu’au jour de la prise. J’attendais impatiemment qu’elle me fasse signe pour que je la rejoigne pour récupérer mon dû mais cela n’est jamais arrivé. La bonne dame m’avait tout simplement bloqué de partout et a disparu en ligne », nous fait-elle savoir.

Exemple de publication pour attirer les souscripteurs
Exemple de publication pour attirer les souscripteurs

Elle a appris après que la promotrice a fait croire aux autres membres du groupe qu’elle était l’arnaqueuse et ne payait pas ses cotisations, c’est pour cela elle l’a retirée du groupe.

« Plus tard, j’ai vu des personnes l’afficher comme quoi elle les avait arnaquées aussi. D’autres ont déclaré être allées signaler à la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC). Moi j’ai laissé pour moi à Dieu. Désormais je ne fais plus de tontines. J’ai payé mon coffret où j’économise doucement », a renseigné Zalissa Kiemtoré.

Lire aussi 👉 Ici Au Faso : Des tirelires en terre cuite avec Géraldine Mouniratou Sanou

Selon Adja Bénie, pour limiter cette pratique de plus en plus récurrente, les initiateurs des tontines doivent eux-mêmes avoir des activités génératrices de revenus. Car gérer de l’argent qui ne vous appartient pas suscite beaucoup de tentations.

« Mais lorsque vous avez une activité rémunératrice de revenus, il est facile de ne pas être tenté, mais surtout, de pouvoir cotiser à la place d’une personne qui vous fait un faux bond aucours du cycle », appuie-t-elle.

La Brigade Centrale de Lutte contre la Cybercriminalité à la rescousse

Désormais, grâce aux actions de la Brigade Centrale de Lutte contre la Cybercriminalité (BCLCC), les deux parties prenantes de la tontine sont plus ou moins réconfortées grâce au travail remarquable fait à ce niveau.

Nous nous sommes entretenus avec un responsable au niveau la Brigade Centrale de Lutte contre la Cybercriminalité afin de recueillir son avis sur le sujet. De prime abord, l’Adjudant de gendarmerie Koanda Tahirou est clair sur le fait que la pratique de la tontine n’est pas légale. Qu’elle soit en ligne ou traditionnelle, informe ce dernier. « Cette pratique est assimilable à de la microfinance tandis que la microfinance est règlementée, selon les dispositions de la règlementation bancaire et celle des systèmes financiers décentralisés », précise-t-il.

Selon le pandore, il est possible de règlementer la tontine, à condition de se conformer à une loi allant dans ce sens. « La collecte de l’épargne est conditionnée par l’obtention d’une autorisation préalable du ministère chargé des finances. Alors, pour se référer, nous pouvons parler du décret 2009-439press du 30 juin 2009 qui promulgue la loi n° 023-2009/AN DU 14 MAI 2009. 

Cette loi parle de la réglementation des systèmes financiers décentralisés du Burkina. Cela veut dire que pour une personne qui veut impérativement faire de la tontine, il faudra que la personne aille vers cette loi qui a été promulguée », estime-t-il.

Adjudant de gendarmerie Tahirou Koanda au service de la collaboration policière à la Brigade de Lutte contre le Cybercriminalité
Adjudant de gendarmerie Tahirou Koanda au service de la collaboration policière à la Brigade de Lutte contre le Cybercriminalité

À en croire, l’adjudant Koanda, cette loi dans son chapitre II, article 4, sous-point 1 stipule que « sont considérés comme dépôts, les fonds, autres que les cotisations et contributions obligatoires, recueillis par le système financier décentralisé auprès de ses membres ou de sa clientèle avec le droit d’en disposer dans le cadre de son activité, à charge pour lui de les restituer à la demande des déposants, selon les termes convenus ».

Il avance que pour être en règle, il suffit simplement d’acquérir la personnalité juridique conformément aux dispositions de ce décret. Pour les arnaques en ligne, à entendre l’adjudant Koanda, la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité reçoit une dizaine de plaintes par mois.

Faire preuve de grande vigilance sur tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux

Par ailleurs, il invite les usagers à faire preuve de grande vigilance sur tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux. « Pour ce qui est de la tontine sur les réseaux sociaux, lorsque vous voyez une personne qui fait la publicité d’une tontine en ligne et qui est à la recherche de ses adhérents, il faut chercher à connaitre physiquement l’initiateur de la tontine si vous voulez participer. Vérifiez que l’initiateur de la tontine possède des actes légaux avec une représentation reconnue », suggère-t-il.

Il propose également que tout initiateur de tontine, avant de lancer son activité doit établir des contrats signés pour tous les adhérents. Les références et la situation de la BCLCC dans la vidéo suivante.

Il appartient donc à tout un chacun, avant de prêter le flanc, d’examiner soigneusement tout ce qui est proposé comme opportunité sur les réseaux sociaux.

Lire aussi 👉Salamatou Koudougou/Badini, journaliste, entrepreneure, maman tontine

Flora KARAMBIRI 

Burkina 24

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