« Cinq mois après : Le Burkina du MPSR où tout va bien et le pays réel… » (Abdoulaye Barry)

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Ceci est un écrit du journaliste et analyste politique, Abdoulaye Barry, sur l’actualité nationale.

Cinq mois après son discours d’avril où il avait donné rendez-vous aux Burkinabè pour un bilan d’étape, le Président de la transition  s’est donc adressé à la nation. Dans un discours visiblement teinté de sincérité, le lieutenant-colonel Damiba a égrené une kyrielle d’actions engagées dans le cadre de la lutte contre la crise sécuritaire, non sans avoir fait un diagnostic accablant où tout le monde en a pris pour son grade : le peuple, les acteurs de la justice, les politiques, l’armée, les VDP…bref tout le monde, à l’en croire, est responsable de la faillite de l’État qui a plongé tout un pays dans un drame inextricable.

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C’est la première fois, depuis le début de la crise,  qu’une personnalité politique indexe clairement la responsabilité de certains militaires  et des VDP dans l’aggravation de la crise sécuritaire. L’ancien patron du GFAT (Groupement des forces anti-terroristes) sait certainement de quoi il parle. Oser se regarder en face, c’est faire preuve de courage pour affronter la réalité car rien de durable ne peut se construire sur du mensonge.   

Conclusion : quasi satisfécit  de l’exécutif par rapport au bilan ainsi dressé sur papier.

Quid de la réalité du terrain?

L’unanimité pourrait se dégager autour des efforts de réorganisation du système de défense national avec à la clé  des mesures concrètes: création du COTN (Commandement des opérations du théâtre national)  pour une meilleure coordination des opérations et une articulation entre les différentes forces engagées.

On peut citer également la création de la Brigade de veille et de défense patriotique pour une meilleure restructuration des VDP.

Cependant on peut légitimement s’interroger sur l’efficacité de ces mesures sur le terrain au regard des résultats visiblement lisibles nulle part dans le pays où la seule certitude demeure l’incertitude.

En un mot comme en mille, le Burkina Faso est en train de tomber comme un fruit mûr dans l’escarcelle des groupes armés terroristes. Aucune rodomontade de néo-politiciens à la langue mielleuse  ne semble, pour l’instant, à même de maquiller cette triste réalité d’un pays qui avait su renvoyer pendant des décennies au reste du monde l’image de terre de fierté et de courage.

Ces  cinq derniers mois ont été marqués par une accélération de la dégradation de la situation sécuritaire notamment dans le Nord, dans la Boucle du Mouhoun, à l’Est et au Sahel. Plus de la moitié du territoire échappe au contrôle de l’État avec à la clé plus de 2000 morts du fait du terrorisme de janvier à nos jours. S’il y a eu beaucoup d’opérations militaires sur le terrain, le peuple burkinabè attend inlassablement toujours la guerre promise contre le terrorisme.

Des villages entiers sont  mis sous coupe réglée et d’innombrables villes retiennent leur souffle dans l’isolement avec un fort  sentiment d’abandon total. Leur détresse semble inaudible du paisible peuple de Ouagadougou où siègent les grandes institutions démocratiques qui reflètent très rarement les besoins existentiels du peuple, sans lequel elles n’ont pourtant aucune raison d’être.

La crise humanitaire s’est également accentuée avec un nombre croissant de déplacés internes : 398000 personnes déplacées en 7 mois, dépassant largement le nombre  total de déplacés en 2021 qui était de 355000. Aucun (ou presque) déplacé interne n’a pu rejoindre son village du fait de la reconquête du territoire par l’État.

C’est plutôt pour fuir les conditions exécrables des camps de fortune que des milliers de personnes sont effectivement retournées dans leurs villages pour se soumettre aux règles des nouveaux maîtres de leurs localités. Aucune localité n’a été libérée pour espérer voir le retour progressif de l’État, protecteur qui a abandonné des populations en danger de mort.

Quant au nombre d’écoles fermées, les prévisions les plus optimistes tournent autour de  5000 à la rentrée prochaine contre un peu plus de 3000 en janvier dernier.

A écouter la rhétorique politicienne, on pourrait bien se demander s’il n’y a pas deux Burkina Faso, tant celui que décrit le gouvernement et ses supporteurs est bien loin de la réalité du terrain.

Les principales routes qui relient la capitale aux grandes villes de l’intérieur ne sont plus sûres du fait des attaques ou des actes de sabotage des groupes armés terroristes.

Avec 18%, le taux de l’inflation a atteint un niveau jamais égalé dans l’histoire du pays. Une crise qui affecte gravement le quotidien des populations sans que le gouvernement ne soit capable de prendre des mesures d’accompagnement à la hauteur des attentes.

Les prix des denrées de première nécessité ont explosé et le carburant a connu deux augmentations en 6 mois. Pis, la hausse des prix des denrées ne s’est pas accompagnée d’une augmentation du pouvoir d’achat des Burkinabè sauf celui des membres du gouvernement dont les salaires ont doublé sans scrupule.

Le pays fait face à une crise économique sévère, obligeant ainsi beaucoup d’opérateurs économiques à abandonner de vastes chantiers pour s’installer en Côte d’Ivoire où l’environnement des affaires semble plus attractif. Sur le plan des libertés individuelles, on assiste à un recul grave marqué par une volonté de taire les voix discordantes et de caporalisation des médias. Au plan social, le pays a de plus en plus mal à sa cohésion.

La réconciliation nationale a pris du plomb dans l’aile avec le retour controversé de Blaise Compaoré, condamné à la perpétuité dans l’affaire Sankara. Ce qui n’a pas manqué de porter un coup dur à l’indépendance de la justice et surtout au sacro-saint principe de séparation des pouvoirs. Quand un citoyen condamné à la peine la plus infamante rentre au pays sous la protection de celui même qui a fait le serment devant le peuple de respecter et de faire respecter les lois de la République, il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir immédiat d’un tel pays.

 En un mot comme en mille, c’est un coup de massue qui marquera un tournant singulier  dans l’histoire de la Justice.

Désormais les Burkinabè, même les plus incrédules, se sont fait leur religion. Il s’agit clairement d’un hypothétique projet de restauration du défunt régime de Blaise Compaoré.

Mais, tout semble encore rattrapable à condition de revenir aux fondamentaux en se concentrant sur l’objectif stratégique numéro un à savoir la restauration de l’intégrité du territoire. C’est la seule restauration qui vaille pour l’honneur de l’armée et la dignité du peuple.

Abdoulaye Barry

Journaliste, Analyste politique 

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