Société minière de SANBRADO : Trois ans après l’installation de la mine, les populations font grise mine
Dans le cadre de ses activités, une mission du secrétariat permanent de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE-Burkina) a effectué une visite d’immersion à la mine d’or de Sanbrado dans le Ganzourgou exploitée par la Société Minière de Sanbrado (SOMISA). Cette visite qui s’est déroulée du 13 au 16 juillet 2022 a permis à la délégation de ITIE-Burkina de s’imprégner des réalités de travail de cette société minière et d’échanger avec les communautés impactées par l’installation de cette mine.
Sanbrado, un village situé approximativement à 110 km au Sud-Est de la capitale Ouagadougou, dans la commune rurale de Boudry, province du Ganzourgou. C’est là que SOMISA, une filiale de West African Resources (WAF), une société minière australienne exploite depuis 2020 le gisement aurifère évalué à 1 700 000 onces d’or.
Sur les 25km² de superficie qu’occupe la mine, une dizaine de villages est directement impactée dont certains ont été relocalisés : Sanbrado, Sanbrado peulh, Pousghin, Roulghin, Noessé, Douré, Makarga Traditionnel, Markarga Peulh, Silmiougou et Pilaka.
Pour soulager les communautés impactées par les travaux de la mine, outre la compensation financière dont elles bénéficient chaque année pour une durée de 7 ans, SOMISA a mis en place un programme de restauration des moyens de subsistances.
Ainsi les femmes des villages impactés ont bénéficié de la formation dans des métiers comme la couture, la teinture, la saponification, le tissage. Elles bénéficient également d’un jardin de 2 ha réalisé par la mine où environ 74 productrices font du maraîchage.
Les jeunes quant à eux ont été formés en mécanique auto, en soudure, en maçonnerie, en électricité, en conduite auto, en élevage (volaille locale, embouche ovine et bovine), etc.
Cependant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Malgré les réalisations faites par la mine pour soulager les communautés impactées, ces dernières vivent déjà le calvaire, selon les témoignages collectés sur place.
Sur l’ancienne base de la mine située à un jet de pierre de l’usine de traitement de SOMISA, une trentaine de femmes issues des villages affectés par la mine attendait la délégation de l’ITIE. Elles reconnaissent avoir bénéficié d’un accompagnement de SOMISA en termes de formations dans divers métiers, cependant elles restent confrontées à une mévente de leurs produits ; ce qui les plonge dans une véritable misère.
« C’est vrai qu’au départ, la mine s’est entretenue avec nous sur ce qu’elle peut faire pour nous. Mais les engagements qu’ils ont pris au début ne sont pas respectés. Les femmes ont été formées à des métiers comme le tissage, la teinture, le maraîchage, la saponification, etc., mais on est confronté aujourd’hui à un problème d’écoulement », explique Rissanata Tapsoba, porte-parole des femmes de Sanbrado. Selon elles, les formations sont de courtes durées ; ce qui ne leur permet pas de mettre sur le marché des produits d’excellente qualité et ainsi rivaliser avec les autres productrices.
« A ce jour, pour cause de mévente, beaucoup de femmes de Sanbrado se retrouvent dans un appauvrissement total. Nous n’avons pas le retour sur investissement. On n’a même plus de fonds de roulement. On n’arrive même plus à honorer les frais de scolarité de nos enfants », assène Rissanata Tapsoba, qui ne décolère pas comme toutes les femmes que nous avons rencontrées.
« Avant l’installation de la mine, on se débrouillait pas mal dans l’orpaillage artisanal. Par jour chaque femme pouvait vendre l’or qu’elle gagnait à 5000 F ou plus et s’auto-prenait en charge. Mais aujourd’hui c’est la misère. Non seulement nos maris ne sont pas employés à la mine, et nous aussi les produits que l’on fabrique fait face un problème d’écoulement. La mine a déjà réalisé des choses pour nous certes, mais il faut reconnaître que ce n’est pas suffisant. Nous demandons encore de l’aide », renchérit une autre dame.
S’il y a des crises à venir à Sanbrado, ce serait dans le domaine des recrutements locaux…
La question de l’emploi local est un autre grief porté à l’encontre de SOMISA. A ce niveau si la mine reconnait qu’elle a du mal à trouver la main d’œuvre locale qualifiée, elle n’est pas exempte de tout reproche selon les femmes de Sanbrado qui estiment que même les emplois n’ayant pas besoin de qualification leur passent sous le nez au profit d’autres personnes qui ne sont pas de leurs terroirs.
Sur ce point, les femmes rejoignent les autorités locales que la délégation de l’ITIE a rencontrées plus tôt. Selon le préfet de Boudry, Moumouni Kéré, qui préside actuellement la délégation spéciale, s’il y a des crises à venir à Sanbrado, ce serait dans le domaine des recrutements locaux et des achats locaux. Le président de la délégation spéciale évoque notamment des difficultés de communication et de collaboration avec SOMISA.
Pourtant, à en croire le Directeur des affaires corporatives de SOMISA, Christian Ouédraogo, depuis 2020, la mine tient tous les trois mois, une session du cadre communal de concertation. « Nous présentons l’état d’avancement du projet, voyons quelles sont les préoccupations et apportons des réponses aux préoccupations des sessions antérieures », indique-t-il pour sa part.
Durant son séjour, la délégation de l’ITIE-BF a également visité le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Pousghin, un centre de santé offert par SOMISA. Ouvert seulement en février 2022, ce CSPS fait face à un manque de médicaments et trainerait selon le major Daouda Bonkoungou, une dette d’environ trois millions de FCFA.
De plus, le CSPS manque d’électricité, ce qui complique les consultations de nuit. Là également les regards sont tournés vers SOMISA. Mais selon le directeur des affaires corporatives de SOMISA, Christian Ouédraogo, au départ il n’a pas été question de construction et d’équipement du CSPS mais uniquement de la construction.
A SOMISA, les normes environnementales sont respectées…
La délégation a pu également visiter la mine notamment l’une des trois fosses en exploitation où le métal jaune est extrait, la clinique de la mine, l’usine de traitement et la pépinière où différentes espèces sont produites pour des besoins de reboisements.
Sur ce dernier point, le directeur des opérations au niveau du fonds d’intervention pour l’environnement, l’inspecteur des eaux et forêts Joel BAMA par ailleurs membre du comité technique d’examen et de validation des plans de réhabilitation des sites miniers, apprécie positivement les efforts de SOMISA en matière de respect des normes environnementales.
« SOMISA c’est l’une des dernières mines en activité, le plan de réhabilitation préliminaire est effectif. Déjà c’est bien que la mine ait pensé à cela mais comme il y a un comité national chargé de l’examen et de la validation de ces plans, il serait plus intéressant de faire valider cette phase de leur activité par ce comité. Ça va éviter certains dérapages. De manière générale, c’est vraiment satisfaisant pour un début, les essais sur ces sites », indique-t-il.
« Les normes environnementales sont respectées. Quand on voit la mise en place d’une pépinière pour les questions de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises, ndlr), ça laisse présager que la mine est animée d’une bonne volonté à respecter les normes environnementales. Il reste toujours à encourager la mine à aller dans ce sens pour un respect effectif de ce qu’elle a déjà commencé », apprécie l’inspecteur des eaux et forêts, Joel Bama.
Même si aujourd’hui la mine venait à fermer…
En fin de séjour à Sanbrado, le Secrétaire Permanent de l’ITIE-BF, Kanfido Onadja s’est dit satisfait de la visite. « Nous avons pu découvrir les différentes phases d’une mine industrielle. Par rapport à la norme, les différentes dispositions sont respectées. C’est vraiment des concertations qui continuent. Les populations impactées, là où elles étaient, elles ne sont plus là-bas. Elles ont l’’impression que tout ce qui leur arrive c’est parce que la mine est venue s’installer, quels que soient les efforts que la mine fait pour résoudre les problèmes. Mais il y a beaucoup d’efforts qui sont faits.
Même si aujourd’hui la mine venait à fermer, il y aura quand même quelque chose qui va rester. Nous les encourageons à aller à la concertation permanente avec la population », s’est exprimé Kanfido Onadja.
Du côté de SOMISA, on se satisfait également de la visite de l’initiative pour la transparence dans les industries extractives. « Nous apprécions cette visite à sa juste valeur. Cette visite permet de s’assurer que nous répondons aux obligations en termes de déclaration et en termes d’attente de l’ITIE.
Nous, nous exerçons. Il est souvent bon que des parties prenantes externes puissent venir pour qu’on puisse échanger à bâtons rompus sur certaines insuffisances qui nous permettent d’améliorer notre quotidien. Cette visite ITIE nous permet de découvrir les attentes de l’ITIE vis-à-vis des mines.
Comme vous savez c’est une norme que l’on doit valider et il y a des données qui sont demandées couramment par l’ITIE. Ça nous permet de savoir quel degré d’importance on doit mettre pour transmettre des données fiables afin de permettre à l’ITIE de faire son travail », a déclaré le Directeur des Affaires corporatives de SOMISA, Christian Ouédraogo.
SOMISA faut-il le rappeler après 3 années d’exercice a déjà versé pour le Fonds Minier de Développement Local (FMDL) plus de 4 milliards de F CFA.
SOMISA en bref
- West African Resources Limited (WAF) est une société minière (exploration et exploitation) australienne cotée à l’ASX (Australien Stock Exhange);
- Le permis d’exploitation a été octroyé suivant le décret n° 2017-0104 /PRES/PM/ MEMC/ MINEFID/MEEVCC du 13 mars 2017 et en 2018 elle a procédé à la modification du plan de développement de la mine.
- La signature de la convention minière entre la société SOMISA SA et l’Etat Burkinabè est intervenue le 22 Juillet 2019 ;
- La mine de Sanbrado a une capacité de 2,5 Mtpa, elle comprend à la fois une mine souterraine et une mine à ciel ouvert ;
- SOMISA est une société de droit Burkinabè détenue à 90% par WAF et 10% par l’Etat Burkinabè ;
- Ses réserves sont estimées à 1,7 millions d’onces (soit 21,6 Mt à 2,4g/t d’or) ; avec une production annuelle moyenne de 200,000 onces d’or
- La durée de vie initiale du Projet est de plus de 10 ans, dont 6,5 ans pour l’exploitation souterraine ;
- SOMISA est entrée en production le 05 mai 2020 conformément à l’arrêté conjoint signé par le Ministre en charge des Mines et de celui en charge des finances ;
- Le traitement de l’or se fait par le procédé de lixiviation en cuve (CIL) ;
- Présentement, WAF a acquis les actifs de la société Volta Ressources au Burkina : KIAKA GOLD SARL dont le projet TOEGA et KIAKA SA
- Le gisement de TOEGA, se situe à environ 14 km de Sanbrado ; le minerai sera transporté à l’usine de traitement de SOMISA pour la suite du processus sur une durée de vie de 7 années ;
- Une Politique d’emploi local est mise en place et vise à favoriser la création d’emplois au niveau de ses zones d’implantation et à générer des revenus dans les localités affectées par la mine ;
- Cette Politique s’applique à la société SOMISA SA et à ses sous-traitants opérant sur le site de la mine de Sanbrado et est conformément aux dispositions de l’article 4 du Code du travail Burkinabè ;
- SOMISA a mis en place une politique d’achat local afin de se conformer aux textes en vigueur et d’encadrer le domaine de la fourniture locale de biens et services miniers
Maxime KABORE
Burkina 24
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