Centre pénitentiaire agricole de Baporo : Le Capitaine Ibrahim Traoré veut sauver la vision de feu Thomas Sankara
A Baporo, village de la commune rurale de Zawara, province du Sanguié, dans la région du Centre-Ouest, se trouve un Centre pénitentiaire agricole. Créé en 1984 sous l’impulsion de feu Capitaine Thomas Sankara, le centre, aujourd’hui, même fonctionnant à minima, et ce, au grand dam des potentialités qu’on lui sait, demeure un creuset de l’agro-sylvo-pastoralisme au Burkina Faso. Caméras, micros, téléphones portables en main, bloc-notes, Hommes de médias et communicants ont fait une immersion dans ce lieu si particulier… Une première du genre pour des journalistes depuis l’existence du centre, apprend-on sur place. Découverte !
Des arbres à perte de vue dans lesquels s’entremêlent une bananeraie, des champs de maïs, un élevage de bovins, un élevage d’ovins, un élevage de porcs, une apiculture… Tel est le décor du Centre pénitentiaire agricole de Baporo (CPAB), créé en 1984 par une volonté politique des autorités de l’époque. Ce centre est situé à l’entrée de la ville de Boromo, en bordure du fleuve Mouhoun.
Selon l’exposé que nous sert l’Inspecteur divisionnaire Sabila Sawadogo, Directeur général (DG) du CPAB, dès notre arrivée, le centre a fonctionné de manière informelle jusqu’en 1995 où un projet de décret devant règlementer son fonctionnement a été élaboré (décret n°95-235/PRES).
Ledit décret, dit-il, qui déclinait les objectifs, l’organisation et le fonctionnement du centre n’a malheureusement pas pu aboutir, mais il a fonctionné dans la même vision à savoir « la formation professionnelle des détenus condamnés, en vue de permettre leur réinsertion sociale ; la production agricole et animale en vue d’assurer la sécurité alimentaire des établissements pénitentiaires et partant, de contribuer à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire du pays ».
Des bottes nous sont proposées. Si certains les acceptent sans hésitations, d’autres préfèrent garder leurs chaussures. La suite des événements donne raison à l’un ou l’autre. Agents de sécurité pénitentiaire, premiers responsables du centre, Juges et Hommes de média et communicants, entament une visite guidée du lieu aménagé sur 100 hectares dans une forêt classée. Le couloir que nous empruntons, sur plusieurs mètres, de gauche à droite, est plein de broussaille. Une ambiance de vieilles connaissances s’invite pendant que nous avalons des mètres.
Le CPAB, un creuset de l’agro-sylvo-pastoralisme
Subitement, le Directeur général nous fait marquer un arrêt. Il nous présente alors une première installation, vieille de 1986. Il s’agit d’un système d’irrigation. Plus loin, sur environ une centaine de mètres, un autre système d’irrigation du même genre et de la même époque sur une surface d’environ 40 hectares.
« L’espace que vous voyez, c’est pour aménager. Ce sont des systèmes d’irrigation, de pompage… Nous avons comme ça au nombre de 84. Et actuellement, c’est fonctionnel », indique l’Inspecteur divisionnaire Sabila Sawadogo. A moins de 2 Km de là, une bananeraie bâtie sur une superficie de 1,5 hectare. On y retrouve des pensionnaires du centre en plein labour.
A quelques pas de cet endroit, d’autres pensionnaires en pleine rizière. Et là également, pour la suite des événements, un confrère fait une glissade et se retrouve dans la boue. Porte-t-il des bottes ? Devinette !
Après un bref entretien avec ceux-ci, nous nous dirigeons vers la station de pompage permettant l’irrigation des différents champs. A tour de rôle, Windinmi Bertin Ilboudo, Inspecteur de sécurité pénitentiaire principal, Directeur du CPAB, et le DG du CPAB font comprendre que leur plus grand souhait, c’est le renouvellement des équipements et le déplacement de la station de pompage vers la quarantaine d’hectares précédemment visitée. Cela, parce qu’actuellement installée à proximité du fleuve Mouhoun. Ce qui n’allège pas leur tâche en saison de pluie.
Après cette étape, le groupe de visiteurs effectue une remontée. « Attention » ! Sommes-nous interpellés de faire un détour, au risque de déranger la quiétude d’abeilles. Oui, des abeilles ! Dans le large éventail de domaines d’activités du CPAB, figure également l’apiculture.
Brice Kourabié, Technicien supérieur d’élevage, est mis à disposition par le ministère de la justice pour la production pénitentiaire. « Nous sommes sur un site apicole d’une vingtaine de ruches. L’idée, c’est d’amener les détenus à s’intéresser à l’apiculture, qui est une activité très bénéfique. En moyenne, on peut se retrouver autour de 40 à 50 Kg.
Notre objectif, c’est vraiment de renforcer la production pour aussi prendre en compte le volet de la commercialisation », fait-il savoir. Notre randonnée pédestre nous conduit successivement sur des sites réservés à l’élevage de la volaille, de porcs et au niveau des dortoirs des détenus, ces derniers aussi construits depuis 1986.
D’une capacité d’accueil de 80 détenus uniquement composés d’hommes, le CPAB compte aujourd’hui 44 détenus. « Les placés sont des anciens détenus amandés qui sont affectés dans les sites de production (bananerais, champ, jardin, porcherie, poulailler, bergerie, pépinière…) ; ‘’l’armée rouge’’ (ndlr, tenue rouge), sous la conduite de la Brigade Spéciale, constitue le groupe le plus important et est responsable des corvées ponctuelles (laboure, arrosage, repiquage, récolte…) », explique l’Inspecteur divisionnaire Sabila Sawadogo. Aussi y a-t-il, ce qu’il appelle l’armée « verte ». Ce sont, précise-t-il, les pensionnaires au repos.
L’admission au CPAB est subordonnée par plusieurs conditions. « Selon l’article 7 de l’Arrêté N°2020-045/MJ/CAB portant modalité de fonctionnement de la Commission de l’Application des Peines, les conditions à remplir par les détenus pour bénéficier des mesures de placements ou de semi-liberté au profit des établissements publics ou des personnes privées sont entre autres si le condamné donne des preuves suffisantes de bonne conduite et présente des gages sérieux de réadaptations sociales ; avoir purgé la moitié de la peine d’emprisonnement ferme pour le condamné primaire ; avoir purgé les trois quart de la peine d’emprisonnement ferme pour le condamné récidiviste ; avoir purgé les deux tiers de la peine restante après l’expiration de la période de sûreté pour le condamné coupable d’infractions liées aux actes de grand banditisme ou assimilées », fait par ailleurs comprendre l’inspecteur divisionnaire.
Atouts, difficultés et perspectives du CPAB
Les atouts du Centre pénitentiaire agricole de Baporo sont de plusieurs ordres. Le centre, à en croire l’exposé du DG, dispose de terres cultivables, 100 ha, et des aires de pâturage. Il y existe des matériels de production tels qu’un tracteur, des charrues, des égreneuses, un broyeur pour la fabrication d’aliments des animaux… ; une proximité d’avec le fleuve Mouhoun ; une station de l’Office national de l’eau et d’assainissement (ONEA) implantée au sein du centre ; une disponibilité d’électricité…
En termes de ressources humaines, l’on compte l’existence d’encadreurs du Groupement de sécurité pénitentiaire (GSP) spécialisés en Matourkou et à l’ENESA en techniques de production végétale et animale et l’existence d’une main d’œuvre pénale abondante et permanente. Il ressort en somme que si toutes les potentialités du centre sont véritablement exploitées, elles peuvent suffire à satisfaire la consommation des détenus dans les établissements pénitentiaires du Burkina Faso et même contribuer à atteindre l’autosuffisance alimentaire.
Des difficultés, le centre en connait. Ce sont « le délaissement du centre par les autorités après la période de la révolution ; les infrastructures à faible capacité d’accueil des détenus et vétustes ; l’absence de cadre juridique régularisant le centre ; locaux administratifs inadaptés et vétustes ; mauvais emplacement de la station de pompage et sa faible capacité ; absence de clôture du centre (présence d’animaux errants aux alentours du site) », cite le DG.
Un appui de la Transition qui donne un nouveau souffle
La direction de l’administration pénitentiaire a en perspectives « d’étendre la superficie aménagée à plus de 300 ha ; construire des dortoirs d’une capacité d’accueil de 200 détenus et un bâtiment administratif ; construire et équiper un poulailler moderne d’une capacité d’accueil de 2 000 sujets environ ; réhabiliter la porcherie, l’étable, l’atelier d’embouche et le poulailler existant ; déplacer et augmenter la capacité de la station de pompage ; augmenter et déléguer le budget du centre ; acquérir un moyen de transport adapté pour le transfèrement des détenus ; renforcer les équipements agricoles (tracteurs, semoirs, charrues…) ; construire un fenil équipé en matériels de fauche et de conservation de fourrage ; renforcer la production apicole… », indique le DG.
Selon le DG, depuis l’arrivée du Président de la Transition, le Capitaine Ibrahim Traoré, le centre est bénéficiaire de plusieurs appuis. « Depuis l’arrivée du Chef de la transition, le Capitaine Ibrahim Traoré, pendant la saison pluvieuse, le centre a eu un bon appui en labour, en intrants à travers le bureau des grands projets et (des actions pour) agrandir la production malgré le nombre de détenus que vous voyez.
La culture de contre-saison que vous voyez, c’est avec l’appui des grands projets, à travers la construction d’un forage. Avec l’arrivée du Capitaine Ibrahim Traoré, la vision du créateur du centre (ndlr, feu Thomas Sankara) serait remise sur table. Le lièvre est levé, et il faut l’attraper », témoigne le premier responsable du centre.
Au terme de notre périple, organisé dans le cadre de l’initiative présidentielle pour l’agriculture, ce sont 4 Km que nous totalisons sur les 100 hectares de terrain du centre. Au cours de la dernière saison hivernale, le centre enregistre plus de 44 hectares pour des récoltes estimées à plus de 20 tonnes de sorgho, de maïs et de niébé.
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Tambi Serge Pacome ZONGO
Burkina 24
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